Comment Secafi réduit la voilure dans la santé au travail

Comment Secafi réduit la voilure dans la santé au travail

22.01.2020

Le leader du marché de l'expertise aux IRP, qui a vu son activité se contracter fortement en 2019, veut réduire ses effectifs de 20 consultants. En l'absence d'accord, le plan de départs volontaires est en cours d'homologation à la Direccte.

Voilà qui fait un peu tâche dans le petit milieu des experts auprès des instances de représentation du personnel (IRP). Le 9 janvier 2020, le leader du marché, Secafi, a bouclé les discussions portant sur son plan de départs volontaires (PDV) sans parvenir à un accord avec ses organisations syndicales. Une issue prévisible. Depuis plusieurs semaines, la CGT (majoritaire, avec 55% des voix) avait en effet quitté la table des discussions, laissant à la CFE-CGC (30%) et à la CFDT (15%) le soin de discuter d'un texte qui, par nature, ne pouvait être que minoritaire. Des échanges qui n'ont pas davantage abouti. Résultat, le groupe est contraint de faire homologuer son projet unilatéral par la Direccte, une démarche plus complexe qu'une simple validation.

Échec des négociations en vue d'un accord

Pour le président emblématique du groupe Alpha, Pierre Ferracci, il s'agit d'un revers. C'est en effet lui qui a conduit en personne les discussions, lancées le 19 septembre 2019 devant les élus du CSE.

L'effet est conjoncturel avec la mise en place des CSE mais il pourrait devenir structurel avec le cofinancement des expertises 

 

 

À l'origine du projet ? La baisse très significative de l'activité en santé au travail chez Secafi : sur ce marché, le chiffre d'affaires est passé de 15 millions d'euros en 2018 à 9,5 millions d'euros en 2019 (lire notre article). "L'effet est d'abord conjoncturel. La mise en place des CSE a conduit les élus à faire preuve d'un certain attentisme, explique Pierre Ferracci. On peut donc espérer un certain rebond. Mais qui pourrait s'avérer faible, compte tenu d'un autre effet, structurel celui-là : l'instauration du cofinancement sur les expertises portant sur les grands projets". Ce déclin du marché, qui touche quasiment tous les acteurs, conduit Secafi à réduire la voilure. Avec un plan de départs volontaires assez minimalistes, en particulier sur le volet financier. La direction offre ainsi à tous les volontaires une indemnisation supralégale de… deux mois de salaire. Auxquels s'ajoutent six mois pour les 55-57 ans (les plus choyés), cinq mois pour ceux âgés de 58 ans et un mois pour les 59 ans et plus. 

Ces propositions sont en-deçà des attentes des consultants 

 

Des sommes qui complètent les indemnités prévues par le seul code du travail, puisque la convention collective applicable dans la maison (celle des experts comptables) s'avère moins-disante. "Ces propositions sont très en deçà de nos attentes, et de celles des consultants. Et ceux-ci savent très bien, vu leur métier, ce qui se pratique ailleurs", commente François Narguet, le délégué syndical CFE-CGC. "Les montants sont d'autant plus faibles qu'il y a très peu de consultants dans la fourchette 55-58 ans. L'écrasante majorité des personnes éligibles n'a droit qu'à deux mois", complète son alter ego cédétiste, Olivier Nagel.

Le volet accompagnement du plan de départs volontaires

Le plan se montre en revanche plus fourni sur le volet "accompagnement". Il prévoit ainsi l'intervention du cabinet Sémaphores – autre entité du groupe – pour aider les candidats à construire leur projet professionnel (*). Hormis les départs en retraite, les volontaires doivent en effet présenter un vrai projet pour bénéficier du plan : formation en vue d'une reconversion, création ou reprise d'entreprise, signature d'un CDD ou CDI chez un autre employeur. Pour faciliter les transitions professionnelles, Secafi a prévu des aides financières, qui peuvent s'avérer significatives. Les candidats au départ ayant besoin de suivre une formation longue peuvent notamment bénéficier d'un chèque de 14.000 euros, voire même de 20.000 euros  si l'intégralité de l'enveloppe prévue n'est pas consommée.

Nous voulons nous assurer que les candidats ont des projets fiables et durables 

 

À la CGT, on se méfie des belles promesses faites par Secafi à la Direccte pour obtenir  l'homologation du plan. Et on s'inquiète déjà du processus de validation des dossiers. "En théorie, il faut avoir un vrai projet professionnel pour bénéficier du plan, ce qui nous va bien. Encore faut-il que ce soit respecté par la direction. Car c'est elle qui décidera seule d'accepter ou non les dossiers", observe Corinne Deregnecourt, la déléguée syndicale cégétiste. "Avec l'aide de Sémaphores, on veut s'assurer que les candidats aient des projets fiables et durables. Si c'est bien le cas, il n'y aura pas d'obstacle pour qu'ils puissent partir. Le plan ne prévoit pas de double volontariat", rétorque Pierre Ferracci.

Le plan trouvera-t-il preneur ?

Les volontaires seront-ils aussi nombreux qu'escomptés ? Il est bien sûr trop tôt pour le dire. Mais les représentants du personnel en doutent. "Hormis les effets d'aubaine, qui concernent quelques consultants prêts à partir quelles que soient les conditions, le plan aura du mal à trouver preneur", estime ainsi François Narguet (CFE-CGC). Au-delà du plan de départs, le syndicats attendent surtout de leur direction qu'elle repense la stratégie et la politique commerciale du groupe, pour repartir de l'avant dans un marché tendu. Un redoutable chantier auquel va devoir s'atteler la toute nouvelle directrice générale déléguée du groupe et de Secafi, Nathalie Hanet. L'ex-DG de l'Etablissement pour l'insertion dans l'emploi (Epide) a pris ses fonctions ce lundi 20 janvier.

 

(*) Sémaphores vient de se rapprocher du cabinet GAV, lire notre article.

Stéphane Béchaux

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