FO : sur fond de tensions, Pascal Pavageau succède à Jean-Claude Mailly

FO : sur fond de tensions, Pascal Pavageau succède à Jean-Claude Mailly

02.05.2018

Représentants du personnel

Lors du 24ème congrès confédéral de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly a cédé vendredi dernier, non sans critiques, sa place de secrétaire général à Pascal Pavageau. Retour sur une semaine mouvementée pour le troisième syndicat du privé.

Pour son 70ème anniversaire et son 24ème congrès confédéral, Force ouvrière aura connu la semaine dernière à Lille les montagnes russes. Après le calme du premier jour et son discours d'ouverture, les vifs reproches en milieu de semaine contre le bureau confédéral sortant, puis la fronde des FO métaux fidèles au bilan de Jean-Claude Mailly, et enfin l'unité retrouvée in extremis autour de la résolution générale pour la mandature à venir. 

Une sortie difficile pour Jean-Claude Mailly
Celui qui a dirigé Force ouvrière pendant les quatorze dernières années et maintenu en 2013 et 2017 son syndicat autour de 18% d'audience au niveau national s'attendait à de vives contestations d'un partie de ses équipes et à un congrès rock'n'roll. Ce ne fut d'abord pas le cas. Pour son discours d'ouverture du congrès le lundi 23 avril, Jean-Claude Mailly a défendu devant les 3 500 congressistes présents, dans le calme, la position retenue sur les ordonnances Macron : "Nous avons obtenu le maintien du rôle des branches et, via un amendement, une plus grande liberté de désignation des délégués syndicaux, a-t-il souligné. Nous avons aussi évité l'introduction de la possibilité de négocier sans syndicat jusqu'à 150 salariés. Par ailleurs une dizaine de recours ont été déposés contre le référendum d'entreprise, la disparition du CHSCT, le barème d'indemnités aux prud'hommes, etc. C'est donc une stratégie judiciaire que nous menons".
Notre ligne a été la plus efficace dans le contexte donnée 

 

Et celui qui était alors encore secrétaire général d'insister : "Tout le travail accompli pendant la période sur les ordonnances l'a été avec l'unanimité du bureau confédéral. Je peux comprendre que certains camarades aient été déstabilisés. Mais nous considérons que notre comportement a été le plus efficace dans le contexte donné, la meilleure tactique à adopter pendant la période. (...) C'est mal me connaître de penser que quelqu'un pourrait m'envoûter. J'ai connu pendant mes 14 ans de secrétaire général quatre présidents de la République. Je n'ai été ni chiraquien, ni sarkozyste, ni hollandais, pas plus que je ne suis aujourd'hui macroniste, parce que nous ne défendons pas les mêmes intérêts". Cet argumentation n'aura toutefois convaincu qu'une très courte majorité d'adhérents, qui n'ont adopté jeudi le rapport d'activité des trois dernières années qu'à 50,54 % des suffrages exprimés, et en tenant compte des abstentions. Un coup très dur pour le bureau confédéral sortant.

 

Seul 44,15% de votes en faveur du rapport d'activité

Sur le rapport d'activité, les 13 579 voix exprimées se sont réparties ainsi :

  • "pour", 5 996 voix (44,15%) ;
  • "contre", 5 886 voix (43,21%) ;
  • "abstention", 1 715 voix (12,62%).

 

Un nouveau cap et un horizon dégagé pour Pascal Pavageau
Cette séparation des votes en deux camps égaux pouvait laisser craindre une fracture chez FO. C'était sans compter sur le plébiscite vendredi de la résolution générale, c'est-à-dire le cap politique de la mandature à venir (1 vote "contre", 27 "abstention", le reste "pour"). En dépit de la houle qui aura agité le syndicat cette semaine de congrès, et notamment le choix pour FO métaux de s'abstenir sur le vote de la résolution sociale, Pascal Pavageau prend les rênes d'un syndicat qui aura réussi à préserver son unité. Preuve en est, un discours de clôture assez largement applaudi par les congressistes : "Nous ne voulons ni nous diviser, ni disparaître. Nous voulons exister et grandir tous ensemble !, a-t-il annoncé le nouveau secrétaire général en introduction. Conformément à la résolution générale que vous venez de voter, je m'engage, avec l'ensemble du bureau confédéral, à respecter strictement ce mandat politique et actif que vous venez de nous donner".
 Ne jamais rentrer dans une logique de donnant-donnant

 

Avant de saluer le courage des militants : "S'engager dans une organisation syndicale, c'est aujourd'hui malheureusement un risque. On risque son emploi, on risque sa rémunération, sa carrière, juste pour avoir défendu ses collègues ou revendiqué du progrès social. Comment est-ce possible d'avoir atteint le stade dans notre pays où être militant associatif est honorable mais être militant syndical est "has been" ? Défendre les baleines, c'est beau. Mais défendre les femmes et les hommes, ça l'est au moins tout autant. (...) Soyez fiers d'être des militants libres, indépendants et engagés. Soyers fiers de tant donner pour tous les travailleurs. Soyez fiers d'obtenir de nouveaux droits sans jamais rentrer dans une logique de donnant-donnant".

 

"Une politique pour les 10% premiers de cordée, au détriment des 90% derniers de corvée"
Pascal Pavageau a également largement insisté, comme il l'avait fait quelques jours plus tôt devant la presse sociale (Ajis), sur la nécessité de lutter contre l'individualisation des droits des travailleurs (voir ici la vidéo du discours en intégralité) :  "Sous prétexte d'être libre, plus autonome, plus responsabilisé, on se retrouve peu à peu livré à soi-même. L'individualisation, la vision presque philosophique du chacun pour soi, tout y passe : les rémunérations, de plus en plus individualisées, à la tête du client". L'occasion également de contester le projet de loi formation présenté vendredi en Conseil des ministres : "Nous voilà avec le fameux projet de loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel".
C'est une blague, rien que le titre, s'agace Pascal Pavageau.
 L'individualisation, c'est le chacun pour soi

 

Maintenant on va toucher un petit pécule et charge à chacun de se débrouiller seul avec la responsabilité de se trouver une formation rentrant dans son enveloppe, et de plus en plus, sur son temps personnel. Et cela exclut d'emblée 20% de la population. Avec le gouvernement c'est "pas de smartphone, pas de formation". Le gouvernement fait aussi du chômage une question individuelle. Plutôt que de s'attaquer aux causes du chômage, le gouvernement impute au chômeur la responsabilité individuelle de ne pas retrouver d'emploi. C'est enfin l'esprit de la retraite par points : en individualisant la fin du parcours professionnel, on individualise l'ensemble du parcours. Alors, nous irons aux concertations, parce que la politique de la chaise vide ce n'est pas Force ouvrière, mais nous irons avec le mandat clair de la défense de nos régimes, de la défense de nos droits associés à un statut collectif face à un projet purement idéologique", prévient-il.

Et FO d'accuser le gouvernement d'avoir choisi le camp des plus fortunés : "C'est une politique pour les 10% premiers de cordée, au détriment des 90% derniers de corvée. Nous sommes face à de faux robins des bois car prenant aux pauvres pour donner aux riches. (...) Nous allons résister, nous allons revendiquer, nous allons conquérir de nouveaux droits mes camarades", conclut-il.

 

L'internationale entre trois morceaux d'AC/DC
Sur la forme, Pascal Pavageau apparaît déjà s'être approprié son rôle de leader syndical, au point d'agrémenter son discours de références à la trilogie du Seigneur des anneaux. Des formules tantôt empruntées au sorcier Gandalf : "À tous ceux qui veulent attaquer nos valeurs, et le syndicalisme en général, nous leur disons fermement : "Vous ne passerez pas. Vous ne passerez pas !". Ou encore au héros Aragorn : "Je peux lire dans vos yeux la même crainte qui maintes fois a saisi nos camarades depuis plus d'un siècle. Un jour peut venir, où l'égalité faillira, où la solidarité s'effondrera, où l'individualisme triomphera, mais ce jour n'est pas arrivé. Ce sera l'heure des loups, de la jungle et du chacun pour soi. Mais ce jour n'est pas arrivé !". La playlist de clôture du congrès aura également été choisie en adéquation avec les goûts musicaux du nouveau secrétaire général : "For those about to rock", "Thunderstruck", la traditionnelle "Internationale" et enfin "Back to black" d'AC/DC. Happy end d'un congrès hard-rock ou le signe que le plus dur reste à venir pour le nouveau secrétaire général de FO ?
 
Jean-Claude Mailly tacle son successeur sur Twitter

Jean-Claude Mailly, qui a décidé de ne pas assister à la dernière journée du congrès, n'en a pas moins vertement critiqué sur Twitter le premier discours de Pascal Pavageau :

                     

Au micro de RMC lundi après-midi, Jean-Claude Mailly a justifié cette attaque : "Quand vous voyez que votre successeur a voté contre le rapport de l'activité à laquelle il a participé, ça surprend". Lors d'un échange avec la presse quelques minutes après la clôture du congrès, vendredi en fin d'après-midi, Pascal Pavageau était visiblement affecté par cette accusation : "Forcément, cela me blesse. Mais il n'y a ni hypocrisie ni duplicité dans les résolutions qui viennent d'être votées par les délégués", a-t-il réagi.

Représentants du personnel

Les représentants du personnel sont des salariés élus ou désignés chargés de représenter les salariés de l’entreprise avec des missions spécifiques selon l’instance représentative du personnel (IRP) à laquelle ils appartiennent. Il y a quatre grandes IRP : les DP, le CE, CHSCT et les délégués syndicaux.  Au 1er janvier 2020, l’ensemble des IRP (hormis les délégués syndicaux) devront fusionner au sein du CSE.

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Julien François
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