Prélèvement à  la source : éditeurs de logiciels de paie et entreprises se disent prêts mais inquiets

Prélèvement à la source : éditeurs de logiciels de paie et entreprises se disent prêts mais inquiets

04.09.2018

Gestion du personnel

Les tergiversations du gouvernement sur le prélèvement à la source inquiètent sérieusement les professionnels RH. S'ils confirment avoir fait le nécessaire pour garantir la sécurité du process, ils redoutent la réaction des salariés. Et ne veulent surtout pas endosser le rôle d’interlocuteur fiscal.

Report ? Annulation ? Le sort du prélèvement à la source se joue aujourd’hui. Le ministre de l’action et des comptes publics, Gérard Darmanin, est reçu par Emmanuel Macron et Edouard Philippe pour trancher cette délicate question. Craignant des bugs techniques et administratifs, le Président de la République a expliqué la semaine dernière attendre des "réponses précises" avant de prendre une décision. Le Parisien a enfoncé le clou, ce week-end, en révélant une note technique faisant état de plusieurs centaines de milliers d’erreurs lors de phases d’essai. De quoi jeter le trouble sur cette réforme à quatre mois de son lancement. Au point où la Direction générale des finances publiques (DGFIP) n’a pas hésité à communiquer dimanche soir, en assurant, de son côté, que "les tests effectués permettent la mise en œuvre du prélèvement à la source dans de bonnes conditions techniques". Mais les doutes se sont immiscés dans les esprits.

"Chaos organisationnel"

Où en sont les entreprises ? Les éditeurs de paie, les experts comptables chargés de mettre en œuvre la réforme pour les salariés ? Les professionnels sont sous le choc. L’association pour la simplification et la dématérialisation des données des sociétés (SDDS) qui réunit une trentaine d’éditeurs de gestion de paie, déplore ces hésitations. Elle affirme, dans un communiqué, "qu’un second report [François Hollande l’avait annoncée pour janvier 2018] entraînerait un chaos organisationnel au sein des équipes projets mobilisées (entreprises, intégrateur) mais aussi des répercussions importantes pour nos équipes R&D". A leurs yeux, cette supputation est tout simplement "inacceptable" car les éditeurs affirment plus que jamais "leur capacité à être prêts, pour la mise en à jour de logiciels et les actions d’accompagnement des employeurs à compter de janvier 2019".

Selon le planning initial, les entreprises devaient recevoir le taux de prélèvement de chaque salarié à partir du 18 septembre pour préparer la phase de préfiguration de la réforme. Autrement dit, elles auraient pu, à partir de cette date, proposer à leurs collaborateurs des simulations ou éditer des doubles bulletins de paie, l’un avec la rémunération actuelle, l’autre avec le salaire déduit de l’impôt sur le revenu pour les informer concrètement des changements à venir.

"Il est important que les pouvoirs publics décident rapidement pour que l’on ait le temps de faire de la pédagogie", relève Emmanuel Prévost, directeur du pôle veille juridique d’ADP qui édite trois millions de bulletins de paie par mois. Cegedim RH  (400 000 bulletins de paie par mois) se prépare, par exemple, à lancer un kit d’outils pédagogiques, comprenant, outre des formations en ligne ou en présentiel, un site web d’assistance en ligne, avec chatbot (assistant virtuel) pour répondre aux questions des salariés ou encore des notes d’information accompagnant les bulletins de paie.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

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- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
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Deux ans de préparation

Les éditeurs n’ont pas lésiné sur leurs efforts. Voilà deux ans qu’ils cogitent sur le sujet. "Nous rencontrons la Direction générale des finances publiques (DGFIP) chaque semaine depuis 2016", affirme Emmanuel Prévost. Cegedim SRH a rejoint le groupe de travail dédié en juillet 2017. La société a participé à la deuxième phase de tests, à partir du 1er mars 2018, et a validé le prélèvement à la source de 12 clients pilotes pour des cas faisant l’objet de règles de gestion particulières : application du taux non personnalisé, abattements pour les CDD de moins de deux mois, apprentis et stagiaires, perception de revenus dits exceptionnels, saisie sur salaire… Une cellule ad hoc a été créée en interne.

Ils ont intégré des aménagements de dernière minute, à l’image des dispositions prévues par le décret prévoyant pour les fiches de paie l’utilisation d’une police de caractère différente pour le net à payer avant impôt pour que cette information soit la plus visiible du bulletin…

L’annulation entraînerait la perte de "deux années de travail", assure l’association. Au-delà, "cette décision jetterait un discrédit sur les réformes à venir que ce soit pour la baisse des cotisations sociales ou la fin du CICE, poursuit Emmanuel Prévost. Ce serait préjudiciable car les éditeurs comme les entreprises pourraient attendre la validation définitive de ces évolutions pour les mettre réellement en œuvre, tout revirement de position étant d��sormais possible. L’anticipation est pourtant réellement nécessaire".

"On a fait la part de notre travail"

Les entreprises ne sont pas en reste. "On a fait la part du travail, assure Benoît Serre, vice-président de l’ANDRH et directeur général adjoint en charge des ressources humaines groupe à la Macif. Les entreprises sont prêtes, y compris les petites. La balle est désormais du côté des décideurs".

De même, BNP Paribas s'est engagé depuis plusieurs mois dans la conduite de ce projet. Pour limiter l'impact de ce prélèvement sur la trésorerie des collaborateurs, le salaire annuel sera, dès janvier 2019, versé en 12 mensualités au lieu de 13 aujourd’hui pour tous les collaborateurs  de l’entreprise en France.

Des erreurs "résolues"

Alors pourquoi autant d’erreurs ? Pour Emmanuel Prévost, ces "couacs" mentionnés par Le Parisien n’ont rien d’exceptionnel. "Dans la mesure où il s’agit de données nominatives une même anomalie peut être répliquée sur 15 000 salariés". Selon cet expert, ces craintes sont similaires à celles émises lors du bug de l’an 2000 ou encore du passage à l’euro. Pour Karine Zerah, directrice juridique Cegedim SRH, secrétaire et administratrice de l’association SDDS, "les problèmes techniques ont été résolus au fur à mesure au cours de l’année. Le fruit de notre travail nous permet de garantir la mise en place effective du prélèvement à la source en toute sécurité".

Pour limiter la casse, un report d’un an est, d’ores et déjà prévu, pour les particuliers employeurs afin d’ajuster la reforme et un dispositif spécifique a été mis en place pour permettre aux entreprises de moins de 20 salariés de se décharger de la collecte de l’impôt.

Des débats inquiétants

Reste qu’à quatre mois de son lancement, la crainte grandit, notamment concernant la sécurité des données. "Un tel projet repose beaucoup sur la confiance et à ce titre, les débats actuels sont inquiétants", assure Benoît Serre. Le DRH avait alerté voici deux ans sur l’impact psychologique de la baisse faciale du net perçu. "Voir son bulletin de paie diminué d’un certain pourcentage ne génère pas le même effet que de s’acquitter de ses impôts dans un second temps", avait-il averti. Il craint désormais que les salariés mettent en douter leur taux de prélèvement, en invoquant des risques probables d’erreurs. Et qu'ils s'adressent au service des ressources humaines…

 "L’employeur n’a pas à jouer un rôle de précepteur", a indiqué, de son côté Geoffroy Roux de Bézieux sur France Info, le nouveau patron du Medef, qui propose, en lieu et place de cette réforme, "une mensualisation généralisée pour tout le monde, directement prélevée sur le compte bancaire des contribuables". A charge pour Emmanuel Macron de décider.

"Mais si la réforme est lancée, il nous faut une garantie technique à 100 %, prévient Benoît Serre. Il est inconcevable que ce dispositif démarre si des problèmes persistent".

Anne Bariet
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