Vous avez dit réforme de la formation ?

Vous avez dit réforme de la formation ?

21.02.2018

Gestion du personnel

Alors que les partenaires sociaux devraient finaliser aujourd'hui un accord national interprofessionnel (ANI) sur la formation professionnelle, François Geuze, ancien DRH et expert RH, revient sur les attentes des professionnels RH et propose plusieurs pistes d'action.

Le monde de la formation professionnelle est victime depuis quelques années d’une affection chronique qui régulièrement, tous les 18 mois ou deux ans nous fait une poussée de fièvre et en définitive s’avère de plus en plus handicapante pour la formation. Cette affection chronique à un nom : la réforme de la formation professionnelle.

Comme pour chacune des réformes, l’objectif est de simplifier, d’augmenter la qualité de l’offre de formation et de faire de la formation le levier incontournable au développement de nos entreprises et de nos collaborateurs. Force est malheureusement de constater que les différentes réformes qui se sont accumulées ou sédimentées ont abouti à la création d’un système illisible et incompréhensible même pour les experts du sujet.

Les erreurs

Dans la construction de cet imbroglio, la première erreur est certainement d’avoir voulu construire un système unique mélangeant demandeurs d’emploi, salariés en reconversion et salariés. La seconde se constate au quotidien, celle d’avoir construit des dispositifs pour tout et n’importe quoi, aux acronymes que personne ne comprend et pour lesquels le commun des mortels n’identifie pas le périmètre d’action et de missions. La troisième réside dans un a priori : les réformes reposent sur l’idée, noble et généreuse, que les collaborateurs seraient informés et autonomes dans la formulation et la construction de leurs besoins de formation.

Une véritable révolution de la formation professionnelle est donc nécessaire. Une réforme ne ferait que rajouter une couche supplémentaire ou au mieux que "raboter" quelques incohérences du système.

Arrêtons avec ces réformes successives, bricolées avec des calendriers intenables et demandons aux partenaires sociaux de se réunir, de partir d’une page blanche, de nous préparer un big-bang de la formation en repartant des besoins et des attentes des salariés, des demandeurs d’emploi, des entreprises et des capacités de l’offre de formation, qu’ils y passent trois ans de négociation si c’est nécessaire mais qu’on arrête de changer les règles du jeu tous les 18 mois. Les professionnels RH sont fatigués de ces changements incessants qui en définitive freinent l’accès à la formation et à la construction de plans ambitieux pour se concentrer sur l’évolution du taux ou le casse-tête du recours au CPF à la demande d’un collaborateur.

Gestion du personnel

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

La gestion des ressources humaines (ou gestion du personnel) recouvre plusieurs domaines intéressant les RH :

- Le recrutement et la gestion de carrière (dont la formation professionnelle est un pan important) ;
- La gestion administrative du personnel ;
- La paie et la politique de rémunération et des avantages sociaux ;
- Les relations sociales.

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Les pistes d’action

Quelques pistes d’action apparaissent prioritaires.

  • Véritablement considérer la formation professionnelle comme étant un investissement, pas simplement dans les discours mais d’un point de vue comptable. Nous parlons depuis de nombreuses années de l’investissement formation, alors faisons lui quitter les comptes de charge et plaçons la dans les comptes d’investissement. Le départ d’un collaborateur formé devenant alors un investissement négatif à hauteur des sommes consacrées à sa formation au cours des dernières années. Si tel était le cas, un signal supplémentaire serait aussi donné aux représentants du personnel pour qu’ils soient un partenaire important dans l’investissement productif de nos organisations, au plus proche du terrain.
  • Reconnaître les nouvelles formes de pédagogie telles que les formations à distance, les Mooc, les espaces de co-formation sur les réseaux sociaux d’entreprise, les ateliers d’intelligence collective. Il s’agit d’ouvrir la notion de formation non plus uniquement sur les formes classiques mais de tenir compte du fait que nous sommes rentrés dans l’ère de la collaboration. Ce qui implique de revoir la définition d’une action de formation plus centrée sur sa finalité et son utilité pour le "formé" et l’entreprise.
  • Valoriser le transfert de compétences entre les collaborateurs : cette fameuse "formation sur le tas" qui est véritablement invisible en France car elle n’était que très très rarement imputable et par le biais d’artifices. Reconnaissons la et valorisons le temps que les collaborateurs, et notamment les "seniors", consacrent à la transmission des savoirs et du tutorat.
  • L’obligation de financement ayant été supprimée, le périmètre d’action des Opca devrait être redéfini et recentré sur la gestion de dispositifs de branche, la gestion des dispositifs CIF/CPF. Est-il nécessaire de le rappeler, le plan dépend de l’entreprise, le choix des organismes de formation également et c’est sur l’entreprise et les organismes de formation que doit reposer l’exigence de vérification du décret qualité.

Parallèlement un ensemble d’actions fortes devraient être menées afin de développer réellement la qualité au sein de la formation professionnelle continue.

Il s’agit de développer la qualité et l’évaluation de la formation, et de ne pas confondre qualité et déclarations de conformité des seuls organismes de formation. Au regard du fonctionnement du marché de la formation professionnelle continue et des organismes de formation, qui travaillent avec nombre de vacataires, c’est bien la qualité des formateurs et des formations qui est à évaluer en priorité. Il faut donc réaffirmer que la qualité de la formation repose principalement sur les formateurs et l’expertise qui est transmise au sein des sessions de formations grâce à une expertise dans la construction pédagogique.

- Dans un premier temps, il faudrait travailler à une véritable politique de qualité des dispositifs de formation en la faisant reposer une logique de certification des formateurs centrée sur la valeur créée grâce à la formation et pas sur la capacité à présenter une feuille d’état de présence ou l’existence d’une grille d’évaluation à chaud.
- Dans un second temps ce système pourrait alors se compléter par une réelle évaluation des programmes pédagogiques proposés. Toutefois, le nombre de programmes (qui pour un certain nombre n’existent que sur le papier et attendent d’être vendus pour être élaborés) et la volatilité des savoirs rend cette option quasiment impossible à réaliser. L’on se contentera donc d’avoir une logique de certification des personnes de type ISO 17024 adaptée au monde de la formation.
Tout ceci induit de repenser complétement le "système" qualité mis en œuvre avec Data-Dock par le regroupement d’un grand nombre Opca au sein du GIP D2OF et donc des 21 critères qui y sont inclus. Data-Dock apparait inutile, contre-productif et ayant complétement raté sa cible. Pire, ce n’est en rien un système qualité. Data-Dock est simplement un système de référencement fournisseur au sein duquel vous ne savez pas qui vous évalue, quels sont les compétences des évaluateurs et qui en définitive s’intéresse plus au fait que vous ayez bien vos fiches de présence et votre gestion administrative qu’à la qualité de ce qui est véritablement délivré. Pour résumer à supprimer et vite ou simplement à renommer "Référencement fournisseur".

Et maintenant ?

Malheureusement il y a fort à craindre que tout ceci ne reste qu’un vœu pieu, les discussions et négociations en cours à l’heure actuelle laissent à penser que l’on aura une n-ième réforme. Le dernier projet d’accord interprofessionnel et ce que notre système en fera, sanctuarisera très certainement l’encadrement de la formation professionnelle par les branches professionnelles alors que tout se joue au niveau de l’entreprise et ne changera rien aux dérives d’un système bureaucratique qui génère des règles pour justifier de son existence. Alors toujours convaincu qu’il nous faille une réforme ou ne devrions-nous pas nous élever pour demander une révolution ?

 

* François Geuze est également animateur du site e-RH.org.

Francois Geuze
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