Des entreprises opaques en matière de durabilité bientôt privées de marchés publics ?

Des entreprises opaques en matière de durabilité bientôt privées de marchés publics ?

13.10.2023

Le Parlement a définitivement adopté le projet de loi sur l'industrie verte. Il veut que les entreprises qui ne respecteront pas leur obligation de publication du rapport de durabilité puissent être exclues d'un appel d'offres pour un marché public. Idem pour celles qui manquent à leur devoir d'établir un bilan des émissions de gaz à effet de serre.

C'est une nouvelle étape pour rendre l'économie davantage durable. On sait que la directive européenne sur le rapport de durabilité (directive n° 2022/2464, dite directive CSRD) va obliger certaines entreprises à être plus vertueuses en matière de transparence. La France est sur le point d'aller plus loin avec un cadre juridique qui doit permettre d'exclure certaines entreprises des marchés publics. Ce sujet trouve sa source dans le projet de loi sur l'industrie verte que le Parlement vient d'adopter définitivement — ce texte peut toutefois théoriquement faire l'objet de censure (s) constitutionnelle (s).

Certaines mesures ne concernent que les entreprises assujetties à l'obligation, telle qu'elle sera transposée, de publier le rapport de durabilité imposée par la directive CSRD, c'est à dire, à l'échelle de l'Union européenne, les grandes entreprises et les PME cotées sur un marché réglementé. Ainsi, les acheteurs publics auront la faculté (mais pas l'obligation) d'exclure les entreprises qui ne respectent pas cette obligation de publication (article 25 du projet de loi publié par le Sénat). Précisément, ce dispositif couvre les marchés publics et les contrats de concession qui relèvent de la commande publique. Il devra faire l'objet d'une ordonnance via une habilitation donnée par le projet de loi sur l'industrie verte.

Exclusion encourue pour défaut d'établissement du bilan des émissions de gaz à effet de serre

Un dispositif similaire est prévu (article 29 du projet de loi) pour les entreprises qui ne respectent pas leur obligation d'établir un bilan des émissions de gaz à effet de serre (Beges) (cf article L 229-25 du code de l'environnement). Cela concerne potentiellement celles qui emploient plus de 500 personnes (ou plus de 250 pour celles situées dans une région ou un département d'outre-mer). A noter que le texte donne la faculté d'exclure une entreprise qui ne respecte pas son obligation d'établir un Beges. Autrement dit, cette exclusion ne s'appliquerait pas, d'après ce texte, aux entreprises qui établissent ce document mais qui ne le transmettent pas (pour publication) bien que l'article L 229-25 impose cette transmission. Pourtant, selon l'évaluation 2021 de la réglementation des bilans d'émission de gaz à effet de serre réalisée par l'Ademe (agence de la transition écologique), sur 3 106 personnes morales de droit privé soumises en 2021 à cette réglementation, seulement 43 % d'entre elles avaient publié le bilan dans le temps imparti pour cette étude.

Sanction renforcée

Et ce n'est pas tout. Actuellement, l'autorité administrative peut sanctionner les entreprises qui ne respectent pas leur obligation d'établissement ou de transmission (pour publication) du Beges par une amende ne pouvant excéder 10 0000 euros (20 000 euros en cas de récidive). Le projet de loi adopté porte ce montant à 50 000 euros (et 100 000 euros en cas de récidive). De plus, la sanction prend semble-t-il un caractère impératif car le texte prévoit que l'autorité administrative "sanctionne" ce manquement (alors que le texte actuel prévoit que l'autorité administrative "peut sanctionner").

Elargissement du périmètre des entreprises tenues de publier un Beges

D'autres entreprises seront tenues de publier un bilan des émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre — cette fois-ci sous une forme simplifiée définie par un décret à venir — dans un contexte particulier. Pour bénéficier d'aides publiques à la transition écologique et énergétique, les personnes morales de droit privé qui emploient entre 50 et 500 salariés dans lesquelles l'Etat détient, directement ou indirectement, une majorité du capital ou des droits de vote seront tenues de publier un tel document. Les personnes morales de droit privé qui doivent dores et déjà aujourd'hui transmettre un Beges (non simplifié) devront respecter leur obligation de transmission pour obtenir ces mêmes aides publiques.

Ludovic Arbelet

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