A quelques jours de la présentation du projet de loi logement axé sur le "Logement d'abord", le collectif des associations unies a dressé un bilan des 100 premiers jours de l'ère Macron. Il ne cache pas son inquiétude sur les choix politiques qui contredisent des déclarations. La question de la baisse des APL constitue pour les associations un mauvais signal.
Ce mercredi midi, devant la presse, les porte-parole du collectif des associations unies pour une nouvelle politique du logement hésitaient entre colère et circonspection en analysant les premières décisions du gouvernement Philippe. L'annonce de la réduction uniforme de 5 euros de l'aide personnalisée au logement (APL) cristallise tous les mécontentements. Christophe Robert, le délégué général de la Fondation Abbé Pierre, a sonné la charge contre cette mesure qui doit entrer en vigueur le 1er octobre.
Revoir la mesure sur les APL
Pour le collectif, l'APL représente une arme anti-pauvreté de première importance. "Trois quarts des 6,5 millions d'allocataires font partie des 10 % de Français les plus pauvres", rappelle Christophe Robert. Déjà, poursuit-il, l'APL n'a pas été revalorisée à la hauteur des augmentations des loyers et des charges. Cette décision pénalise donc la population la plus fragile (familles monoparentales, étudiants) et elle doit, selon le collectif, être totalement reconsidérée. Lequel compte étendre la contestation, des contacts ont été pris avec les syndicats étudiants, les fédérations de locataires, etc. pour envisager une initiative commune contre cette mesure.
Mauvais choix économique
"Même sur le plan économique, cette décision est jugée incompréhensible. "En diminuant les ressources des personnes les plus modestes, on les pousse à moins bien se soigner, à mal se nourrir. Cela a des coûts pour toute la société". Et Christophe Robert regarde sévèrement la déclaration du Président de la République enjoignant les propriétaires de baisser de 5 euros leur loyer. "C'est de la politique à la petite semaine", dénonce-t-il.
Sentiment d'injustice
L'autre porte-parole du collectif, Florent Gueguen, fait le lien avec le dossier des emplois aidés (
lire notre article) puisque de nombreux bénéficiaires, jusque-là payés au Smic, risquent de perdre leur emploi et de vivre avec les minima sociaux, ce qui ne peut qu'accroître la pauvreté. "Nous sommes choqués par le début de ce quinquennat où l'on fait des économies sur les politiques de solidarité", souligne le directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité. Des coupes budgétaires dans les crédits du logement ou de la politique de la ville ont également eu lieu cet été, explique le collectif qui parle d'un "sentiment d'injustice". "Il faut un vrai signal positif en direction des personnes en difficulté", assure-t-il.
Le Logement d'abord plutôt bien accueilli
Sera-ce le cas avec le projet de loi logement qui devrait être présenté en conseil des ministres le 13 septembre ? En conformité avec
les engagements du candidat Macron, la pierre angulaire de ce texte sera le Logement d'abord. Le ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, doit recevoir les associations ce vendredi 8 septembre pour en donner les grandes lignes. Sur le papier, ce cap satisfait les associations : "Banco !". Mais elles mettent plusieurs préalables pour applaudir des deux mains.
"Nous ne sommes pas des auxiliaires de police"
Le Logement d'abord ne doit pas servir de prétexte à remettre en cause le principe de l'accueil inconditionnel. Déjà, les structures d'hébergement sont souvent invitées par les autorités à trier les personnes accueillies, étrangères ou non. Emmanuel Macron en a reparlé devant les préfets le 5 septembre, accusant les associations d'empêcher les contrôles d'identité. "Nous sommes choqués par ce discours. Nous disons au Président que nous ne sommes pas des auxiliaires de police", réagit Christophe Robert.
Doubler le nombre de logements très sociaux
Seconde garantie demandée par le collectif : construire davantage de logements très sociaux (PLAI) qui permettent de mettre en route cette dynamique du Logement d'abord. Très concrètement, il faudrait doubler le nombre de ces logements pour atteindre les 60 000 annuels. Et il faut, dans le même temps, concevoir un accompagnement social de qualité, ce qui suppose de mobiliser les collectivités locales et tout le tissu associatif. Le collectif juge prudent de démarrer sur des territoires pilotes pour une vraie expérimentation.
Scepticisme sur le bail mobilité
Le collectif n'est pas du tout convaincu de l'intérêt du bail mobilité que défend(ait) Emmanuel Macron. Il s'agirait de proposer des baux à des personnes en CDD sur une durée inférieure à un an. Le besoin de stabilité dans le logement apparaît contradictoire avec cette forme de contrat qui, selon le collectif, n'intéressera ni les propriétaires ni les travailleurs précaires.
Conserver les acquis des lois SRU et Alur
Par ailleurs, le collectif ne veut pas entendre parler d'une remise en cause des lois SRU et Alur. Sur le premier point, il sera très vigilant à ce qu'on ne comptabilise pas les logements intermédiaires parmi le contingent du logement social (qui doit représenter 25 % du parc communal). Sur la loi Alur, le collectif défend la garantie universelle des loyers, espère que l'encadrement des loyers, expérimenté à Paris et Lille, va pouvoir s'étendre à d'autres agglomérations pour répondre à l'objectif présidentiel de réduction des loyers.
Plus personne à la rue cet hiver ?
Reste le cap fixé en juillet par Emmanuel Macron de ne plus avoir de personnes à la rue cet hiver. "Nous avons envie d'y croire, réagit Christophe Robert, mais pour y arriver, il faut d'autres arbitrages en termes de moyens". Ce qui signifie, pour les associations, de sortir d'une improvisation permanente et d'un mode de gouvernement très technocratique.