La colère gronde chez les travailleurs sociaux parisiens

La colère gronde chez les travailleurs sociaux parisiens

13.12.2016

Action sociale

Le 8 décembre, une partie des travailleurs sociaux travaillant pour le département de Paris se sont mis en grève et ont manifesté. Ils expriment un ras-le-bol par rapport à la surcharge de leur travail, à la raréfaction des réponses en matière d'hébergement et l'obsession des statistiques. Le mouvement social pourrait bien rebondir en janvier.

Mathilde (on l'appellera ainsi) travaille dans un service social polyvalent dans le 15e arrondissement parisien. Le 8 décembre, elle a fait grève et manifesté comme une partie du millier de travailleurs sociaux qui sont employés par la Direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé (Dases) de Paris (1). Elle précise que son service n'est pas le plus mal loti par rapport à ses collègues de la polyvalence dans les arrondissements du nord-est parisien et surtout ceux des permanences d'accueil des SDF. Et pourtant, elle a décidé de lever le pied l'autre jeudi. Avec le désir de tirer le signal d'alarme.

"Un boulot au rabais"

Qu'est-ce qui ne tourne pas rond ? A effectif constant, les agents sont de plus en plus sollicités pour des tâches nouvelles. "Pour l'accueil des mineurs isolés étrangers, c'est un service de la Croix-Rouge qui s'en charge. Sauf qu'en cas de saturation, on nous demande d'évaluer en un seul entretien la situation de ce jeune alors que nous ne sommes absolument pas formés pour appréhender cette problématique. C'est un boulot au rabais qui éthiquement pose problème".

Action sociale

L'action sociale permet le maintien d'une cohésion sociale grâce à des dispositifs législatifs et règlementaires.

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L'assistante sociale met également en cause les dégâts de la fracture numérique. "Beaucoup de gens sont incapables de faire des démarches par internet aussi bien en direction de Pôle emploi ou de la CAF. Ils se tournent dès lors vers nous pour les aider dans leurs démarches. Nous mêmes sommes face à des serveurs vocaux, avec l'impossibilité d'avoir de vrais interlocuteurs. Tout cela développe un sentiment d'impuissance."

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Une demi-journée par semaine sur l'ordinateur

L'autre grand grief concerne la lourdeur de l'appareillage informatique que doivent renseigner les travailleurs pour la moindre démarche. "Si je faisais entièrement ce qu'on me demande de donner comme informations, cela me prendrait une demi-journée par semaine", explique Mathilde qui a choisi d'assurer un service minimum en la matière. Cette exigence de plus en plus forte en matière de "traçabilité" du travail social pose deux types de problèmes, selon elle. D'une part, la confidentialité des informations personnelles ne serait pas toujours assurée.

Normalisation du travail social

D'autre part, Mathilde dénonce une normalisation du travail, une difficulté à sortir d'un cadre qui ne permet pas un accompagnement individualisé de chaque personne. "Toutes les demandes d'hébergement sont centralisées par un service unique. Si une place est trouvée, ce qui devient de plus en plus difficile, il ne nous est pas possible d'éclairer la structure d'accueil sur les problématiques rencontrées par la personne que l'on suit". A ce sentiment de perte de sens lié à un accompagnement "parcellisé" s'ajoute la souffrance de ne pas pouvoir répondre à toutes les demandes d'hébergement des familles (la solution hôtelière est réservée aux situations de protection de l'enfance). S'ajoute à cela évidemment le nombre important de familles suivies par un travailleur social (entre 80 et 100).

Deux AG, une journée de grève

Toutes ces raisons ont cristallisé un mouvement de colère. "En octobre et en novembre, deux assemblées générales ont rassemblé, à l'invitation de six syndicats, les agents des services de la Dases, raconte Séverine Parrot, déléguée FSU (lire son témoignage dans le cadre de la série "En quête de sens"). Lors de ces AG, des agents ont expliqué que leurs services avaient décidé d'arrêter, submergés par les dossiers, toute action collective, comme des sorties avec les usagers. Le principe d'une grève en décembre a été arrêtée à cette occasion".

Des postes restés vacants

Si la situation est jugée très critique dans les trois arrondissements les plus populaires (les 18e, 19e et 20e), des problèmes importants existent également dans les 14e, 15e, 17e arrondissements, notamment. Des sous-effectifs existent ici et là, avec le non-remplacement de certains arrêts maladie et même la difficulté de pourvoir certains postes jugés peu attractifs. "Trente postes sont restés vacants et il a fallu faire appel à des CDD", explique Séverine Parrot. Le problème est particulièrement sensible dans les permanences d'accueil des SDF totalement submergées par les demandes. Et "le problème est antérieur à la crise des réfugiés", précise la syndicaliste.

On remet le couvert en 2017 ?

Lundi 12 décembre, une délégation syndicale a été reçue par le directeur de cabinet de Dominique Versini (le fait que l'adjointe chargée de la solidarité ne reçoive pas les agents de la Ville n'a pas été très bien perçu). Apparemment, selon les sources syndicales (2), la rencontre n'a débouché sur aucune avancée. La demande d'effectifs nouveaux aurait reçu une fin de non-recevoir. Une nouvelle AG est prévue le 12 janvier et des actions décentralisées dans les arrondissements pourraient bien être organisées. A suivre donc.

 

(1) Selon le journal Le Monde, la manifestation a rassemblé 200 travailleurs sociaux.

(2) Sollicitée, l'administration parisienne n'a pas donné suite à notre demande d'entretien.

Noël Bouttier
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