Fonds de commerce
21.10.2019
Par Éditions Législatives
Sommaire
Fonds de commerce définition
Qu’est-ce qu’un fonds de commerce ?
Le fonds de commerce est un ensemble des biens mobiliers affectés à l’exercice de l’activité commerciale.
S’il n’y a pas de définition légale du fonds de commerce, ce sont les articles L. 141-2 et suivants du code de commerce qui en déterminent les principales règles et permettent de définir son contenu et sa nature juridique.
Ainsi, le fonds de commerce peut se définir comme un « ensemble d’éléments mobiliers corporels (matériel, marchandises…) et incorporels (nom, enseigne, droit au bail) regroupés et mis en oeuvre par le commerçant pour répondre aux besoins de la clientèle ».
Le fonds de commerce n’est pas un patrimoine d’affectation dans lequel seuls les biens « du fonds de commerce » répondraient des dettes « du fonds de commerce ». Tout le patrimoine du commerçant répond de ses dettes, même de celles qu’il a contractées lors de l’exploitation de son fonds de commerce. Et inversement le fonds de commerce répond de toutes les dettes du commerçant, même celles qui sont sans rapport avec l’exploitation du fonds de commerce. Et le caractère de bien incorporel du fonds de commerce tient sans doute au fait que son élément essentiel, la clientèle, est un bien incorporel.
Fonds de commerce
Le fonds de commerce est un ensemble d'éléments corporels (mobilier, matériel, équipement, stock de marchandises, etc.) et incorporels (clientèle, nom commercial, achalandage...) dont le but est de faire fonctionner une activité professionnelle
Découvrir tous les contenus liésLe fonds de commerce électronique existe-t-il ?
Le commerce électronique prend une importance considérable dans les échanges marchands. La notion de fonds de commerce électronique est devenue un véritable enjeu à l’ère du numérique et du commerce en ligne.
Remarque : pour une analyse détaillée du fonds de commerce électronique, consulter le broché « Fonds de commerce 2020 »
Une activité économique sous forme électronique
Aux termes de l’article 14 de la loi no 2004-575 du 21 juin 2004, le commerce électronique est l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens et de services.
L’Autorité de la concurrence, dans un avis no 12-A-20 du 18 septembre 2012, constatait déjà que, bien que « moins développé qu’au Royaume-Uni ou qu’en Allemagne, le commerce électronique croît rapidement en France et représente aujourd’hui 7,3 % du commerce de détail ». Il y a fort à parier que cette proportion a largement progressé depuis. Cette activité peut-elle constituer un fonds de commerce ?
La question que nous soulevons dans le broché Fonds de commerce 2020, revêt une importance fondamentale compte tenu de la multiplication des sites marchands, et des incidences économiques évidentes qu’elle peut présenter. En effet, si le fonds de commerce électronique existe, son propriétaire pourrait en principe disposer de la faculté de le placer en location-gérance, le céder ou encore le donner en nantissement au profit d’un créancier.
La problématique posée par le fonds de commerce électronique tient principalement au fait que la diffusion sur internet fait généralement intervenir plusieurs acteurs. En effet, s’il est possible de proposer des biens ou services sur son propre site, il est également fréquent de les diffuser sur le site d’un tiers ou encore sur les réseaux sociaux par exemple.
Dès lors, la question qui se pose est celle de savoir qui de ces acteurs est propriétaire d’un fonds de commerce. Répondre à cette question implique de confronter la notion classique de fonds de commerce à la vente électronique, avant d’apprécier concrètement les différents types d’activités de vente sur internet. Enfin si le fonds de commerce existe, quelles en sont les composantes spécifiques ?
La notion de fonds de commerce confrontée à la vente sur internet
La jurisprudence en matière de fonds de commerce électronique est encore rare. En l’absence d’arrêt de la Cour de cassation affirmant explicitement le principe d’une telle existence et ses contours, on ne peut à ce jour répondre de manière catégorique à la question précitée. Toutefois, les arrêts de cours d’appel rendus en matière électronique et la transposition de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de fonds de commerce traditionnel constituent des éléments d’analyse évidents. L’existence d’une clientèle propre est le seul élément véritablement indispensable à la qualification de fonds de commerce, quel qu’il soit. Cette existence ne fait guère de difficulté lorsque l’exploitant du fonds de commerce électronique est propriétaire du nom de domaine, de l’ensemble des programmes et contenus constituant le site internet qui y est associé. En revanche, dans le cas d’un vendeur qui diffuse sur le site d’un tiers, la question de l’existence d’un fonds de commerce électronique revient-elle en réalité à s’interroger essentiellement sur l’existence ou non d’une clientèle propre, personnelle au cybermarchand. Pour savoir si ces cybermarchands bénéficient d’une clientèle propre par rapport au site plateforme et donc s’il bénéficie d’un fonds de commerce autonome, il convient de transposer à ces activités de vente électronique la jurisprudence ancienne en matière de « commerce inclus dans un autre commerce ». Ceci implique de rechercher si le cybermarchand dispose d’une clientèle « autonome » par rapport à celle des prestataires susvisés (Cass. ass. plén., 24 avr. 1970 : Bull. civ., Ass. plén. 1970, no 3 ; JCP G 1970, II, 16489, obs. Boccara, D. 1970 p. 381, note R. L.), appréciation qui pourra se faire en appliquant les différents critères de rattachement de la clientèle dégagés par la jurisprudence
➜ Voir « Les commerces intégrés ont-ils une clientèle propre ? », pages 53 et suivantes.
L’appréciation concrète des différents types d’activités de vente sur internet
Dans un avis du 18 septembre 2012 sur le fonctionnement concurrentiel du commerce électronique, l’Autorité de la concurrence note que « le commerce électronique est caractérisé par la présence d’un nombre élevé de sites marchands, essentiellement de deux types, les opérateurs qui réalisent la totalité ou l’essentiel de leurs ventes sur internet dits pure players et les opérateurs traditionnels qui ont développé leur activité en ligne dits les click & mortar, d’importance variable selon les secteurs » (Avis Autorité conc., 18 sept. 2012, no 12-A-20).
Le cas où le vendeur distribue exclusivement ses produits sur son propre site internet (pure player) Dans cette hypothèse, le rattachement de la clientèle est évident et on ne voit donc aucune raison valable d’exclure la qualification de fonds de commerce électronique. Ainsi par exemple, le site Bijourama.com (vendeur de montres quasiment exclusivement par internet) constitue selon nous à l’évidence un fonds de commerce électronique.
Le cas où le vendeur distribue les mêmes produits à la fois en commerce de détail (magasins) et sur internet (click & mortar) Dans cette hypothèse, l’existence d’un fonds de commerce électronique distinct de celui du magasin peut paraître plus incertaine. Toutefois, plusieurs arguments peuvent plaider même dans ce cas pour l’existence d’un fonds de commerce électronique autonome. Tout d’abord, le site internet implique des investissements qui lui sont propres. Il est identifiable, localisable par son nom de domaine auquel est attachée une adresse IP. Des actifs incorporels (logiciels, droits de propriété industrielle, fichiers) et corporels (matériel informatique) sont affectés exclusivement à son exploitation. D’ailleurs, les moyens de traçabilité existants permettent d’identifier aisément la clientèle d’un site internet. Or, il apparaît qu’un nombre croissant de consommateurs se fournit auprès d’une marque exclusivement via son site internet.
Ainsi, il nous semble que le site internet pouvant justifier d’une clientèle spécifique attachée à son site internet marchand justifierait par la même occasion, de l’existence d’un fonds de commerce autonome de ceux développés dans chaque magasin physique.
Le cas où le vendeur distribue ses produits sur un site appartenant à un tiers (marketplaces)
C’est le cas des plateformes marketplaces sur lesquelles divers cybermarchands vendent des produits ou services. Les plateformes telles qu’Amazon ou Booking.com, jouissent à l’évidence d’une notoriété, d’une attractivité qui caractérisent l’existence d’une clientèle propre, ne serait-ce que d’annonceurs, et donc d’un fonds de commerce. Qu’en est-il du cybermarchand qui vend sur une telle plateforme ?
Doit ici à notre avis être transposée la jurisprudence précitée en matière de commerce inclus au sein d’un autre commerce, jurisprudence dont l’arrêt de la cour de Paris de 2005 précité, rendu à propos du Minitel, n’est qu’une composante. (Voir CA Paris, 4e ch., sect. B, 28 janv. 2005, no 01/4489).
Il conviendra donc de s’interroger sur les éléments déterminant l’attrait et la fidélisation de la clientèle. Si la plupart du temps la notoriété de l’hébergeur sera indifférente à la clientèle, tel n’est pas forcément le cas si l’hébergeur fournit également le site marchand support sur lequel les cybermarchands réalisent leurs ventes, ce qui est généralement le cas sur les plateformes de commerce électronique.
L’exploitation du fonds de commerce : l’exploitation personnelle
Le statut de conjoint collaborateur ou assistant
Le conjoint du chef d’entreprise artisanale, commerciale ou libérale peut opter pour le statut de conjoint collaborateur, de conjoint salarié ou de conjoint associé.
Le conjoint collaborateur
Qui peut bénéficier du statut de conjoint collaborateur ?
Le conjoint de l’exploitant peut être collaborateur, associé, salarié, coexploitant, ou « assistant ». Ici nous nous intéressons uniquement aux cas du conjoint collaborateur ou du conjoint assistant, dans lesquelles le conjoint ou le pacsé ne perçoit aucune rémunération.
Le statut de conjoint collaborateur suppose que soient remplies les conditions suivantes :
- le collaborateur doit être marié ou pacsé avec l’exploitant. S’il est marié, peu importe le régime matrimonial choisi ;
- le collaborateur doit être immatriculé en tant que collaborateur au RCS ;
- le conjoint ou le pacsé doit collaborer effectivement à l’entreprise. Il s’agit de participer réellement à l’activité de l’entreprise, sans être propriétaire du fonds de commerce ;
- son activité doit être régulière. La collaboration requiert du collaborateur qu’il fournisse régulièrement ses services, comme s’il s’agissait d’une activité professionnelle principale. Mais le conjoint collaborateur est appelé à faire preuve d’initiative dans les limites de la finalité donnée par l’exploitant à ses fonctions.
Selon l’article R. 121-2 du code de commerce, seuls les conjoints exerçant une activité supérieure à un mi-temps dans l’entreprise pourront bénéficier du statut.
- le conjoint collaborateur ne doit pas être rémunéré pour ses fonctions.
Dans le cas contraire, il prend le statut de salarié. S’il est rémunéré malgré une inscription régulière, la présomption de représentation pourra être opposée au conjoint par les tiers. Toutefois, il ne pourra pas se prévaloir des prestations sociales du collaborateur et son salaire ne sera certainement pas déductible.
Pourquoi choisir ce statut ?
Ce statut présente deux sortes d’avantages ; il donne droit à des avantages sociaux, et il donne un pouvoir de représentation légale. La protection sociale du conjoint collaborateur
Le statut de conjoint collaborateur a pour principal attrait la protection sociale qu’il offre au collaborateur. Ainsi :
- l’affiliation personnelle du conjoint collaborateur d’un chef d’entreprise artisanale, commerciale ou libérale à l’organisation autonome d’assurance vieillesse à laquelle ce dernier est lui-même affilié, est obligatoire ;
- le conjoint collaborateur bénéficie aussi d’allocations de maternité ;
- de même, le code du travail permet au conjoint collaborateur de participer au plan d’épargne d’entreprise dans les entreprises de moins de cent salariés (C. trav., art. L. 3332-1 et art. L. 3332-2) ;
- il bénéficie de la formation professionnelle continue (C. trav., art. L. 6312-2) ;
- le conjoint collaborateur est électeur et éligible aux chambres de commerce et d’industrie (C. com., art. L. 713-1, II, 1°, c). Il peut être également élu délégué consulaire (C. com., art. L. 713-7, 1°, c et art. L. 713-10).
Toutefois, il est interdit à deux conjoints d’être simultanément membres de la même chambre de commerce et d’industrie.
Le pouvoir légal de représentation du conjoint collaborateur
A la qualité de collaborateur sera attaché un pouvoir de représentation de l’exploitant. Il s’agit d’une véritable règle de fond.
Le conjoint « assistant »
La situation d’assistance non régulière
Une situation assez répandue en pratique est celle où le conjoint assiste son époux entrepreneur de façon libre et informelle, sans entrer dans le cadre légal de la collaboration professionnelle conjugale, que l’on vient d’évoquer. L’assistance serait alors analysée « comme l’émanation professionnelle de la notion d’entraide familiale imposée par l’article 212 du code civil, selon laquelle, les époux se doivent mutuellement fidélité, secours, assistance »
Il en résulte, comme l’indique l’auteur précité, que le conjoint assistant dispose de pouvoirs d’action très limités :
- il est un subordonné non rémunéré ;
- il est soumis aux directives et au contrôle du chef d’entreprise ;
- il n’accomplit pas d’actes de commerce à titre de profession habituelle et se maintient dans un rôle d’entraide familiale.
Mais cette situation doit être réservée aux cas « d’entraide familiale », ce qui suppose une assistance limitée, qui ne soit pas un substitut à un contrat de travail.
La régularité de l’activité
Dans le cas où le conjoint assistant est dans la même situation qu’un salarié sans rémunération, cette situation n’est pas sans risque. Un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 22 octobre 2002 a d’ailleurs condamné pour travail dissimulé un mari restaurateur assisté à temps complet par son épouse cuisinière.
L’exploitation du fonds de commerce : la gérance-mandat
Les obligations du mandant
Le fonds de commerce peut être exploité de diverses manières, ce que rappelle le broché Fonds de commerce 2020. La gérance-mandat est un régime hybride élaboré sur la base du régime du mandat. C’est donc logiquement qu’une grande partie des obligations incombant au mandant trouve sa source dans les dispositions du droit commun du mandat figurant dans le code civil, tandis que d’autres obligations, spécifiques au gérant-mandataire, ont été introduites dans le code de commerce.
Payer les commissions dues au gérant-mandataire
Le mandant est tenu de payer la commission due au gérant-mandataire, dans les conditions de calcul, d’exigibilité et de délai de paiement prévus au contrat.
Rembourser les frais et avances
En application de l’article 1999 du code civil, le mandant est tenu de rembourser au gérant les avances et frais que celui-ci a faits pour l’exploitation du fonds, dès lors que ces dépenses ne sont pas fautives et qu’elles sont justifiées.
Indemniser les pertes d’exploitation
On a vu ci-avant que le mandant supporte les risques d’exploitation. Par conséquent, le mandant doit indemniser le gérant des pertes que celui-ci a essuyées du fait de sa gestion.
Contrairement au droit commun du mandat, il ne sera pas possible de déroger contractuellement au principe d’indemnisation des pertes posé par l’article 2000 du code civil. Ce principe est de l’essence même du contrat de gérance-mandat.
Déterminer la mission confiée
Le mandant fixe également la mission confiée au gérant-mandataire.
En droit commun des mandats, on distingue usuellement le mandat impératif, qui fixe un cadre strict à la mission à accomplir, selon des modalités définies à l’avance par le mandant et auxquelles le mandataire ne peut déroger, et le mandat supplétif, plus souple, qui laisse de la latitude au mandataire dans les moyens à adopter pour réaliser sa mission.
La question est de savoir dans quelle mesure il est possible d’encadrer la mission du gérant-mandataire, sans pour autant risquer une requalification du contrat de gérance-mandat en contrat de travail.
Le mandant veillera donc à laisser cette latitude dans les conditions de travail, d’embauche et de licenciement afin d’éviter les risques de requalification en contrat de travail.
L’amalgame a pu parfois être fait par les tribunaux avec les conditions de vente ou de prestation de services, qui peuvent être imposées par le mandant dans l’objectif d’assurer la cohérence du réseau, sans que cela ne constitue un critère de requalification du contrat de gérance-mandat.
Mettre le gérant-mandataire en mesure d’exécuter sa mission
Le mandant doit mettre son partenaire en mesure d’exécuter sa mission et donc lui en donner les moyens.
On sait que concernant les agents commerciaux, les tribunaux interprètent largement cette obligation.
A ce titre, il doit notamment donner des instructions au gérant, lui fournir toute documentation utile sur les produits ou services qui font l’objet du contrat de mandat (à l’instar de ce qui est prévu par l’article R. 134-2 du code de commerce pour les agents commerciaux).
Remarque : il est probable que les solutions dégagées par la jurisprudence dans ce domaine pourraient être étendues à la gérance-mandat. Ainsi par exemple, il a été jugé que le mandant devait prendre des mesures concrètes pour permettre à l’agent de pratiquer des prix concurrentiels, proches de ceux pratiqués par le réseau parallèle (Cass. com., 24 nov. 1998, no 96-18.357).
Paiement d’une indemnité de fin de contrat
L’article L. 146-4 du code de commerce rend obligatoire le paiement d’une indemnité de fin de contrat lorsque la rupture est à l’initiative du mandant, à moins qu’elle ne soit justifiée par une faute grave du gérant-mandataire.
L’exploitation du fonds de commerce : la location gérance
Comment distinguer le contrat de location-gérance des autres contrats ?
La location-gérance d’un fonds de commerce permet au propriétaire du fonds d’en concéder la location à un gérant qui l’exploite à ses risques et périls.
Qu’est-ce qu’un contrat de location-gérance ?
La définition de la location-gérance est déduite de l’article L. 144-1 du code de commerce :
C. com., art. L. 144-1 : Nonobstant toute clause contraire, tout contrat ou convention par lequel le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce ou d’un établissement artisanal en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l’exploite à ses risques et périls est régi par les dispositions du présent chapitre. Il s’agit du contrat par lequel le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds en concède à titre onéreux totalement ou partiellement la location à un gérant qui l’exploite à ses risques et périls.
La location-gérance fait l’objet de dispositions spécifiques issues de la loi du 20 mars 1956, aujourd’hui codifiées aux articles L. 144-1 et suivants du code de commerce.
Le contrat de location-gérance est donc un contrat synallagmatique, commutatif, à titre onéreux, consensuel et commercial quand il porte sur un fonds de commerce (et civil s’il porte sur un fonds libéral par exemple).
Il s’agit de la location du fonds de commerce, mais c’est une location avec un fort intuitu personae. Le loueur entend choisir un cocontractant présentant de réelles qualités de gestionnaire.
Cet intuitu personae justifie que le décès du locataire emporte l’extinction du contrat, contrairement à ce que prévoit l’article 1742 du code civil. Il doit en aller de même pour son incapacité.
Enfin, on peut ajouter que le contrat de location-gérance est un contrat d’intérêt commun. Ainsi un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 23 mars 1999 a admis qu’il y avait location-gérance dès lors que le fonds se trouve concédé à une personne qui exploite « à ses risques et périls dans un intérêt économique commun » avec le concédant (Cass. com., 23 mars 1999, no 97-15.000).
Ce qui distingue la location-gérance des autres contrats
La distinction de la location-gérance et du bail commercial
La location-gérance est le bail du fonds de commerce, et donc une location mobilière (Cass. com., 9 mars 1953 : D. 1954, jur., p. 323), alors que le bail commercial est le bail des locaux où sera exploité le fonds de commerce, et est donc une location immobilière.
Le conflit naît souvent lorsque le propriétaire du fonds est en même temps propriétaire du local. En louant le fonds, il met à disposition le local, en le soustrayant à la législation sur le bail commercial. Il faut alors qu’il n’y ait pas de doute sur l’existence du fonds de commerce loué, et d’une clientèle appartenant au bailleur, afin que cette opération ne cache pas un bail commercial déguisé sous une location-gérance (Cass. 3e civ., 10 nov. 2009, no 08-70.110).
De cette distinction, il résulte que si un incendie survient dans les locaux où le fonds est exploité en location-gérance, le locataire-gérant qui n’est pas locataire d’un immeuble n’est pas soumis à l’article 1722 du code civil, qui présume le locataire responsable de l’incendie survenu à l’immeuble. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation notamment dans un arrêt du 16 juillet 1980 (Cass. com., 16 juill. 1980, no 78-16.022).
De la même façon, parce que le locataire-gérant n’est pas locataire de l’immeuble, s’il achète l’immeuble d’exploitation, il n’y a pas disparition par confusion du bail commercial entrant dans la composition du fonds : le propriétaire du fonds reste locataire commercial de son propre locataire du fonds (Cass. 3e civ., 12 juin 1979, no 77-14.904).
La distinction de la location-gérance et de la sous-location
Quand le propriétaire du fonds est locataire des murs, on peut alors se demander si la location-gérance n’est pas une sous-location immobilière de ces murs ?
Il n’en est rien. La Cour de cassation relève constamment que « la mise en location-gérance d’un fonds de commerce ne constitue pas une sous-location, la jouissance des locaux n’en étant que la conséquence accessoire et nécessaire » (Cass. 3e civ., 19 mars 2008, no 07-11.805 ; Cass. 3e civ., 9 juill. 2003, no 02-11.141).
Dès lors, il peut y avoir une tentation de dissimuler une sous-location illicite, faite sans accord du bailleur (C. com., art. L. 145-31, al. 1), sous un contrat de location-gérance. La fraude sera cependant déjouée, si aucun fonds n’était véritablement exploité lors de la conclusion du contrat, qui sera alors requalifié en sous-location des locaux (Cass. 3e civ., 18 mai 1978, no 76-13.943).
Voir Cass. 3e civ., 3 déc. 2015, no 14-19.146 : RDC 1er juin 2016, obs. crit. R. Libchaber, « Pour une soumission à la prescription biennale de l’article L. 145-32 du code de commerce, de l’action en requalification ».
Il faut aussi veiller à ce que le bail des murs n’interdise pas en sus de la sous-location, la mise du fonds en location-gérance. Ainsi, la Cour de cassation a jugé qu’« ayant relevé que le bail faisait obligation au preneur d’exploiter personnellement les lieux loués, et lui interdisait de les prêter à des tiers en tout ou partie sous quelque prétexte que ce soit, et constaté que les époux Y… avaient donné leur fonds de commerce en location gérance, la cour d’appel en a justement déduit que, de ce chef, les locataires n’avaient pas exécuté le bail, et a souverainement retenu que l’infraction commise justifiait le prononcé de la résiliation de ce contrat » (Cass. 3e civ., 14 nov. 1996, no 94-20.529).
Les juges du fond interpréteront souverainement les clauses de ce type et il faut donc se méfier lors de la conclusion du contrat de location-gérance d’une clause confuse pouvant être interprétée comme exigeant une exploitation personnelle du locataire et demander, le cas échéant, l’accord du bailleur.
La distinction de la location-gérance et de l’apport en jouissance
Une confusion a eu lieu pendant un temps entre ces deux notions pour deux raisons :
- d’une part, l’article L. 144-10 du code de commerce dispose que « tout contrat de location-gérance ou toute autre convention comportant des clauses analogues, consenti par le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce ne remplissant pas les conditions prévues aux articles ci-dessus, est nul ». Certains en ont déduit que l’apport en jouissance d’un fonds de commerce, conférant la jouissance du fonds, comporte « des clauses analogues » à la location-gérance et doit être soumis au même régime ;
- d’autre part, un arrêt ancien de la Cour de cassation avait semblé assimiler l’apport en jouissance du fonds et la location-gérance (Cass. 3e civ., 6 nov. 1962, no 59-11.802) :
Pourtant on est bien face à deux notions très distinctes, puisque la contrepartie de la jouissance du fonds n’est pas la même. Dans le contrat de location-gérance, il s’agit de redevances ; dans l’apport en société, il s’agit de l’attribution de parts sociales ( Cass. com., 3 déc. 1991, no 88-16.695).
La distinction de la location-gérance et des autres formes de gérance
La distinction est aujourd’hui très claire entre les différents types de gérance.
Un gérant peut être titulaire d’un contrat de travail ou de mandat. Dans ce cas, il n’exploite pas le fonds pour son compte à ses risques et périls.
A la différence, le locataire-gérant exerce le commerce pour son compte, et à ses risques et périls. C’est pourquoi on l’appelle aussi gérance libre.
Le nantissement du fonds de commerce
Quid du nantissement en cas de changement d’activité ?
L’obligation de notifier la demande de déspécialisation aux créanciers inscrits
L’article L. 145-49 du code de commerce concernant la déspécialisation du bail commercial est ainsi libellé :
C. com., art. L. 145-49 : La demande faite au bailleur doit, à peine de nullité, comporter l’indication des activités dont l’exercice est envisagé. Elle est formée par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et dénoncée, en la même forme, aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce. Ces derniers peuvent demander que le changement d’activité soit subordonné aux conditions de nature à sauvegarder leurs intérêts.
Le bailleur doit, dans le mois de cette demande, en aviser, dans la même forme, ceux de ses locataires envers lesquels il se serait obligé à ne pas louer en vue de l’exercice d’activités similaires à celles visées dans la demande. Ceux-ci doivent, à peine de forclusion, faire connaître leur attitude dans le mois de cette notification.
A défaut par le bailleur d’avoir, dans les trois mois de la demande, notifié son refus, son acceptation ou encore les conditions auxquelles il subordonne son accord, il est réputé avoir acquiescé à la demande. Cet acquiescement ne fait pas obstacle à l’exercice des droits prévus à l’article L. 145-50.
Une telle modification de l’activité change profondément l’assiette de la sûreté. Les créanciers inscrits doivent donc être avisés, par acte extrajudiciaire, de la demande de déspécialisation faite par le locataire à son bailleur.
Les droits du créancier nanti en cas de notification d’une demande de déspécialisation
Dans ce cas, la loi donne plusieurs prérogatives aux créanciers nantis.
La demande que le changement d’activité soit subordonné à des conditions de nature à sauvegarder leurs intérêts
L’article L. 145-49 précité du code de commerce relève que les créanciers inscrits « peuvent demander que le changement d’activité soit subordonné aux conditions de nature à sauvegarder leurs intérêts ».
Ainsi, les créanciers inscrits pourraient demander la constitution de sûretés nouvelles.
La déchéance du terme
Les créanciers inscrits peuvent, en outre, demander la déchéance du terme si la déspécialisation a eu lieu sans leur consentement. En effet, l’article 1305-4 du code civil, issu de la réforme des contrats et du régime de l’obligation, dispose que « le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme s’il ne fournit pas les sûretés promises au créancier ou s’il diminue celles qui garantissent l’obligation ».
Le maintien de leurs droits sur le fonds nouveau
En principe, en l’absence de texte, l’apparition d’un fonds nouveau et la disparition de l’ancienne clientèle auraient dû avoir pour conséquence de limiter sérieusement l’assiette du nantissement. En effet, le créancier nanti n’aurait pas dû pouvoir exercer ses droits sur la clientèle du fonds, qui n’est pas celle qui existait au moment du nantissement, et l’assiette de son nantissement aurait été limitée aux éléments inchangés du fonds, tels le droit au bail.
Pour éviter une telle conséquence, l’article L. 145-50 in fine dispose que « les droits des créanciers inscrits s’exercent avec leur rang antérieur sur le fonds transformé ».
Les créanciers nantis n’ont donc pas à craindre l’apparition d’un fonds nouveau.
La loi assure à tout créancier inscrit un report de ses prérogatives sur le fonds transformé, selon son rang initial.
Les contrats permettant le transfert du fonds de commerce
Comment transférer les fichiers clients comportant des données à caractère personnel?
Le broché Fonds de commerce 2020 traite également de l’aspect des données personnelle dans le cadre du transfert des fichiers clients. Tous les fichiers clients ne sont pas cessibles au repreneur du fonds de commerce. La cession de fichiers clients comportant des données à caractère personnel est encadrée par :
- le Règlement général sur la protection des données (ci-après, « RGPD »), à savoir le Règlement no 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;
- la loi no 2018-493 du 20 juin 2018, publiée au Journal officiel le 21 juin 2018 et modifiant la loi « Informatique et Libertés » du 6 janvier 1978.
L’enjeu stratégique des fichiers clients pour les entreprises et les commerçants
Des informations à des fins de prospection, d’offre de services ou de fidélisation
Le fichier clients est un support matériel ou numérique sur lequel les entreprises ou commerçants enregistrent des informations à des fins de prospection, d’offre de services ou de fidélisation.
On y trouve notamment l’identité des clients (civilité, nom, prénoms, adresse, numéro de téléphone, courrier électronique, date de naissance), les données relatives aux moyens de paiement, à la situation économique (profession, domaine d’activité), à la relation commerciale (commande, correspondance), aux règlements des factures (remises, soldes), aux actions de fidélisation, aux jeux-concours, etc.
Les données collectées sont un enjeu stratégique pour les entreprises ou commerçants. Le fichier clients a une valeur marchande au même titre que la clientèle à laquelle il ne doit pas être assimilé.
Il est en outre consubstantiel du fonds de commerce électronique.
La cession du seul fichier clients n’entraîne cependant pas la cession d’un tel fonds qui comprend d’autres éléments incorporels (nom de domaine, droits de propriété intellectuelle…).
L’élaboration d’un fichier clients est un traitement de données à caractère personnel
L’élaboration d’un fichier, regroupant des informations sur la vie privée des clients, est un traitement de données à caractère personnel au sens des articles 4, § 2 du RGPD et 2 de la loi Informatique et Libertés. Selon ces textes, constitue un traitement de données à caractère personnel « toute opération ou tout ensemble d’opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction ». Les parties à la cession du fonds de commerce, comprenant un fichier clients, doivent se conformer à plusieurs conditions, faute de quoi elles s’exposent à de lourdes sanctions.
Les conditions à respecter pour procéder à la cession du fichier clients
La validité de la cession du fichier clients dépend du respect par le cédant et le cessionnaire de leurs obligations respectives et conjointes.
Les obligations du cédant...
La collecte des données à caractère personnel des clients, constituant l'acte initial d'un traitement, il importe de vérifier les conditions dans lesquelles le fichier a été constitué.
... lors de la collecte des données à caractère personnel
Lors de la constitution du fichier, le cédant doit avoir respecté les dispositions de l’article 5 du RGPD selon lesquelles :
RGPD, art. 5 : 1. Les données à caractère personnel doivent être : a) traitées de manière licite, loyale et transparente au regard de la personne concernée (licéité, loyauté, transparence) ; b) collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement d’une manière incompatible avec ces finalités ; le traitement ultérieur à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques n’est pas considéré, conformément à l’article 89, paragraphe 1, comme incompatible avec les finalités initiales (limitation des finalités) ; c) adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées (minimisation des données) ; d) exactes et, si nécessaire, tenues à jour ; toutes les mesures raisonnables doivent être prises pour que les données à caractère personnel qui sont inexactes, eu égard aux finalités pour lesquelles elles sont traitées, soient effacées ou rectifiées sans tarder (exactitude) ; e) conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées ; les données à caractère personnel peuvent être conservées pour des durées plus longues dans la mesure où elles seront traitées exclusivement à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques conformément à l’article 89, paragraphe 1, pour autant que soient mises en oeuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées requises par le présent règlement afin de garantir les droits et libertés de la personne concernée (limitation de la conservation) ; f) traitées de façon à garantir une sécurité appropriée des données à caractère personnel, y compris la protection contre le traitement non autorisé ou illicite et contre la perte, la destruction ou les dégâts d’origine accidentelle, à l’aide de mesures techniques ou organisationnelles appropriées (intégrité et confidentialité ; 2. Le responsable du traitement est responsable du respect du paragraphe 1 et est en mesure de démontrer que celui-ci est respecté (responsabilité) ».
La loi Informatique et liberté du 6 janvier 1978, modifiée par la loi no 2018-493 du 20 juin 2018, prévoit des dispositions analogues aux articles 6 et suivants. Ainsi, la conformité de la collecte des données personnelles est conditionnée à :
- la loyauté du traitement ;
- la définition de la finalité du traitement ;
- la pertinence, l’adéquation, la limitation dans le temps de la conservation et l’exactitude des données ;
- la protection des données ;
- la nomination d’un responsable du traitement des données.
Quel que soit le mode de collecte utilisé, la personne dont les données sont collectées doit, selon les articles 6 et 7 du RGPD, donner son consentement et disposer du droit de le retirer à tout moment.
Le cédant ou le responsable du traitement doit garantir l’exactitude des données et limiter la collecte aux seules données nécessaires à l’atteinte des objectifs poursuivis par l’opération. Ces objectifs (la prospection, la cession ou la location des données, la gestion des relations clients, etc.) doivent être portés à la connaissance de la personne dont les données sont collectées. Aucun autre usage ne peut en être fait sans son accord.
En outre, la collecte doit respecter les droits reconnus aux articles 12 et suivants du RGPD, à savoir notamment les droits d’accès aux informations et aux personnes qui traitent les données, le droit d’opposition, les droits de rectification et d’effacement. Des procédures internes doivent permettre à la personne concernée d’exercer réellement et sans difficulté ses droits.
Un fichier clients n’est valablement constitué que si l’ensemble de ces conditions est satisfait.
… en cas de cession
Lorsque le collecteur envisagera de céder le fichier clients, il sera à nouveau tenu d’informer et de recueillir le consentement de la personne concernée.
L’article 13.3 du RGPD dispose ainsi que : RGPD, art. 13, § 3 : « lorsqu’il a l’intention d’effectuer un traitement ultérieur des données à caractère personnel pour une finalité autre que celle pour laquelle les données à caractère personnel ont été collectées, le responsable du traitement fournit au préalable à la personne concernée des informations au sujet de cette autre finalité et toute autre information pertinente… ».
Cet article doit être interprété au regard des autres dispositions du RGPD, notamment l’article 21 qui offre un droit d’opposition au client dont les données sont cédées. Ainsi, il est préférable que le cédant informe la personne concernée de la cession envisagée et obtienne son approbation, sauf si, lors de la collecte, cette personne avait d’ores et déjà donné son consentement à une éventuelle cession de ses données.
En pratique
Il est donc recommandé que le cédant, dès le stade de la collecte des données, informe les personnes concernées de l’éventualité d’une cession. Le cédant sera ainsi dispensé de toute nouvelle démarche, préalablement à la cession, pour informer les personnes concernées et/ou recueillir leur consentement.
Les obligations du cessionnaire
... avant la cession
La personne à laquelle le fichier clients est destiné doit s’assurer que les données cédées ont été collectées conformément aux dispositions du RGPD.
Avant son entrée en vigueur le 25 mai 2018, ce contrôle était facilité par l’obligation du cédant de déclarer le fichier clients auprès de la Commission nationale Informatique et Liberté (ci-après « CNIL »). Il suffisait alors de vérifier l’obtention de son visa. Depuis la suppression par le RGPD de cette obligation préalable, le cessionnaire doit obtenir auprès du cédant la preuve de ce que le fichier a été valablement constitué.
L’existence d’un registre de traitement des données, d’une procédure de certification des données, d’un code de conduite et des programmes de formation au RGPD ou d’un correspondant informatique constituent des indices de conformité.
... après la cession
Outre ce contrôle de la validité du fichier, le cessionnaire doit respecter des obligations comparables à celles du cédant et précisées à l’article 14 du RGPD intitulé « Informations à fournir lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été collectées auprès de la personne concernée ».
Il doit surtout se manifester auprès des personnes concernées pour les informer du transfert de leurs données, ces personnes pouvant s’y opposer. Il doit aussi obtenir leur consentement préalable lorsqu’il voudra utiliser les données transmises à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été obtenues (RGPD, art. 14, § 4).
Les obligations conjointes du cédant et du cessionnaire
La cession d’un fichier clients met généralement aux prises deux commerçants. Ainsi, l’article 26, § 1 du nantissement donne ainsi une définition des responsables conjoints du traitement :
RGPD, art. 26, § 1 : Lorsque deux responsables du traitement ou plus déterminent conjointement les finalités et les moyens du traitement, ils sont les responsables conjoints du traitement. Les responsables conjoints du traitement définissent de manière transparente leurs obligations respectives aux fins d’assurer le respect des exigences du présent règlement, notamment en ce qui concerne l’exercice des droits de la personne concernée, et leurs obligations respectives quant à la communication des informations visées aux articles 13 et 14, par voie d’accord entre eux, sauf si, et dans la mesure, où leurs obligations respectives sont définies par le droit de l’Union ou par le droit de l’État membre auquel les responsables du traitement sont soumis (…). Les parties sont ainsi invitées à prévoir leurs obligations respectives, notamment sur la garantie des droits des personnes concernées, la confidentialité et la sécurité des données.
Un accord pourra être mis en place dès la phase d’audit précédant la cession de sorte que le cessionnaire puisse prendre connaissance des données collectées par le cédant.
Les deux parties doivent prendre les mesures techniques et organisationnelles assurant la protection des droits des personnes dont les données sont collectées (ex. : pseudonymisation, anonymisation). L’évaluation du niveau de sécurité (ou audit), telle que prévue par l’article 32 du RGPD, permet aux parties d’identifier et prévenir les risques.
Les sanctions encourues
La nullité de la cession du fichier clients La cession d'un fichier clients non conforme est nulle
Un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 25 juin 2013, au visa de l’ancien article 1128 du code civil, a retenu que « tout fichier informatisé contenant des données à caractère personnel doit faire l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL ; que tout manquement à cette obligation constitue une infraction pénale ; qu’il s’ensuit qu’un tel fichier non déclaré constitue un objet illicite hors commerce, insusceptible d’être vendu » (Cass. com., 25 juin 2013, no 12-17.037). Bien que l’obligation de déclaration auprès de la CNIL ait été supprimée (depuis l’entrée en vigueur du RGPD), il n’en reste pas moins que la constitution et la cession du fichier doivent être conformes. A défaut de respect des obligations précitées, le fichier clients est illicite et sa cession pourrait emporter la nullité de la cession du fonds de commerce. La nullité de la cession du fichier clients entraînera sa restitution par le cessionnaire et celle du prix par le cédant.
Les sanctions administratives et pénales Les sanctions administratives
Les autorités de contrôle, notamment la CNIL, peuvent, notamment :
- prononcer un avertissement ;
- mettre en demeure l’entreprise ;
- limiter temporairement ou définitivement un traitement ;
- suspendre les flux de données ;
- demander à la cible de respecter les droits des personnes concernées ;
- exiger la rectification, la limitation ou l’effacement des données.
Des amendes administratives peuvent s’élever, selon la catégorie de l’infraction, de 10 ou 20 millions d’euros, ou, dans le cas d’une entreprise, de 2 % jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial (RGPD, art. 83 ; L. n° 78-17, 6 janv. 1978, art. 44 et s.).
La responsabilité civile et les sanctions pénales
Les clients dont les données ont été collectées ou cédées illicitement peuvent agir en responsabilité civile à l'encontre des parties. Celles-ci ne sont pas à l'abri d'une action pénale sur le fondement de l'article 226-18 du code pénal selon lequel «le fait de collecter des données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d’amende».