Michel Ghetti : "Les syndicats ont fait d'importantes concessions"

Michel Ghetti : "Les syndicats ont fait d'importantes concessions"

11.09.2017

Gestion du personnel

Michel Ghetti, président-directeur général de France Industrie & Emploi (FIE), revient sur les dispositions relatives au licenciement économique figurant dans les projets d'ordonnances. Il pointe la difficulté de contrôler les éventuels abus de droit pour justifier les licenciements lors de l'appréciation des difficultés économiques d'un groupe et met en garde contre le retour du "chèque valise".

Globalement, selon vous, quels sont les principales mesures qui vont changer la donne ?

Le texte a, sans conteste, une orientation libérale, inspirée du livre "Un autre droit du travail est possible", co-écrit par Franck Morel, conseiller social d’Edouard Philippe. Des concessions ont été faites à FO, la hiérarchie des normes n’étant pas complètement bouleversée puisque les ordonnances font aussi la part belle aux accords de branches. Même si on assiste ici à la fin quasi automatique des procédures d’extension. Reste que dans le détail, l’accord d’entreprise va s’imposer sur le contrat de travail, l’individu va primer sur la collectivité. Un salarié qui va refuser cet accord sera licencié sui generis, ce qui lui donne droit à un crédit de 100 heures de formation sur son compte personnel de formation et à une indemnité chômage.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Les ordonnances retiennent le périmètre national pour apprécier les difficultés économiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité d’un groupe international voulant procéder à des licenciements en France. L’exécutif y voit un moyen d’attirer les investisseurs étrangers. Les garde-fous sont-ils suffisants pour éviter les cas de fraudes ?

Le juge pourra continuer à contrôler les éventuels abus de droit, y compris la création de difficultés artificielles pour justifier les licenciements. Mais en pratique, il est très facile d’organiser le transfert de trésorerie d’une filiale française vers une autre filiale et entraîner l’insolvabilité de l’entité visée. La facturation inter-groupes est opaque. Comment être sûr que le prix de la facturation d’un site productif vers un site commercial, par exemple, est abusif ? Le juge n’a pas accès aux comptes internationaux  Seul le fisc peut les consulter. Il s’agit là d’une concession importante de la part des syndicats.

D’ores et déjà, la législation en vigueur est peu contraignante. Il faut prouver que l’activité concernée met en péril une branche ou un groupe international. Il y a eu les cas Molex, GM&S. Mais concrètement, comment une petite entreprise de roulement à billes de l’Ardèche peut-elle mettre en péril l’activité de la branche au niveau  international ?

Avec les nouvelles règles, de nombreux groupes internationaux pourraient ainsi être davantage tentés de liquider une filiale française après avoir organisés le transfert de savoir-faire. Des risques existent, notamment dans la vallée de l’Arve, fief des TPE/PME de la plasturgie, la plupart étant entre les mains de multinationales. Il sera plus facile de supprimer des entités de 200 à 300 postes. Or, la destruction de ces emplois sera-t-elle compensée par l’investissement des groupes internationaux ? C’est la grande interrogation. L’impact de ces mesures ne sera connu que dans quelques années.

Que pensez-vous des nouvelles règles encadrant les plans de départs volontaires ?

Les entreprises pourront, par accord majoritaire validé par l’administration du travail, définir un cadre commun de départs volontaires. Mais il s’agit ici d’une occasion manquée pour revaloriser le rôle des seniors et prévoir leur sortie progressive de l’entreprise, notamment par le biais du tutorat ou d’une activité à temps partiel. On risque, à la place, d’assister à des départs massifs de seniors, en raison de pressions ou sous le coup de la fatigue, notamment pour les salariés travaillant de nuit. L’autre crainte porte sur le départ de salariés insuffisamment formés, pour les remplacer par des profils moins chers, dotés de compétences nouvelles. Il s’agit en quelque sorte du retour du "chèque-valise", c’est-à-dire des incitations financières très avantageuses proposées par les entreprises, lors d’un plan de sauvegarde pour l’emploi, pour faciliter les départs. Pourtant, aussi tentante soit-elle, à long terme, une prime peut vite se révéler être un piège pour les salariés qui l'acceptent. Ce fût le cas pour les salariés de Metaleurop ou encore de Moulinex.

L’obligation de revitalisation est toutefois maintenue ?

Effectivement. Ces nouveaux plans de départs volontaires n’exonèrent pas l’employeur de l’obligation de revitalisation. Celle-ci doit être conclue entre l’entreprise et l’administration lorsque le plan de départ volontaire affecte l’équilibre du bassin d’emploi. Le montant de la contribution par l’entreprise ne peut être inférieur à deux fois la valeur mensuelle du salaire minimum de croissance par emploi supprimé. Toutefois, l’autorité administrative peut fixer un montant inférieur lorsque l’entreprise est dans l’incapacité d’assurer la charge financière de cette contribution.

Certes, le contrôle des Direccte est nécessaire. Mais l’expérience montre qu’à chaque fois que l’entreprise s’implique, les résultats sont meilleurs. L’administration vise davantage les actions structurantes qui permettent de consolider un tissu industriel. Il peut s’agir, par exemple, de conforter la recherche, dans une filière déterminée, en lien avec les activités du bassin d’emploi. Ou de mettre en place des plans d’actions endogènes qui visent à détecter des emplois dormants dans une petite entreprise du bassin d’emploi concerné. Les agences de développement public financent beaucoup ce type de projets. Mais cela crée plus d’effets d’aubaine que d’emplois.

Les entreprises privilégient davantage les plans exogènes, visant l’implantation d’entreprises extérieures via des partenariats tissés avec des entreprises d’autres régions ou d’autres pays. Cette approche n’est pas à négliger.

Les ordonnances suppriment l’obligation de proposer des postes à l’étranger. Y êtes-vous favorable?

La loi de 2008 portant modernisation du marché du travail a conduit à des situations absurdes. Les employeurs proposaient des offres "indécentes", en Roumanie ou en Tunisie. Les salariés et syndicats s’indignaient, mais si l’employeur ne les proposait pas, il pouvait se voir condamner pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et payer de fortes indemnités. La loi du 18 mai 2010 visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement a apporté quelques améliorations, en ciblant les offres "raisonnables". Mais elle n’a pas permis d’éliminer les propositions de reclassement assorties de salaires peu élevés. De plus, elle a ajouté une complexité de procédure, source de contentieux. D’où l’intérêt de supprimer cette obligation.

Les ordonnances donnent à une entreprise, quelle que soit sa taille, la possibilité de procéder à un PSE  en amont d’une cession d’entreprise. Qu’en pensez-vous ?

Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une incitation à détruire de l’emploi. La loi El Khomri avait déjà ouvert la brèche pour les entreprises d’au moins 1 000 salariés (ou appartenant à un groupe de cette dimension). Cette disposition ne me choque pas. Il n’est pas aberrant qu’un repreneur veuille évaluer le risque social en cas de rachat. Cette disposition permet de diminuer les charges, de mettre les choses en ordre de marche. Le repreneur, pour des questions d’image mais aussi de coût, n’a pas forcément envie de se lancer dans un plan de sauvegarde de l’emploi, juste après avoir acheté une entreprise. D’ailleurs, en pratique, il est fort possible que la restructuration se fera en cohérence avec la stratégie du repreneur.

Anne Bariet
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