Patrice Tripoteau (APF) : "On n'a pas vu jusque-là que le handicap est la priorité du pouvoir"

Patrice Tripoteau (APF) : "On n'a pas vu jusque-là que le handicap est la priorité du pouvoir"

05.09.2018

Action sociale

Le directeur général adjoint de l'Association des paralysés de France (APF handicap France) commente un sondage commandité par son organisation qui montre un très fort pessimisme des personnes handicapées. Il regrette que la priorité affichée autour du handicap se traduise difficilement par des actes concrets.

En juin dernier, l'Association des paralysés de France (APF handicap France) faisait réaliser une enquête auprès de citoyens en situation de handicap et de leurs proches (2 868 personnes interrogées). Il faisait apparaître une vision très négative de l'action gouvernementale : 85 % se déclaraient mécontents de l'action d'Emmanuel Macron. Ils étaient un peu moins (74 %) à considérer que le président de la République n'avait pas tenu ses engagements. Dans le même temps, 81 % des personnes interrogées déclaraient vivre difficilement du fait de ressources insuffisantes. Logiquement, l'attente principale de l'échantillon concerne les allocations et le financement des aides humaines.

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Nous avons demandé à Patrice Tripoteau, directeur général adjoint de l'APF handicap France, de commenter ce sondage et de livrer la vision de son organisation.

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tsa : Quels sont les enseignements que vous tirez de cette enquête ?

Patrice Tripoteau : Je distingue deux éléments. D'une part, on constate un écart important entre le ressenti des gens qui s'exprime dans ce sondage et certaines mesures qui peuvent être positives, mais ne sont pas comprises. D'autre part, on voit clairement que les priorités des personnes concernent les allocations. C'est très concret.

 

Comment expliquez-vous ce niveau très fort de pessimisme alors même que le handicap est considéré comme la priorité du quinquennat ?

D'abord, il faut bien voir que ce pessimisme se retrouve dans toute la population même s'il est effectivement plus prononcé chez les personnes handicapées. Il est certes important d'avoir fait du handicap une priorité et d'avoir nommé une secrétaire d'Etat, mais il faut des mesures en adéquation. Prenons l'augmentation de l'AAH. Eh bien, cette mesure positive ne s'adresse pas à tout le monde et ne s'applique pas tout de suite. En effet, elle ne sera effective dans sa totalité qu'en décembre 2019. De plus, cette augmentation de l'allocation ne s'applique pas à certains, par exemple des couples. Sur un million d'allocataires, on estime que 150 000 personnes ne vont avoir aucune augmentation, voire vont perdre 100 à 150 euros par mois. Et même pour ceux qui vont bénéficier de cette augmentation, leur AAH sera encore inférieure au seuil de pauvreté. En outre, toutes les personnes handicapées ne touchent pas l'AAH : certains ont des pensions d'invalidité qui sont faiblement revalorisés à hauteur de 0,3 %. A ce propos, on se félicite que le gouvernement ait cet été renoncé à supprimer la prime d'activité pour les salariés percevant une pension d'invalidité.     

 

Une grande majorité des personnes interrogées considère que le nouveau pouvoir n'a pas tenu ses engagements. Qu'en pensez-vous ?

Soyons clair. On a annoncé que le handicap était la priorité du quinquennat, mais on ne l'a pas vu jusque-là. La secrétaire d'Etat se bat avec des moyens insuffisants. Le handicap devait être présent dans tous les projets de loi. Qu'a-t-on observé ? Avec le projet de loi Elan, le nombre de logements accessibles a été ramené à 10 %. Au nom de la réduction des normes pour espérer faire repartir la construction, on tourne le dos à l'objectif d'accessibilité des logements. C'est clairement le principal point noir de ce gouvernement par rapport au handicap. Sur ce plan, on demande également que l'obligation d'avoir un ascenseur dans les immeubles neufs soit fixée à partir de trois étages, au lieu de quatre actuellement.

 

Sur le terrain de l'emploi - avec un taux de chômage élevé des personnes handicapés -, avez-vous noté des évolutions ?

Nous avons signé cet été le texte "Cap pour une entreprise inclusive 2022" qui a été discuté avec la ministre de l'emploi, Muriel Pénicaud, et la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées, Sophie Cluzel. Il doit permettre de créer 40 000 emplois supplémentaires en entreprise adapté grâce à l'assouplissement de certains dispositifs. Nous sommes favorables à la vision inclusive du gouvernement, mais nous souhaitons ne pas rester dans l'incantation. Nous voulons être force de propositions.

 

Par exemple ?

Prenons deux sujets. Le droit à compensation n'est jamais à l'agenda des gouvernements. Depuis la loi de 2005, on n'a pas avancé sur ce dossier. Le débat sur les aides humaines pour les personnes âgées doit concerner également les personnes handicapées. Autre dossier, d'actualité : la rentrée scolaire. Trop souvent, on se polarise exclusivement sur la présence et la formation des auxiliaires de vie scolaire (AVS). C'est important, mais il faut réfléchir à la formation des enseignants pour qu'ils puissent accueillir dans de bonnes conditions les enfants handicapés.  

Noël Bouttier
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