"Avec le CSE, nous aurions 5 fois moins d'élus du personnel !"

"Avec le CSE, nous aurions 5 fois moins d'élus du personnel !"

31.10.2017

Représentants du personnel

Michel Bouchet estime que le passage au comité social et économique (CSE) dans son entreprise, Solocal Group (4 000 salariés), entraînerait cinq fois moins d'élus, voire dix fois moins si l'on compte les suppléants qui n'auront plus le droit de siéger. Le DS FO pronostique un affaiblissement dangereux, pour les salariés et les OS, du syndicalisme d'entreprise.

Commercial grands comptes chez Solocal Group, mais aussi délégué du personnel, délégué syndical FO, représentant syndical auprès du CHSCT et du CE, Michel Bouchet, qui vit à Melles, dans les Deux-Sèvres, juge que les responsables syndicaux confédéraux n'ont pas pris la mesure du bouleversement qui se prépare dans les entreprises avec le passage d'instances séparées au comité social et économique (CSE). Le délégué syndical illustre son propos en projetant dans son entreprise ce que donnerait une application non négociée des dispositions sur la nouvelle instance unique.

Actuellement, 1 CE et 9 CHSCT pour 4 000 salariés

Solocal Group, qui regroupe les Pages Jaunes, Mappy, Ooreka et A vendre et à louer, emploie 4 000 salariés sur toute la France dont 1 700 au siège de Boulogne-Billancourt (92). Si elle ne compte déjà qu'un seul CE (avec 11 titulaires), l'entreprise de communication locale compte de nombreux délégués du personnel présents sur tous les sites (environ 50 titulaires), ainsi que 9 CHSCT (environ 38 titulaires), sans oublier l'instance de coordination des CHSCT. "Actuellement, nous avons les moyens de réagir rapidement en cas de problème local", souligne l'élu. Ce dernier estime le nombre d'élus du personnel actuel total de l'entreprise à environ 260. Il compte dans ce total les suppléants qui ont actuellement le droit de siéger aux réunions et qui y sont convoqués, mais aussi les représentants syndicaux (RS) dans les instances.

Le passage en CSE va faire disparaître les CHSCT autonomes, même si les élus pourront tenter de négocier davantage de commissions santé-sécurité-conditions de travail que prévu par l'ordonnance (cette commission ne s'impose qu'à partir de 300 salariés).

Un affaiblissement des syndicats dans l'entreprise

De la même façon, il n'y aura plus, en tant que tels, de délégués du personnel, même si les élus pourront là-aussi tenter de négocier la mise en place de représentants de proximité, sachant que ce nouveau type de mandat reste conditionné à un accord. En outre, s'il y aura des suppléants, ceux-ci ne pourront pas siéger en l'absence de leur titulaire. Du coup, pour Michel Bouchet, le maillage des élus dans l'entreprise sera beaucoup plus faible :  "Avec le CSE, nous allons passer de 160 titulaires à seulement 26 à 28 élus titulaires du CSE. De Marseille à Lille, nous serions une vingtaine d'élus censés s'occuper de tout. Afin de ne pouvoir réellement s'occuper de rien ?", s'offusque le délégué syndical. La conséquence à ses yeux de ce changement sera très négative. "Si la base d'élus se réduit, ce sera clairement un affaiblissement des syndicats dans l'entreprise. Moins de gens impliqués dans des mandats, c'est même, à terme, une menace pour la suivie du syndicalisme en entreprise, d'autant que les suppléants ne pourront pas siéger si les titulaires sont présents, et que le nombre de mandats successifs est limité à trois. Nous avons déjà dû mal à faire s'engager les jeunes. Une limitation de la durée totale des mandats va encore plus renforcer leur crainte d'avoir une carrière marquée par leur engagement", répond le délégué syndical. Et l'élu FO d'ajouter : "Quand j'entends Jean-Claude Mailly (Ndlr : le secrétaire général de FO) dire qu'ils ont sauvé les branches, je ne comprends pas. Car si le syndicalisme d'entreprise n'existe plus demain ou est affaibli, comment la branche pourrait-elle ne pas être menacée ?"

Moins d'élus sur le terrain, ce sont des managers moins "surveillés"

L'autre conséquence anticipée par Michel Bouchet concerne les salariés eux-mêmes. Il redoute que la moindre présence sur le terrain d'élus du personnel n'entraîne des dérives managériales avec un risque de tensions sociales non régulées. "Certains managers font attention car ils savent qu'ils sont "surveillés" par les élus et les OS. Si nous perdons ce maillage, il risque de ne plus y avoir ce regard et des abus de pouvoir pourront se produire", pronostique-t-il. Tout ceci va-t-il cependant advenir ? Les différentes organisations syndicales devraient demander le report des élections professionnelles, prévues en juin 2018, à octobre ou novembre, avec un argument tenant à l'organisation de l'entreprise : "De nombreux élus sont commerciaux. S'ils ne se représentent pas, il faut prendre le temps de réorganiser les portefeuilles clients". Il faudra ensuite négocier le protocole électoral avec, notamment, la question de la présence de représentants de proximité...

 

La CFDT souhaite une réunion avec la direction
Premier syndicat de l'entreprise, la CFDT estime qu'il est trop tôt pour se lancer dans une comparaison du nombre d'élus avant et après le CSE, et donc trop tôt aussi pour dévoiler ses propositions au sujet de la future instance. "Nous avons une nouvelle direction et nous voulons d'abord connaître ses orientations", nous explique Belhasssen Essaadi, DSC CFDT. Le syndicat a suggéré hier aux autres OS de demander ensemble une réunion à la direction afin que celle-ci fasse connaître ses intentions sur les élections prévues en 2018 ainsi que sur le passage en CSE.

 

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Bernard Domergue
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