Réunions par visioconférence du CSE tous les 15 jours entrecoupées de multiples échanges, chasse aux masques, organisation du travail des salariés, etc. : la directrice de l'Adapa, association d'aide à domicile de la Meurthe-et-Moselle, et un élu du CSE ont expliqué hier comment ils avaient affronté la crise sanitaire, lors d'un webinaire sur le comité social économique et le dialogue social organisé par l'Anact dans le cadre de la semaine de la qualité au travail.
La crise sanitaire a touché de plein fouet le secteur de l'aide à domicile. Pourtant, à écouter sa direction et son CSE (12 titulaires et 3 pour la commission santé, sécurité et conditions de travail), l'Adapa, une association qui emploie 500 salariés en Meurthe-et-Moselle, semble n'avoir pas trop mal traversé cette période délicate (1). Le taux d'absentéisme du personnel, qui a parfois grimpé jusqu'à 50% dans certaines structures d'aide à domicile du fait notamment des problèmes de garde d'enfant, a été limité ici entre 20% et 25% au plus fort de la crise.

La raison ? Le département, financeur de l'Adapa, a considéré que les intervenants et intervenantes à domicile devaient aussi être prioritaires, à l'égal des soignants, pour obtenir des places dans les crèches et écoles, et les différents acteurs se sont mobilisés. "Nous avons pu accompagner les salariés dans leurs demandes car nous avions aussi les remontées des élus du CSE sur les attentes. En 2 à 3 jours, tout le monde a pu trouver des solutions. Dans les territoires où les assistantes à domicile n'ont pas été prioritaires, ça a été beaucoup plus compliqué", a expliqué Laetitia Pilloy, directrice de l'Adapa. Contactée à l'issue du webinaire, celle-ci nous a également expliqué qu'elle avait parfois pris son téléphone pour appeler les maires des communes rechignant à inscrire les enfants des intervenants à domicile...
La question, cruciale, des équipements de protection (masques, gants, blouses, etc.), a été également assez vite traitée selon Julien Meinser, auxiliaire de vie élu au CSE : "Nos demandes ont été appuyées auprès de l'Agence régionale de santé (ARS) pour bénéficier de ces équipements".

Et avant de "toucher" son lot d'équipements, l'association a fait appel aux dons, sur les réseaux sociaux et dans la presse régionale, pour équiper son personnel. "C'était très important pour rassurer les salariés et pour éviter les droits de retrait", ajoute la directrice. Les salariés ont pu récupérer ces équipements dans les agences dont l'association, basée à Nancy, dispose dans les différentes villes, des agences laissées ouvertes à cette fin. Résultat : "Nous n'avons eu que 4 droits de retrait. C'est peu sur 500 salariés. Et c'est aussi le fruit du dialogue social", commente Julien Meinser.
Tout n'a pourtant pas été simple. Il a fallu réorganiser le travail et les tournées auprès des personnes à domicile, âgées et parfois handicapées. "Le CSE nous a fait rapidement remonter le fait que la durée d'intervention était allongée par le protocole", raconte Laetitia Pilloy qui indique que le département a accepté d'en tenir compte pour son financement, ce qui a évité une moindre prise en charge des personnes suivies.
La présence de malades du Covid parmi les personnes à visiter a dû rapidement être intégrée : "Nous avons choisi de réaménager les tournées afin qu'une intervenante devant se rendre chez une personne positive au Covid-19 finisse sa tournée chez elle, afin de limiter les contacts avec les autres et pour qu'elle puisse se doucher tout de suite après son intervention". Ces protocoles ont été appliqués avec les conseils de la Carsat, la caisse régionale d'assurance retraite et santé au travail, et la médecine du travail, notamment sur la question des tests : faut-il tester, à quel moment, comment ?
Les mots de dialogue social, souvent galvaudés, semblent ici désigner une réelle pratique. "Cela arrive parfois que cela chauffe entre nous mais tout est débattu", nous précise la directrice de l'association. "C'est vrai que cela se passe bien", nous confirme Julien Meinser. Il faut dire que -ceci explique peut-être cela- la directrice de la structure a une forte expérience des prud'hommes. "Comme conseillère, j'observe souvent que bien des conflits auraient pu être évités grâce au dialogue", glisse-t-elle.

"Avec le CE, le CHSCT et les DP, nous échangions déjà beaucoup. Je communique aux élus les projets de notes de service ou d'informations que j'entends adresser au personnel, afin d'avoir leurs retours en amont, pour améliorer les choses. Depuis qu'on est passé, en janvier 2020, en CSE, on continue de faire comme cela", détaille encore Laetitia Pilloy. La situation de crise a même entraîné davantage d'échanges du fait de la nécessité de faire évoluer les pratiques en fonction des consignes sanitaires.
Si le comité de direction a tenu chaque matin à 8h30 une réunion en visioconférence, le CSE et la direction se sont eux réunis tous les 15 jours, également en visio, sans compter les multiples échanges de mails ("On en a fait au moins 150 !") ou échanges informels entre deux réunions.

"De notre côté, le CSE s'est recentré sur l'essentiel. On a beaucoup échangé avec les salariés sur les conditions de travail, et on a discuté avec ceux qui étaient les plus isolés", souligne Julien Meinser. Si lui-même est un nouvel élu depuis janvier, alors qu'il travaille depuis 4 ans au sein de l'association, le CSE est composé d'un mélange de nouveaux et d'anciens qui transmettent ainsi leur expérience.
Si le crédit d'heures de délégation n'a pas été augmenté, en revanche, davantage d'élus ont échangé leurs heures, dans le cadre de la mutualisation autorisée. Les deux parties sont conscientes qu'il reste du pain sur la planche. Comme, par exemple, sur l'actualisation du document unique d'évaluation des risques. Deux réunions de CSSCT (commission santé, sécurité et conditions de travail) ont paré au plus pressé : "Nous avons listé les nouveaux risques et les actions mises en oeuvre pour les prévenir. Mais nous ne sommes pas entrés dans le détail. Il va falloir qu'on y revienne", concède la directrice de l'association, approuvée par l'élu du CSE : "On n'a pas eu le temps de tout faire".
Aujourd'hui, nul ne prétend être revenu en situation normale, et la vigilance s'impose. D'autant que face à de multiples demandes d'intervention auxquelles elle est soumise, l'association n'a pas les moyens humains suffisants pour y répondre. "Il nous faut parvenir à recruter, à attirer vers nos métiers", souligne Laetitia Pilloy, également préoccupée de voir qu'une partie des salariés (sans doute une question de génération) est moins informée que d'autres sur ce qui se passe dans l'association.
Une partie de l'équation échappe à l'Adapa, car la reconnaissance du métier et une éventuelle revalorisation salariale sont du pouvoir des décideurs et financeurs, donc des politiques. "Il nous faut activer nos fédérations pour faire bouger les choses au niveau du gouvernement", s'impatiente Julien Meinser. Pour sa part, la directrice de l'Adapa souhaite avancer sur la qualité de vie au travail, via l'organisation du travail et une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée, ce qui suppose de réfléchir aux amplitudes horaires imposées souvent dans ces métiers.

Julien Meinser observe également que les salariés sont frustrés de ne pouvoir partir en formation, faute de pouvoir être remplacés, et qu'ils commencent à accuser le coût de la charge de travail accumulée : "Beaucoup sont épuisés et éprouvent des douleurs liées à la fatigue et non à des mauvaises manipulations. L'on commence à voir des arrêts de travail. Déjà qu'en temps normal on est à flux tendus, le Covid n'a rien arrangé..."
La perspective des vacances peut apporter une respiration mais risque aussi d'aggraver la charge de travail de ceux qui restent. Et l'élu du comité économique et social de souffler : "Nous avons hâte de sortir de la gestion de l'urgence et de retrouver le travail d'un vrai CSE !"
(1) Cet article rend compte du webinaire animé mercredi 17 juin par Marion Gilles et Nadia Rahou, chargées de mission à l'Anact (agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail) avec la participation de Laetitia Pilloy, directrice de l'Adapa de Meurthe-et-Moselle, et de Julien Meinser, élu FO au CSE de l'association et représentant du CSE au conseil d'administration de l'association. Le CSE compte 12 élus titulaires appartenant à la CFDT (premier syndicat de l'association), CFTC, FO et CFE-CGC.