Le responsable formation à l’ère digitale

Le responsable formation à l’ère digitale

01.12.2016

Gestion du personnel

Michel Barabel, responsable du master 2 GRH dans les multinationales à l’IAE Gustave Eiffel de Paris, intervenant en Innovation et digital au sein de l'Executive Master Ressources Humaines de Sciences Po Paris et co-auteur du "Grand livre de la formation" décrypte les nouveaux défis des responsables formation. En particulier ceux liés au numérique.

La loi du 5 mars 2014 n’est pas le facteur de transformation le plus important. On aurait tort de penser que les évolutions législatives sont les seules à impacter le métier de responsable de formation. Bien entendu la réforme crée d’importantes ruptures par rapport au cadre antérieur :

  • La fin d’une approche fiscale de la formation (obligation de payer et non de former) au profit d’une obligation d’employabilité ;
  • La formation n’est plus la finalité, c’est la certification qui prime ;
  • L’abandon de la formation perçue comme un co-investissement ;
Le monde digital ou la nécessité de penser autrement l’apprentissage

Mais au-delà de cette révolution qui conduit à penser véritablement la formation comme un investissement et non plus comme une dépense, la formation est également "challengée" par différents facteurs environnementaux (technologique, démographique, sociétal, …) au premier rang duquel on trouve la transformation digitale.

En effet, traditionnellement, une politique de formation cherchait avant tout à assurer l’adéquation entre les besoins immédiats de l’entreprise et ses ressources. Dans le meilleur des cas, elle cherchait également à préparer l’avenir (accompagner les mobilités, anticiper les besoins futurs,…) et à renforcer la culture d’entreprise et l’engagement des collaborateurs (fidéliser, motiver, …). Elle se caractérisait par son caractère inéquitable (focalisation sur certains collaborateurs : généralement les cadres, les mieux formés, les moins de 45 ans…), présentiel (formation en salle de type descendant, formation perçue comme un stock), coûteux et exceptionnel (au mieux une fois par an).

L’avènement de l’ère digitale change la donne. L’accélération des innovations technologiques nous fait entrer dans une époque où les compétences des individus se périment rapidement  et le risque d’inemployabilité est partagé par tous (quels que soient le statut et l’emploi occupé).

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Un pro des chiffres qui cherche par tous les moyens à optimiser le budget formation

La nécessité de former tous les collaborateurs, plus souvent, voire en permanence s’opère dans un contexte économique serré (diminution ou stabilisation des budgets) et hyperconcurrentiel. A charge, pour le responsable de formation de se transformer, à la fois, en chasseur de financement (subventions européennes, partenariat avec l’Opca, plan collectif au niveau de la branche…) et en contrôleur de gestion. En particulier, le responsable formation (RF) doit s’assurer du niveau de qualité et d’adéquation des formations proposées. On ne peut plus se permettre de dépenser inutilement ! Sa recherche d’optimisation le pousse également à privilégier toutes les modalités d’apprentissage à moindre frais avec une plus forte mobilisation des ressources internes : tutorat, mentoring inversé, co-développement, logique d’entraide, …

Un veilleur stratège s’appuyant sur le big data et les échanges "hors les murs"

La formation doit se penser de manière globale et systémique en lien avec la stratégie de l’entreprise et les études prospectives. Le fameux lien gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC)/formation doit être une obsession du RF. Au-delà des obligations légales (obligation de négocier un accord GPEC pour les entreprises de plus de 300 salariés tous les trois ans, construction d’un plan de formation triennal), le monde digital pousse également à résonner en cycle plus court. On voit se développer les GPEC à plus court terme (à 6 mois, 1 an, 2 ans) qui se nourrissent également de la capacité du RF à s’appuyer sur la masse de données disponibles (big data), à réaliser des veilles et à aller "hors les murs" pour identifier des signaux faibles de l’environnement. Demain, c’est sans doute 50% de son temps que le RF passera dans des salons professionnels, à la rencontre des experts (enseignant, pédagogue, spécialistes des sciences cognitives, sociologues, …), en formation lui-même ou en interaction avec des startupers. Il se nourrira de ces échanges pour penser les dispositifs de formation, jouer son rôle de partenaire stratégique et servir les objectifs de l’entreprise (assurer l’adéquation formation/ besoins).

Un concepteur pédagogique high tech au fait des dernières recherches sur l’apprentissage

Le RF doit savoir concevoir une proposition d’apprentissage épanouissante avec des contenus denses, multimodaux (Mooc, e-learning, présentiel, formation sur le smart-phone, mobilisation des réseaux sociaux d’entreprise…) et personnalisés. A charge pour lui de mobiliser le plus d’approches pédagogiques possibles pour stimuler les capacités d’apprentissage, d’innovation et de curiosité de tous les individus. L’un de ses enjeux sera de s’assurer de l’inscription durable chez l’individu de ses apprentissages et de sa capacité à devenir acteur. Cela passe par une vision large de l’action de formation qui envisage, au-delà du cursus central, les modalités en amont et en aval (piqûre de rappel, vérification, …).

Mais qu’on ne se trompe pas, la formation ne sera jamais 100% digitale. L’homme est un animal social ! Plus que jamais, nous sommes dans l’ère du blended-learning, formation mélangeant présentiel et enseignement à distance. Les formations en mode présentiel deviennent même centrales pour les entreprises : lieux de rencontre, d’échange et de partage. On voit émerger de multiples formats : atelier de co-développement, challenge d’innovation (hackathon), groupe d’analyse de pratiques professionnelles, réunion de partage d’expérience, revue de pairs, simulation in vitro, formation-action, voyage d’apprentissage (learning expedition), tutorat inversé, tutorat en binôme, mises en situation (apprendre en faisant), projets collaboratifs, ateliers de design thinking (concevoir, faire…), études de cas, apprentissage en situation de travail …

C’est dans sa capacité à combiner différents formats pédagogiques notamment en présentiel que le RF assure l’efficacité de ses dispositifs.

Le RF a tout d’un chef d’orchestre.

En quelques mots, ce dernier s’apparente à un homme-orchestre. Il doit également être le conseiller d’orientation professionnelle (conseil individuel) de chaque collaborateur, le chef de projet formation (construire et réaliser le plan de formation, articuler les différents dispositifs de formation : VAE, CIF, CPF, période de professionnalisation, …), le consultant interne (accompagner les évolutions socio-organisationnelles, réaliser des diagnostics, assister les managers, …), le "marketeur" (séduire les collaborateurs, vendre les formations,  mobiliser des financeurs, engager les dirigeants et en faire des sponsors…). La liste est inépuisable.  Elle témoigne de la montée en gamme du métier de responsable de la formation, bien loin des activités traditionnelles tournées autour des activités administratives (convoquer les stagiaires, réserver les salles, imprimer les supports de cours), fiscales (faire la "24 83") ou de business partner (concevoir une action de formation en fonction des besoins des managers, construire un catalogue de formations). D’ailleurs, continuerons-nous à parler de formation demain ? Peut-être pas, car le terme est associé à ce temps où la formation se faisait "quelque part", à un moment donné par l’intermédiaire d’un formateur. Or, aujourd’hui, elle se peut se dérouler n’importe quand, n’importe où et sur n’importe quel écran.  On parlera sans doute alors du responsable de l’apprentissage permanent ou du responsable capital humain.

Michel Barabel
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