Conclusion de la 10e CJIP pour un montant record
06.02.2020

La CJIP signée entre le PNF, dont le montant est le plus élevé de toutes les CJIP conclues à ce jour, et Airbus met fin aux poursuites pour corruption d'agent public étranger, faux et usages de faux, escroquerie en bande organisée, abus de confiance et blanchiment de ce délit et abus de biens sociaux.
Le 31 janvier 2020, le président du tribunal judiciaire de Paris a validé la CJIP conclue entre le procureur de la République financier (la 6e pour le PNF) et la société Airbus, mettant ainsi fin aux poursuites engagées dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte le 20 juillet 2016 par le PNF et confiée à l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF).
Les investigations du PNF et de l’OCLCIFF, qui portaient sur des faits de corruption d’agent public étranger et de corruption privée, commis à l’occasion de contrats de vente d’avions civils et de satellites conclus par des entités du groupe Airbus, étaient conduites dans le cadre d’une enquête commune menée par le PNF et le Serious Fraud Office, son homologue britannique, parallèlement à l’enquête ouverte par le Department of Justice américain.
C’est donc de concert que le PNF, le SFO et les autorités judiciaires américaines ont mené les investigations, afin de parvenir à la signature d’une CJIP et de deux deferred prosecution agreement (DPA).
L’enquête commune a fait ressortir des pratiques frauduleuses et des prestations "discutables" dans pas moins de sept pays :
- Airbus avait ainsi tenté, par différents moyens, d’offrir des avantages financiers à un dirigeant de la compagnie aérienne Air Arabia en contrepartie de la signature d’un contrat, par l’intermédiaire de salariés de Smo International ;
- le constructeur aéronautique a également accepté de contribuer au financement du China Aviation Cooperation Fund (CACF), dont l’objectif initial était de financer des projets de coopération avec l’industrie aéronautique chinoise : or, une partie de ce financement a été utilisée en dehors de l’objectif initial, pour financer des séminaires comportant principalement des activités de loisir. Airbus a également organisé plusieurs voyages au bénéfice d’agents publics chinois, composés principalement - voire exclusivement - d’activités de loisirs, y compris pour l’entourage de ces agents. Airbus a enfin versé la somme de 10,3 millions d’euros, par le biais d’un contrat d’engagement fictif avec une société libanaise, destinée à un intermédiaire commercial chinois ;
- en contrepartie de la signature de contrats de vente avec Korean Air, Airbus s’est engagé à verser 15 millions de dollars à un ancien haut dirigeant de cette compagnie aérienne ;
- avec la Nepal Airlines, les comptes du constructeur ont fait apparaître le versement de 340 000 euros à une société tierce pour permettre la transmission des fonds à des intermédiaires. L’enquête a identifié un engagement de paiement total de 1,8 millions d’euros à des intermédiaires en lien avec la campagne de vente auprès de Nepal Airlines ;
- Airbus a également rémunéré deux intermédiaires commerciaux dans le cadre d’un contrat avec la compagnie aérienne publique taiwanaise China Airlines, notamment par le biais d’une filiale du groupe établie aux Emirats Arabes Unis ;
- dans le cadre de deux contrats conclus avec Russian Satellites Communications Company (RSSC), Airbus Defence and Space (à l’époque, Astrium), a engagé fictivement un intermédiaire commercial au moyen d’un contrat de consultant. Une rémunération de 8,674 millions d’euros a été versée, alors même que le siège de la société ne pouvait être identifié ;
- Astrium a également conclu un contrat avec Arabsat pour l’achat du satellite Arabsat-5C. Huit paiements au bénéfice d’un intermédiaire commercial ont été identifiés, pour un total d’un million d’euros ;
- dans le cadre de campagnes de vente avec la compagnie aérienne nationale de Colombie Avianca SA, Airbus a eu recours à un intermédiaire commercial : huit contrats de consultant ont été conclus avec cet intermédiaire, prévoyant chacun une rémunération calculée sur un pourcentage du montant de chaque contrat de vente conclu. L’enquête a révélé qu’une partie de la rémunération promise à l’intermédiaire commercial était destinée à être reversée de manière occulte à un cadre dirigeant d’Avianca Holding SA.
Le montant de l’amende s’élève à 2 083 137 455 euros.
Pour calculer le montant de l’amende, il a été tenu compte :
- de l’ancienneté des faits ;
- du "niveau exemplaire de coopération offert par la société aux investigations de l’équipe commune d’enquête" ;
- de la conduite d’une enquête interne approfondie et coordonnée avec le déroulement de l’enquête judiciaire ;
- et de la mise en œuvre, dès les premiers temps de l’enquête, de mesures de conformité correctives destinées à prévenir le renouvellement des faits.
Mais la gravité des faits, s’agissant de corruption et de corruption d’agents étrangers, a aussi été retenue comme circonstance aggravante.
Si c’est en France qu’Airbus doit s’acquitter du montant le plus élevé, la société doit également verser une amende d’un montant de 983 974 311 euros aux autorités britanniques, et 525 655 000 euros au Trésor des États-Unis.
Aux termes de la CJIP, Airbus s’engage également à faire évaluer par l’Agence française anticorruption (AFA) l’effectivité de son programme de conformité, ce pour une durée de 3 ans.
Afin de s’assurer de l’exhaustivité du déploiement du programme de conformité aux entités et filiales du groupe, il a en effet été estimé nécessaire de conduire des audits ciblés, pendant une durée de trois années. La société s’engage à se soumettre aux vérifications qui seront diligentées à cette fin, et à supporter les frais occasionnés jusqu’à concurrence de la somme totale de 8 500 000 euros.