Coronavirus : les conseils donnés aux employeurs et aux salariés

Coronavirus : les conseils donnés aux employeurs et aux salariés

03.02.2020

Les services de santé au travail reçoivent de nombreux appels d'employeurs au sujet du coronavirus. Leurs personnels s'inquiètent d'un risque de transmission du nouveau virus lors du retour en France de salariés ayant voyagé en Chine. Les informations et conseils d'un médecin du travail et d'un avocat spécialisé et les nouveautés apportées par un décret paru samedi.

Au 30 janvier, la France compte 6 cas d'infection au virus 2019-nCOV, dit Coronavirus, tous ces patients ayant séjourné à Wuhan, la ville chinoise d'où est partie l'épidémie. Ce virus peut provoquer un simple rhume ou une pathologie beaucoup plus lourde comme un syndrome respiratoire aigu sévère (Mer ou Sras), la Chine ayant déclaré 213 morts jusqu'à présent pour 9 700 cas d'infection recensés. Alors que ce sujet devient un motif d'inquiétude dans le personnel des entreprises qui travaillent en relation avec la Chine ou au contact de personnes ayant séjourné dans ce pays récemment, le ministère de la Santé publie un questions-réponses sur ce virus ainsi que plusieurs documents d'information :

Employeurs, représentants du personnel et salariés peuvent aussi consulter avec profit le site de l'organisme Santé Publique France qui met régulièrement à jour sa note sur les pneumonies associées au nouveau virus ainsi que sa PDF iconfiche sur la conduite à tenir.

Des Français rapatriés et mis à l'isolement

Après avoir suspendu ses vols vers Wuhan, Air France a annoncé jeudi dernier l'interruption de tous ses vols vers la Chine. La France a également décidé le rapatriement d'environ 200 Français séjournant dans cette ville, qui compte notamment une usine du constructeur PSA. Depuis leur arrivée en métropole, vendredi 31 janvier, ceux-ci sont confinés dans un lieu d'accueil à Carry-le-Rouet, dans les Bouches-du-Rhône, et ce pour 14 jours, soit la période maximale d'incubation du virus, une personne étant contagieuse à compter de l'apparition des symptômes (fièvre, toux, etc.).

Ces personnes doivent continuer à être rémunérées par leur employeur 

 

Pour l'avocat Michel Ledoux, joint vendredi, la situation de ces rapatriés ne fait pas de doute : "Ces personnes doivent continuer à être rémunérées par leur employeur, et ce rapatriement ne peut pas s'analyser comme une suspension de leur contrat de travail". En outre, explique l'avocat, "si l'une d'elles devait développer des symptômes, sa maladie devrait être prise en charge au titre des maladies professionnelles, car elle l'aurait contractée à l'occasion de son déplacement professionnel ou de son expatriation en Chine". Au lendemain de leur arrivée en France, un décret a en effet prévu le versement pour ces assurés maintenus à l'isolement d'indemnités journalières (lire notre encadré).

Quid maintenant des situations individuelles s'agissant de salariés rentrés récemment de Chine après un séjour personnel ou professionnel ? Le gouvernement rappelle que les personnes ayant séjourné récemment en Chine doivent, en cas de signes d'infection respiratoire (fièvre et toux, difficultés respiratoires), contacter le Samu Centre 15 et éviter de se rendre chez leur médecin ou aux urgences pour prévenir toute contamination. "Un employeur peut se tourner vers le médecin du travail pour connaître l'attitude à adopter lorsqu'un salarié est récemment revenu de Chine", conseille Anne-Michèle Chartier, médecin du travail et présidente de la CFE-CGC Santé au travail. Le médecin peut s'entretenir avec le salarié ne présentant pas de symptômes, poursuit-elle, afin de faire un point sur les zones et les contacts qu'il a fréquentés lors de son déplacement. L'employeur peut aussi décider, ajoute Anne-Michèle Chartier, de demander au salarié de rester chez lui tout en maintenant sa rémunération : "Après tout, lors des grèves de décembre et janvier, de nombreux employeurs n'ont-ils pas accepté le télétravail de leurs salariés ?" 

Les employeurs font part de l'inquiétude de leurs personnels

"Depuis mercredi, nous sommes souvent sollicités par les employeurs pour savoir ce qu'ils doivent ou peuvent faire", nous dit Katy Mamou, médecin du travail et référente risque biologique au sein de l'ACMS, une association des services de santé au travail d'Ile-de-France qui couvre un million de salariés. Il s'agit d'entreprises travaillant dans les zones aréoportuaires, de celles ayant des salariés expatriés ou de nombreux salariés voyageant en Asie.

Sur des surfaces comme celles des colis, le virus ne survit que 3 heures 

 

L'ACMS organise d'ailleurs une permanence téléphonique tous les jours pour répondre à leurs demandes, qui ont redoublé depuis que l'Organisation mondiale de la santé a décrété une urgence sanitaire mondiale sur ce virus. "Nous les informons que le salarié ne devient contagieux qu'à partir du moment où il développe des symptômes. Certains s'inquiètent aussi du risque de voir le virus véhiculé par les colis envoyés de Chine. Nous leur apprenons que le virus ne survit que trois heures sur de telles surfaces, et donc qu'il n'y a pas de danger", rapporte-t-elle. Attention à ne pas suréagir, tempère Katy Mamou en rappelant que le foyer d'épidémie est parti de Wuhan et qu'il ne paraît pas raisonnable de prévoir un isolement de tous les salariés rentrant de Chine ou d'Asie et qui ne présentent aucun symptôme.

Attention à la discrimination ! 

 

Bien entendu, explique-t-elle, rien n'empêche l'employeur désireux de faire prévaloir le principe de précaution de proposer une période de télétravail à un salarié de retour de Chine. Mais sur ce point, Michel Ledoux, qui rappelle le très faible nombre de cas en Europe, modère les ardeurs de certains de ses clients employeurs. L'avocat ne craint pas de leur rappeler qu'il est interdit de discriminer certains salariés : "Nous sommes sollicités par des entreprises ayant beaucoup d'expatriés car leur personnel s'inquiètent du retour de ces salariés. Nous leur rappelons que seul le médecin peut ordonner une quarantaine. Une mesure de télétravail peut être proposée par l'entreprise, mais sur la base du seul volontariat, et dès lors que le salarié auquel cette mesure s'adresse ne considère pas cela comme une discrimination". 

 

Un décret ouvre la possibilité d'indemnités journalières
pour les personnes à l'isolement
Paru samedi 1er février au Journal officiel, un décret du 31 janvier 2020 prévoit que les assurés sociaux faisant l'objet d'une mesure d'isolement ou d'un maintien à domicile pour limiter la propagation de l'épidémie de coronavirus peuvent bénéficier, au titre de cet arrêt de travail, des indemnités journalières d'assurance maladie, dans la limite de 20 jours. Cette ouverture de droit est possible sans que soient remplies les conditions habituelles relatives aux durées minimales d'activité, le délai de carence ne s'appliquant pas davantage "afin de permettre le versement des indemnités journalières dès le premier jour d'arrêt".

 

 

 

Bernard Domergue

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