Défaut de désignation d'un certificateur de durabilité et entrave à la mission : fin des sanctions pénales

Défaut de désignation d'un certificateur de durabilité et entrave à la mission : fin des sanctions pénales

06.05.2025

La loi DDADUE du 30 avril 2025 supprime les peines de prison et les amendes applicables en cas d'absence de désignation d'un commissaire aux comptes habilité ou d'un OIT, en cas de leur non-convocation à l'assemblée générale, et en cas d'obstacle aux vérifications des informations de durabilité par les certificateurs.

La loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, dite "DDADUE", publiée le 2 mai au Journal officiel, contient des mesures qui pourraient impacter l'efficacité de la nouvelle mission de certification des informations de durabilité. En effet, le texte supprime plusieurs sanctions pénales introduites par l'ordonnance de transposition de la CSRD (corporate sustainabiliy reporting directive) du 6 décembre 2023.

Exit les peines de prison et les amendes

Tout d'abord, en cas d'absence de désignation obligatoire d’un certificateur de durabilité. Ainsi, les dirigeants d'une personne morale ou d’une entité tenue de faire certifier leurs informations en matière de durabilité ne sont plus passibles d'une peine d’emprisonnement de 2 ans et d'une amende de 30 000 euros s'ils ne désignent pas un commissaire aux comptes (Cac) habilité (inscrit sur la liste mentionnée au II de l'article L. 821-13 du code de commerce) ou un organisme tiers indépendant (inscrit sur la liste mentionnée à l'article L. 822-3 du code de commerce). La loi DDADUE supprime les mêmes sanctions pénales à l'encontre des dirigeants qui ne convoquent pas le certificateur de durabilité à chaque assemblée générale. C’est par l’abrogation combinée des articles L. 821-6, 2° et L. 822-40, 1° du code de commerce que l'ensemble des sanctions pénales disparaît.

Dans la même lignée, le délit d’entrave à la mission des certificateurs d'informations de durabilité n’existe plus légalement. La peine d’emprisonnement de 5 ans et l’amende de 75 000 euros sont supprimées à l’encontre des dirigeants qui font obstacle aux vérifications ou contrôles des informations de durabilité par des commissaires aux comptes ou des auditeurs exerçant au sein d'OTI, ou qui leur refusent la communication sur place de toutes les pièces utiles à l'exercice de leur mission. La loi DDADUE 5 abroge ainsi l’article L. 822-40, 2° du code de commerce et modifie l’article L. 821-6, 3° du code de commerce.

Surtransposition de la directive CSRD ou fragilisation du dispositif ?

C'est le gouvernement qui est à l'origine de la suppression de ces sanctions pénales qu'il avait pourtant inscrites dans l'ordonnance de décembre 2023. "Dans la pratique, il est apparu que les sanctions pénales prévues pour des informations extra-financières, dont les standards sont encore en cours de consolidation – absence de normes européennes d’audit, informations qualitatives pouvant apparaître subjectives… –, étaient disproportionnées, a défendu Marc Ferracci, ministre chargé de l'industrie et de l'énergie, lors des débats parlementaires. Des manquements pourraient être observés en raison des incertitudes sur les normes applicables, en particulier dans le contexte actuel d’évolution du droit européen (...)". Les sénateurs qui défendent ces mesures invoquaient le fait de "corriger une surtransposition de la directive CRSD" en supprimant des dispositions "créant des obligations disproportionnées pour les entreprises françaises".

A l'opposé, les parlementaires défavorables à la suppression, notamment, du délit d'entrave à la mission durabilité relevaient "le risque de rendre inopérant" le reporting de durabilité. Pour la sénatrice Florence Blatrix Contat, cette suppression "fragilise l'ensemble du dispositif" car un tel délit d'entrave "garantit l'indépendance et l'efficacité des contrôles". De plus, "un cadre contraignant est (...) nécessaire pour assurer l’effectivité des obligations de transparence", estime-t-elle. Et le fait de "recueillir des informations extrafinancières fiables" limiterait "le greenwashing actuellement pratiqué par de nombreuses entreprises".

Peines alternatives : nullité de l'AG

Mais le ministre Marc Ferracci a tenu à préciser : "Cela ne conduira pas à une absence de sanction, puisque le juge pourra toujours prononcer une injonction sous astreinte et que le Gouvernement cherche des peines alternatives en aménageant le droit des nullités" (débat du 10 mars). Effectivement, l'ordonnance du 12 mars 2025 portant réforme du régime des nullités en droit des sociétés prévoit la nullité des délibérations de l’assemblée générale ordinaire de l'entité assujettie à la CSRD en cas d'absence de désignation "d'un commissaire aux comptes ou d'un auditeur des informations en matière de durabilité, lorsque leur mission leur est confiée par la loi ou le règlement" (article L. 821-5 du code de commerce modifié). Il s'agit d'une clarification qui confirme (en partie) la position de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes.

Céline Chapuis

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