La gestion de la paie est bien plus qu’une simple émanation de la gestion administrative du personnel. Elle ne se résume pas non plus à établir un bulletin de paie, une fiche de paie chaque mois.
Le calcul de la paie devenant de plus en plus complexe, il nécessite non seulement la maîtrise du droit social (droit du travail et droit de la protection sociale) et de la pratique de la paie mais également des connaissances de plus en plus poussées en fiscalité et en comptabilité. La gestion de la paie suppose de :
Faire une fiche de paie : les 5 zones des bulletins de salaires
Les mentions obligatoires bulletin de paie et celles interdites
Une fiche de paie doit comporter un certain nombre de mentions que l’on peut classer dans les 5 zones composant le bulletin de paie :
- identification du salarié et de l’employeur (zone 1) ;
- salaire (zone 2) ;
- cotisations (zone 3);
- net à payer et net imposable (zone 4) ;
- mentions finales (zone 5).
Certaines mentions sont strictement interdites. Ainsi, sur la fiche de paie, on ne peut faire mention de l’exercice du droit de grève lorsque l’on opère une retenue de salaire pour heures de grèves (cette mention doit être neutre). En outre, toute indication sur la fiche de paie relative à l’activité de représentant du personnel (qualité d’élu du comité d’entreprise, d’élu du CSE, de représentant du CHSCT, de délégué du personnel ou de délégué syndical et heures de délégation) est interdite.
Remarque : pour chaque fiche de paie irrégulière, l’employeur encourt l’amende prévue pour les contraventions de 3e classe.
Zoom sur la zone 1 : l’identification sur la fiche de paie
Dans la zone 1 d’une fiche de paie (généralement en tête du bulletin de paie), l’on trouve obligatoirement :
- l’identification de l’employeur : nom, adresse, désignation de l’établissement d’affectation du salarié, code APE, n° de SIREN (le n° SIRET est facultatif) ;
- l’intitulé de la convention collective applicable : à défaut de convention collective, il faut mentionner les articles du code du travail relatifs à la durée des congés payés et à la durée du préavis en cas de rupture du contrat de travail ;
- l’identification du salarié : nom, emploi, position dans la classification de la convention collective ;
Remarque : la date d’embauche, la nature du contrat de travail, l’adresse et le numéro de sécurité sociale du salarié sont des mentions facultatives.
- la période de travail et la date de paiement du salaire.
Zoom sur la zone 2 : le salaire et ces accessoires (salaire de base, salaire brut, avantage en nature, primes…)
Les mentions obligatoires du bulletin de paie de la zone 2 concernent la rémunération. Plus précisément, on doit y faire figurer :
- le nombre d’heures travaillées en distinguant celles rémunérées au taux normal et celles rémunérées à un taux majoré (ex. : heures supplémentaires, heures complémentaires, heures de travail dominical, travail de nuit), avec indication du ou des taux de majoration ;
Remarque : en présence d’une convention de forfait en heures ou en jours, il faut indiquer la nature et le volume du forfait.
- le salaire correspondant à ces heures (salaire de base) ;
- la nature et le montant des accessoires de salaire soumis à cotisations sociales (ex. : primes, avantages en nature) ;
Exemple de traitement d’un avantage en nature fiche de paie : Monsieur A, salarié de l’entreprise Y, perçoit un salaire brut mensuel de 2 300 € pour 151,67 heures mensuelles de travail et bénéficie d’un logement de fonction (T3). Pour calculer le montant des cotisations dues sur cet avantage, il faut le valoriser. L’entreprise a choisi de l’évaluer forfaitairement. La valeur du logement est fixée, pour la paie d’octobre 2018, à 207,60 € (soit 69,50 € x 3, la rémunération de Monsieur A. étant comprise entre 0,6 PMSS et 0,7 PMSS). La zone 2 du bulletin de paie d’octobre 2018 devra se présenter ainsi :
Nature de la rémunération
|
Nombre d’heures travaillées
|
Montant en € de la rémunération
|
Salaire de base
|
151,67
|
2 300,00
|
Avantage en nature logement
|
|
207,60
|
Salaire brut soumis à cotisations
|
|
2 507,60
|
S’il avait bénéficié d’un véhicule de fonction, l’employeur aurait également dû le valoriser et présenter cette valeur de la même façon (pour des informations sur le calcul avantage en nature véhicule, se reporter à Rémunération).
- la nature et le montant des versements et retenues autres que les charges patronales et les charges salariales (ex. : remboursement de frais professionnels) ;
- la date des congés payés et le montant de l’indemnité de congés payés ;
Remarque : pour savoir comment calculer les congés payés, se reporter au Calcul des congés payés.
- le montant du salaire brut (soit le total du salaire de base, des accessoires de salaire après déduction des éventuelles retenues mais avant déduction des cotisations salariales).
Remarque : lorsque les parties abordent la rémunération lors de l’embauche, il peut y avoir des quiproquos. Généralement, le montant du salaire proposé est donné en brut. Mais il est encore fréquent que le salarié parle de salaire net. Mieux vaut s’entendre sur ce point et, éventuellement, avoir converti le brut en net avant l’entretien. Beaucoup de sites Internet proposent des outils gratuits pour calculer le net en brut ou le brut en net. Méfiance, ils ne sont pas tous à jour des modifications relatives aux taux de cotisations (taux cotisations de sécurité sociale ou taux de cotisation AGS modifiés en en cours d’exercice, par exemple). Pour convertir le brut en net ou le net en brut en toute sécurité, utiliser l’outil des Editions législatives (calcul avec note explicative au format Pdf – ouvert exclusivement aux abonnés) ou bien se reporter à Calcul brut net.
Zoom sur la zone 3 : les cotisations (charges patronales et charges salariales)
Présentation des cotisations et contributions sociales : le bulletin de paie simplifié
Un décret du 25 février 2016 et un arrêté de même date (arr. 25 févr. 2016 NOR : FCPS1604433A, mod. par arr. 9 mai 2018) ont modifié les informations à porter sur la fiche de paie , depuis le 1er janvier 2017 pour les entreprises d’au moins 300 salariés, et depuis le 1er janvier 2018 pour les autres entreprises. Ces modifications portent essentiellement sur la présentation des charges patronales et des charges salariales : les premières sont entrées en vigueur le 13 mai 2018, les secondes entrent en vigueur le 1er octobre 2018.
Remarque : toutes ces modifications sont censées simplifier les bulletins de salaires mais, avec tous ces changements en cours d’exercice social, il n’est pas sûr que faire un bulletin de paie soit plus aisé. Et les choses risquent de se compliquer en 2019 : la fiche de paie évoluera à nouveau dès le 1er janvier 2019 puisqu’elle devra tenir compte du prélèvement à la source (une nouvelle rubrique lui sera consacré et devra indiquer le salaire net à payer avant impôt sur le revenu, l’assiette du prélèvement à la source, son taux et son montant) et de la fusion des régimes de retraite complémentaire AGIRC et ARRCO. A noter également la suppression du crédit d’impôt compétitivité et emploi (CICE) au 1er janvier 2019. Jugé trop complexe, ce crédit d’impôt devait initialement faire place à une exonération de cotisations (part patronale) pérenne. Finalement, l’Etat décalera cette baisse de charges patronales au 1er octobre 2019. Le crédit d’impôt Compétitivité Emploi (CICE) reste, lui, toujours supprimé au 1er janvier 2019. A noter également que les heures supplémentaires devraient être à nouveau exonérées de cotisations salariales à compter du 1er septembre 2019 mais devraient rester imposables.
Désormais, la fiche de paie doit donc être conforme aux modèles cadre et non-cadre publiés par l’arrêté : on parle de bulletin de paie simplifié ou clarifié.
Assiette et taux de cotisations (part salariale et part patronale) : bref rappel
L’année 2018 a été marquée par de nombreux changements :
- la hausse de la CSG : depuis le 1er janvier 2018, le taux de CSG sur les salaires est fixé à 9,20 % ;
- la suppression des cotisations salariales maladie et chômage : la hausse de la CSG a été compensée par la suppression de la cotisation salariale d’assurance maladie, maternité, invalidité, décès et par la suppression de la cotisation salariale chômage qui s’est faite, elle, en deux temps (un taux réduit à 0,95 % entre le 1er janvier et le 30 septembre 2018 et une suppression définitive à compter du 1er octobre 2018) mais les charges patronales maladie et chômage demeurent.
Remarque : les salariés relevant du régime local d’assurance maladie d’Alsace-Moselle restent toujours redevables d’une cotisation maladie spécifique (1,50 %), tout comme les salariés non domiciliés fiscalement en France (5,50 %).
Charges
|
Assiette
|
Part salariale (en %)
|
Part patronale (en %)
|
Maladie, maternité, invalidité, décès (hors Alsace-Moselle) :
|
totalité du salaire
|
0,00
|
13,00
|
Vieillesse
|
tranche A
|
6,90
|
8,55
|
totalité du salaire
|
0,40
|
1,90
|
Allocations familiales :
|
|
|
|
- rémunération ≤ 3,5 SMIC
|
totalité du salaire
|
0,00
|
3,45
|
- rémunération > 3,5 SMIC
|
totalité du salaire
|
0,00
|
5,25
|
accidents du travail
|
totalité du salaire
|
0,00
|
Variable
|
Contribution FNAL :
|
|
|
|
- entreprises < 20 salariés
|
tranche A
|
0,00
|
0,10
|
- entreprises ≥ 20 salariés
|
totalité du salaire
|
0,00
|
0,50
|
Versement de transport (entreprises ≥ 11 salariés)
|
totalité du salaire
|
0,00
|
|
Contribution solidarité autonomie
|
totalité du salaire
|
0,00
|
0,30
|
Contribution au dialogue social
|
totalité du salaire
|
0,00
|
0,016
|
AGS
|
tranches A + B
|
0,00
|
0,15
|
Assurance chômage à compter du 1er octobre 2018
|
tranches A + B
|
0,00
|
4,05
|
Retraite complémentaire :
|
|
|
|
non cadres
|
tranche 1
|
3,10
|
4,65
|
tranche 2
|
8,10
|
12,15
|
Cadres
|
|
|
|
– régime ARRCO
|
tranche A
|
3,10
|
4,65
|
– régime AGIRC
|
tranche B
|
7,80
|
12,75
|
tranche C
|
variable
|
variable
|
– contribution exceptionnelle (CET)
|
tranches A + B + C
|
0,13
|
0,22
|
AGFF :
|
|
|
|
non cadres
|
tranche 1
|
0,80
|
1,20
|
tranche 2
|
0,90
|
1,30
|
Cadres
|
tranche A
|
0,80
|
1,20
|
tranches B + C
|
0,90
|
1,30
|
APEC (cadres)
|
tranches A + B
|
0,024
|
0,036
|
Prévoyance des cadres (minimum)
|
tranche A
|
0,00
|
1,50
|
CSG et CRDS :
|
salaire (avec réduction de 1,75 % sur la fraction < 4 PSS)
+
cotisations patronales de prévoyance et de frais de santé
|
|
|
CSG, dont :
|
9,20
|
0,00
|
– CSG déductible du revenu imposable
|
6,80
|
0,00
|
– CSG non déductible du revenu imposable
|
2,40
|
0,00
|
CRDS
|
0,50
|
0,00
|
Tableau extrait du Guide Permanent Paie
Zone 4: le salaire net
La zone 4 doit comporter les retenues sur salaire exonérées de cotisations sociales (ex. : avances sur salaire, saisies sur salaire, participation financière du salarié aux titres-restaurant) et le salaire net à payer (c’est-à-dire le salaire brut, déduction faite des charges salariales et des retenues susvisées – à ne pas confondre avec le salaire net imposable qui, pour l’heure, n’est pas une mention obligatoire mais en pratique, très courante).
Remarque : à compter du 1er janvier 2019, cette zone sera fortement modifiée par le prélèvement à la source. En plus du salaire brut et du net à payer, plusieurs lignes devront être insérées. Une ligne « net à payer avant impôt sur le revenu » devra être placée sous le total des charges salariales et avant la rubrique « net payé en euros ». Sous cette nouvelle ligne devra figurer la rubrique « dont évolution de la rémunération liée à la suppression des cotisations chômage et maladie ». Enfin, une nouvelle rubrique sera dédiée au prélèvement à la source (PAS) et comportera l’assiette de ce prélèvement, son taux et son montant. Le salaire net à payer correspondra donc au salaire net après prélèvement de l’impôt sur le revenu.
Pour convertir le brut en net ou le net en brut, se reporter aux outils du Guide Permanent Paie (abonnés) ou à Calcul brut net.
Forme, remise et conservation du bulletin de paie
Quels que soient le montant et la nature de la rémunération du salarié et la nature de son contrat de travail (CDI, CDD, contrat d’apprentissage, etc.), l’employeur doit lui remettre une fiche de paie lors du versement de son salaire (en principe, tous les mois). Il doit également conserver les bulletins de paie pendant au moins 5 ans.
Aujourd’hui, les bulletins de salaires sont en principe dématérialisés (bulletin de paie électronique), sauf désaccord du salarié. Dans ce cas, une fiche de paie papier doit être éditée et remise au salarié.
Pour faciliter la reconstitution de sa carrière lors de la liquidation de ses droits à retraite, il est vivement recommandé au salarié de conserver ses fiches de paie sans limitation de durée.
Remarque : cette recommandation est une mention obligatoire du bulletin de paie (mentions finales de la fiche de paie - zone 5), tout comme la mention de la rubrique dédiée au bulletin de paie sur le portail www.service-public.fr.
Déclarations sociales : plus simple avec la DSN (déclaration sociale nominative)
Obligatoire depuis 2017, la déclaration sociale nominative (DSN) unifie et simplifie le système des déclarations sociales par la transmission par l’employeur aux organismes de protection sociale, via un point unique de dépôt, de données relatives à l’emploi, aux rémunérations et cotisations des salariés, sous forme dématérialisée à partir des logiciels de paie.
Remarque : la DSN repose en effet sur la transmission unique, mensuelle et dématérialisée des données issues de la paie. Pour plus d’informations, consulter le site www.dsn-info.fr.
Concrètement, la DSN se substitue aux déclarations sociales périodiques et annuelles (DUCS et DADS, notamment) et à certaines déclarations sociales événementielles parmi lesquelles les attestations à établir en cas d’arrêt maladie et les attestations de salaire à Pôle emploi.
Remarque : pour que la DSN puisse se substituer à la DADS 2017, il fallait avoir réalisé 12 DSN 2017. Les entreprises qui n’avaient pas ces 12 DSN devaient en principe réaliser une DADS en janvier 2018. Dans tous les cas, la DADS se substituera à titre de « roue de secours » pour toutes les entreprises qui n’ont pas un an d’historique.