Fatigue mentale après deux ans de crise sanitaire, collectifs éparpillés, stress du travail et du mandat avec de multiples tâches... : vivement les vacances pour les représentants du personnel comme pour les salariés ! Quels conseils suivre pour profiter au mieux de la pause estivale ? Et que faire pour une rentrée réussie dans les CSE ? Voici les réponses de Vincent Leprince, responsable des formations au sein du réseau interCSE Cezam Pays-de-la-Loire.
Les vacances, c'est une priorité pour les élus ! Ils ont vécu, peut-être encore davantage que les salariés, des tensions très fortes ces derniers mois avec tous les changements liés au CSE, avec une charge de travail très importante et notamment une charge mentale très forte que l'on constate dans tous les secteurs professionnels.

Je leur conseille donc d'essayer de couper le temps des vacances (1). Cela peut être difficile dans des situations de crise où l'emploi est en jeu, par exemple, mais même dans ces cas-là, il ne faut pas oublier que le CSE est un collectif, et qu'il faut se relayer, car un élu doit aussi se protéger. Pour être efficace au moment de la reprise, de la rentrée, au travail comme dans son mandat, il faut s'être reposé, s'être ressourcé. Sinon le risque, c'est d'exploser, c'est le burn out !
Mon conseil peut-être le plus important, c'est de se fixer au sein du CSE une feuille de route pour les prochains mois, avec des priorités et des objectifs. Ne pas le faire, c'est courir le risque que l'instance ne traite les choses qu'au fil de l'eau, en subissant l'agenda de l'employeur, sans priorités ni initiatives propres.

La rentrée, ce peut être aussi l'occasion de se donner des outils pratiques comme, par exemple, un annuaire des partenaires avec lesquels travaille le CSE. Les comités doivent aussi avoir la préoccupation de former leurs membres, d'assurer la montée en compétences des différents élus, pour assurer au mieux leur mandat et avoir un bon collectif, mais aussi pour préparer la reconnaissance future des compétences acquises pendant leur mandat (2). La deuxième chose importante à mes yeux concerne le renouvellement du CSE, qui a débuté en 2022 dans certaines entreprises et qui va se poursuivre ces prochains mois ailleurs. Il faut anticiper l'échéance de fin des mandats.
En faisant un bilan du fonctionnement du CSE tel qu'il existe dans son entreprise. Voir ce qui a marché et ce qui n'a pas marché, pointer les problèmes et les manques de moyens, bref tout mettre sur la table pour pouvoir réclamer ensuite, dans la négociation avec l'employeur, des changements. L'attention des élus doit se porter notamment sur la présence des élus aux réunions, sur le nombre des réunions, sur la cartographie du CSE (Ndlr : présence ou non d'un comité dans les établissements), sur la proximité des élus avec les salariés, et nous savons que très peu d'entreprises ont mis en place des représentants de proximité.
N'oublions pas que les revendications salariales, c'est d'abord l'affaire des délégués syndicaux et des négociations annuelles obligatoires ! Mais cela paraît impossible en effet de mettre cette question-là de côté. Le CSE peut travailler en complémentarité avec les DS sur cette question, pour voir notamment quelles sont les situations les plus problématiques.

Après, le CSE a aussi une capacité à agir, pas forcément pour proposer de l'argent aux salariés (même si en cas d'urgence il y a toujours des possibilités comme le secours social), mais pour les aider, les conseiller avec des interlocuteurs qui peuvent trouver des solutions pour réduire les dépenses. Certains comités mettent en place des permanences avec des avocats, des assistantes sociales. Au passage, se pose aussi la question pour les CSE de leur communication vers les salariés. Certains élus ont été désemparés par l'évolution des relations sociales dans leur entreprise : avec le confinement puis le télétravail, comment toucher les salariés ? Comment recréer du lien ? C'est un enjeu important qui confronte les CSE à la montée en puissance de l'individualisme...
L'idée selon laquelle une personne individuelle peut s'en sortir seule, en ne comptant que sur elle-même, et en étant plus forte que son voisin, me semble gagner du terrain, si j'en crois une étude récente du Credoc (Ndlr : lire notre encadré), et cela me fait un peu peur. Cette tendance met en cause toutes les valeurs que portent le CSE et les élus du personnel : l'entraide, la solidarité, la défense du collectif qui profite à tous Je crois que les élus du personnel doivent à nouveau défendre ces valeurs auprès des salariés.
Les questions de qualité de vie et de conditions de travail doivent faire l'objet d'une vigilance particulière de la part des CSE à la rentrée. Les salariés ont connu des crises à répétition, ils sont fatigués, et ce alors que les organisations ne cessent de changer.

Du point de vue des représentants du personnel, il parait nécessaire de réclamer davantage de formation pour les salariés et davantage d'accompagnements dans ces changements. De nombreuses entreprises sont de plus confrontées à des difficultés de recrutement, ce qui peut détériorer les conditions de travail des salariés mais aussi nuire à la compétitivité de l'entreprise. L'attractivité de l'entreprise et de ses métiers est en enjeu important, et un levier pour les CSE auprès de l'employeur concernant, je le répète, le plan de formation et l'amélioration des conditions de travail.
(1) Sur le même thème, voir notre premier article avec les conseils d'Anne-Charlotte Dupond.
(2) Voir notre article sur Louis Vianney, secrétaire CSE, responsable CFDT métallurgie et diplômé d'un Master en droit du travail.
Dans la société française, le Credoc diagnostique une montée de la peur des risques et une baisse des valeurs de solidarité |
---|
Qu'il s'agisse du risque climatique ou des craintes liées à l'insécurité, au déclassement ou même à l'angoisse de la maladie, la peur des risques devient obsédante dans la population française, si l'on en croit une étude du Crédoc sur les tendances sociétales en 2022 (*). Près d'un quart des Français serait concerné par un état anxieux, et ce n'est pas la guerre en Ukraine ou l'inflation qui va apaiser ces préoccupations et sentiments qui paraissent curieusement décorrélés des situations réelles personnellement vécues. Le centre de recherches pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc) voit dans cette évolution l'effet de l'accélération des techniques (information en temps réel, changements plus fréquents) et de nos rythmes de vie quotidiens. Plus inquiétant pour les élus des CSE, naturellement portés vers les valeurs d'entraide et de solidarité collective, la société française serait moins tolérante envers les populations "défavorisées". Quand on leur demande de répondre à la question "Qu'est-ce qui explique le mieux que certaines personnes vivent dans la pauvreté ?" en choisissant entre deux réponses ("parce qu’elles n’ont pas eu de chance" ou "parce qu’elles n’ont pas fait d’effort"), davantage de Français répondent "parce qu'elles n'ont pas fait d'effort", spécialement ceux qui bénéficient d'une situation aisée. De même, le soutien à l'universalité semble en recul, notamment pour l'assurance maladie (64% des Français se disent attachés à cette valeur en 2018, contre 74% en 2000), les retraites (49% en 2018 contre 65% en 2000), les allocations chômage (43% en 2018 contre 60% en 2000). Et l'idée selon laquelle ne devraient être protégés que ceux qui cotisent gagnent du terrain : près de 50% adhérent à cette idée en 2014, contre moins de 25% en 2000. Petite lumière dans ce tableau : davantage de jeunes de 18 à 30 ans (40% en 2020 contre 32% en 2017) disent donner bénévolement du temps (association, syndicat, etc.). Ces formes d'engagement tendent d'ailleurs à devenir plus souples et ponctuelles, le sentiment d'utilité devenant de plus en plus important pour passer à l'acte.
(*) Le Crédoc est le centre de recherches pour l'étude et l'observation des conditions de vie. Ses études s'appuient sur un échantillon de 3 000 individus représentatifs de l’ensemble des résidents métropolitains âgés de 15 ans et plus. |
► Pour lire les précédents articles de notre série :
|