"En quoi l'épisode du coronavirus pourrait-il être bénéfique au dialogue social ?"

"En quoi l'épisode du coronavirus pourrait-il être bénéfique au dialogue social ?"

14.04.2020

Dans ce point de vue, Sophie Berlioz, Philippe Emont et Pierre-Yves Goarant, du cabinet de conseil AlterNego, estiment que la crise sanitaire est l'occasion d'un dialogue social renouvelé dans les entreprises. Car le défi est celui de la préservation à long terme de l'activité des entreprises.

Alors qu’entreprises et salariés s’adaptent pour prévenir la propagation à grande ampleur du virus Covid-19, les discussions entre directions et représentants du personnel prennent, de manière inattendue, tout leur sens. En effet, cette période requiert plus que jamais de donner matière et consistance à la relation sociale en privilégiant la co-construction avec le CSE/CSSCT.

Au-delà des obligations légales prévues dans le code du travail, se dessine pour l’employeur et les représentants du personnel une belle opportunité́ de valoriser le dialogue social en renouant à son fondement : la protection des travailleurs et l’information sociale pour toutes et tous.

 La préservation de l'activité des entreprises, un défi qui sera long

 

Le Covid-19 expose les entreprises à un enjeu bien connu mais qui se donne aujourd’hui sous une forme inédite, à savoir, la préservation de l’activité de l’entreprise tout en garantissant la protection des salariés. Cet enjeu, ou plutôt défi, sera long. Il impliquera d’abord une gestion court terme de l’activité et des salariés : mise en place de nouvelle organisation du travail, adaptation du contenu du travail, prévention des risques pour les salariés nécessitant de se rendre sur le lieu de travail, nouvelles régulations de la charge de travail...

Il impliquera ensuite une gestion plus long terme de retour à l’activité qui devra tenir compte des impacts économiques liés au ralentissement et au confinement de la majeure partie de la population mais également des impacts psychiques qu’aura eu cette crise sanitaire sur les salariés. Dans ce long cheminement, le dialogue social devra être au coeur des items à traiter et des réponses à donner à ce double défi.

 

Feuille de route court terme
 
► Mise en place d’un plan d’action dédié pour les salariés devant se rendre sur leur lieux de travail

 

Si une partie de la France est à l’arrêt partiel, beaucoup de salariés ou agents du service publics continuent de travailler en présentiel et mettent leur vie en danger au service du bien collectif. Les hôpitaux notamment mais également les agents EDF, postiers, personnel de supermarché, et tous commerces jugés d’utilité publique...

Pour veiller à la protection de leur santé et à leurs conditions de travail, Direction et IRP peuvent se concerter en :

  • mettant à jour l’établissement ou la mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) qui, bien qu’il soit à la main de l’employeur, constitue un processus idéal pour échanger avec le CSE/CSSCT sur les mesures à mettre en place;

  • veillant à l’application et au respect des règles de prévention et des gestes barrières en vigueur : mise à disposition de gel hydro-alcoolique, respect des distances de sécurité entre salariés et avec le public, marquage au sol, etc.;

  • évaluant les modalités d’application du chômage partiel en ayant recours au dispositif sur-mesure proposé par l’Etat;

  • proposant des espaces de discussion types salon virtuel pour maintenir un lien social entre les collaborateurs qui souhaitent continuer à interagir avec leur collègues.

 

► Télétravail et prévention des risques d’isolement

 

Pour les entreprises qui le peuvent, il est exigé de juguler la propagation du virus en limitant les contacts entre les collaborateurs. Le télétravail est jusqu’à nouvel ordre privilégié pour les types de métiers qui le permettent. Un point de vigilance devra être porté au risque d’isolement et à la difficile gestion individuelle de la charge de travail (sous charge ou surcharge). Pour cela, direction et représentants du personnel peuvent d’ores-et-déjà s’organiser pour mettre en place :

  • des temps de réunions collectifs en veillant aux remontées des collaborateurs;

  • des réseaux d’aide et d’entraide à distance, notamment pour les collaborateurs les plus isolés ou ceux ne disposant pas de connexions internet;

  • de nouveaux rituels de travail pour continuer de fédérer le collectif;

  • des temps dédiés aux collaborateurs et à ses proches pour veiller la santé de chaque collaborateur.

 

► Le plan de continuité de l’entreprise

 

Par ailleurs, le plan de continuité de l’entreprise (PCA) en cas de pandémie permet de protéger les salariés tout en assurant la continuité des entreprises. L’élaboration de ce plan opérationnel, analyse l’organisation de l’entreprise et détermine les effectifs nécessaires à sa continuité. Sa présentation se fera devant le CSE/CSSCT, la concertation des élus déterminera sa pertinence.

De par les intérêts communs, il est primordial pour les entreprises de se saisir de la nouvelle dimension de la santé au travail pour renforcer la relation sociale avec les représentants du personnel. La mise en place d’une politique de prévention de la santé qui prenne en compte les intérêts respectifs, sera gage d’un climat social apaisé. La relation sociale ainsi entretenue permettra à l’avenir , soyons optimistes, d’aborder les sujets plus sensibles de manière plus constructive.

 

► NDLR : les auteurs de ce texte sont Sophie Berlioz, docteur en philosophie et manager senior, Philippe Emont, associé fondateur, et Pierre-Yves Goarant, manager senior au sein du cabinet de conseil Alter Nego

Sophie Berlioz, Philippe Emont et Pierre-Yves Goarant

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