Les CHRS bientôt concernés par les tarifs plafond ?

Les CHRS bientôt concernés par les tarifs plafond ?

24.11.2017

Action sociale

Pour 2018, l'Etat prévoit de mettre en place des tarifs plafonds pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) assortis d'une économie globale de 20 millions d'euros. Les associations dénoncent la méthode et le fond du dossier. Les explications de Florent Guéguen, DG de la Fédération des acteurs de la solidarité.

"On met les pieds dans le plat". Florent Guéguen est passablement énervé par les annonces récentes faites par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) lors d'une réunion où étaient conviées l'ensemble des grandes associations. L'Etat prévoit, en effet, de mettre en place pour les CHRS, et ce dès 2018, des tarifs plafond, lui permettant de réaliser une économie de 20 M€. Alors le DG de la Fédération des acteurs de la solidarité a décidé de se confier à tsa pour sortir ces discussions de la confidentialité et alerter l'ensemble des professionnels. Il nous livre ses informations et son analyse des incidences possibles de ces réformes.

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tsa : Vous avez décidé de lever le voile sur les discussions avec l'Etat sur la réforme des CHRS. Que s'est-il passé ?

Florent Guéguen : Nous avons été réunis le 10 novembre par la DGCS pour nous informer des décisions qui doivent être prises d'ici la fin de l'année. Autour de la table étaient présentes, outre la Fédération des acteurs de la solidarité, les grandes associations (Croix-Rouge, Emmaüs, Aurore, Fehap, Uniopss, Armée du salut). Il nous a été dit qu'un amendement au PLF 2018 devrait être voté, prévoyant de rendre opposable l'étude nationale des coûts pour instaurer des tarifs plafond dans le secteur des CHRS.

 

Quelle est votre réaction ?

Cette décision n'est pas respectueuse de ce que nous avions discuté avec le ministre de la cohésion des territoires Jacques Mézard et son secrétaire d'Etat Julien Denormandie. Ils s'étaient engagé à ne pas réduire, au moins à court terme, les crédits alloués au secteur de l'accueil, l'hébergement et l'insertion (AHI) afin de financer le programme du logement d'abord auquel nous souscrivons dans ses objectifs. Et nous nous retrouvons, quelques mois plus tard, avec la mise en oeuvre de tarifs plafond qui, dès 2018, vont retirer au secteur 20 M€. C'est inacceptable !

 

D'où vient l'impulsion ?

C'est très simple : la direction du Budget a demandé à la DGCS de trouver une solution pour faire économiser 20 millions d'euros à l'Etat sur le dos de l'AHI, ce qui représente 3 % des ressources allouées aux CHRS. Cette mesure techno est d'autant plus facile à faire passer que le projet de budget prévoit une forte augmentation des crédits destinés à l'hébergement d'urgence. On noie cette ligne budgétaire dans un ensemble plus vaste.

 

Sur le fond, quelle analyse faites-vous des incidences des tarifs plafond sur le secteur ?

Actuellement, le coût moyen en CHRS est de 15 000 euros par place et par an. Mais certaines structures atteignent les 20 000 €. Pourquoi une telle différence ? Tout simplement parce que ces CHRS plus coûteux sont surtout ceux qui mettent en place des innovations et qui accueillent les publics les plus en difficulté (sortants de prisons, prostitués, femmes battues). C'est la plus-value des centres d'hébergement de mettre en place des ateliers d'emploi, un accès à la culture et à la santé ou des ateliers à la vie active lesquels proposent des activités à des personnes très éloignées du marché du travail.

 

Que pourrait-il se passer pour les CHRS ?

Si les structures les plus innovantes se voient retirer une partie de leur dotation (le document de la DGCS parle d'une diminution de 7 % par an, Ndlr), elles vont avoir tendance à se recentrer sur leur coeur de métier, à savoir l'hébergement, et à sélectionner des publics plus faciles à intégrer. C'est une menace très grave pour les CHRS avec le risque de fermeture de certains services et des licenciements !

 

Dans le même temps, le projet de réforme prévoit de généraliser les CPOM dans le secteur AHI d'ici 2023. Qu'en pensez-vous ?

Sur le papier, les CPOM nous conviennent car ils donnent une visibilité budgétaire sur trois ans et une fongibilité des financements au sein d'un même contrat. Pour autant, il est totalement contradictoire de s'engager sur la voie d'un CPOM dans le cadre des tarifs plafond. On ne peut librement contractualiser avec ce couperet ! Cela devrait d'ailleurs être la source de contentieux, comme c'est le cas avec les Esat qui ont dû appliquer les tarifs plafond.

 

Quelle analyse faites-vous de la volonté de transformer en places CHRS des places d'hébergement actuelles ?

C'est positif de faire passer ces établissements sous le régime de l'autorisation pour 15 ans. Le système est plus protecteur et permet de les faire entrer dans la loi de 2002-2, ce qui donne quelques droits nouveaux aux usagers, avec la création d'un conseil de la vie sociale. Mais là aussi, la réalité budgétaire risque de nous rattraper dans la mesure où il n'est pas prévu d'octroyer une rallonge à ces centres. Il faut savoir qu'une place d'hébergement d'urgence coûte entre 8 000 et 9 000 €, à comparer aux 15 000 € en CHRS. Voilà pourquoi nous demandons la création d'un tarif plancher pour que toutes les places en CHRS atteignent un seuil minimal.

 

Ces décisions de l'Etat entendent s'articuler avec le programme du logement d'abord.

Oui, mais c'est totalement incohérent avec l'affaiblissement des CHRS. Dans le cadre du programme du logement d'abord, ceux-ci pourraient créer des services pour accompagner les personnes pendant la phase d'entrée dans leur logement. Or, ils ne le feront pas s'ils sont affaiblis et s'ils se recentrent sur leur coeur de métier.

 

Quel regard portez-vous sur la stratégie gouvernementale ?

Elle est totalement incohérente. Le budget de l'urgence doit augmenter de 13 % en 2018. Mais à quoi va servir cette hausse ? Essentiellement à financer des chambres d'hôtel pour les gens à la rue. Dans le même temps, on affaiblit le secteur des CHRS. Comment peut-on privilégier l'urgence par rapport à l'insertion ?

 

Que comptez-vous faire ?

L'ensemble des associations va envoyer un courrier au ministre Jacques Mézard pour lui demander un rendez-vous. Nous allons, par ailleurs, faire des propositions techniques lors de la prochaine réunion à la DGCS, le 1er décembre. Et s'il le faut, nous réfléchirons ensuite à une action grand public pour défendre un secteur menacé.

Noël Bouttier
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