DUP emportant mise en compatibilité de PLU : la régularisation est possible

15.07.2021

Le Conseil d'État ouvre une voie de régularisation pour les DUP emportant mise en compatibilité de PLU et de POS. Le vice entachant l'avis environnemental rendu par la DREAL, autorité dépourvue d'indépendance à l'égard du préfet par ailleurs signataire de la DUP, peut être régularisé en sollicitant l'avis de la MRAe.

La déclaration d'utilité publique (DUP) emportant mise en compatibilité de PLU n'est pas un long fleuve tranquille. En témoigne le feuilleton judiciaire du projet de liaison intercantonale d’évitement nord (LIEN) de Montpellier, dont le contentieux est porté pour la seconde fois devant le Conseil d'État.

L'occasion pour la Haute juridiction de trancher l'affaire en ouvrant une voie de régularisation, non prévue par les textes, inspirée de dispositifs existants. Le Conseil d'État permet ainsi la régularisation d'un vice de procédure entachant la DUP emportant mise en compatibilité des PLU et des POS des communes traversées par le contournement routier (CE, 9 juill. 2021, n° 437634).

L'avis environnemental rendu par une autorité dépourvue d'indépendance

Dans cette affaire, les requérants invoquaient l'irrégularité de l'avis rendu par l'autorité environnementale, en ce qu'elle n'était pas suffisamment indépendante de l'autorité chargée d'autoriser la réalisation du projet. De fait, la DUP autorisant les acquisitions et travaux avait été signée par le préfet de région qui, en application de l'article R. 122-6 du code de l'environnement alors applicable, avait également rendu l'avis en matière d'environnement, après instruction par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) placée sous son autoriré.

Or depuis, la jurisprudence a établi que les directives européennes ont pour objet de garantir qu'une autorité compétente et objective en matière d'environnement soit  en mesure de rendre un avis sur l'évaluation environnementale des plans et programmes ou sur l'étude d'impact des projets susceptibles d'avoir un impact en matière d'environnement. Si leurs dispositions ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant qu'une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité et qu'elle dispose d'une autonomie réelle  (CE, 6 déc. 2017, n° 400559, Assoc. France nature environnement). Tel n'est pas le cas d'une DREAL, placée sous l'autorité hiérarchique du préfet de région, lorsque ce dernier est l'autorité compétente pour autoriser le projet (CE, 20 sept. 2019, n° 428274).

Un vice régularisable

Suivant les conclusions de la rapporteure publique, Sophie Roussel, et bien que les textes ne le prévoient pas, le Conseil d'État considère que ce vice est susceptible de régularisation. Il en précise les modalités en s'inspirant de dispositifs existants résultant notamment des articles L. 600-9  du code de l'urbanisme ou encore L. 191-1 du code de l'environnement.

Ainsi, lorsque saisi de conclusions dirigées contre un arrêté déclarant d'utilité publique et urgents des travaux et approuvant la mise en compatibilité de POS et de PLU, le juge « estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la modification de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ».

Consultation de la MRAe

Le vice entachant l'avis environnemental rendu par une entité dépourvue d'indépendance peut être régularisé par la consultation d'une autre entité répondant aux critères exigés par les directives européennes. En l'espèce, le juge écarte les dispositions illégales applicables à la date de la DUP et précise qu'il y a lieu de consulter la mission régionale d'autorité environnementale (MRAE) du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) de la région d'implantation du projet (dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue).

« Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette formation ne constituerait pas une entité administrative de l'Etat séparée de l'autorité compétente pour prendre l'arrêté attaqué, disposant d'une autonomie réelle la mettant en mesure de donner un avis objectif sur le projet qui lui est soumis dans le cadre de sa mission d'autorité environnementale ».

Le sens de l'avis rendu

Le juge envisage deux hypothèses selon le sens de l'avis qui sera rendu par la MRAE :

- soit il ne diffèrera pas substantiellement de celui qui a été porté à la connaissance du public en application de l'article L. 122-1 du code de l'environnement :  l'information du public sur le nouvel avis de l'autorité environnementale prendra alors la forme d'une publication sur internet, dans les conditions prévues à l'article R. 122-23 du code de l'environnement. Les mesures de régularisation devront être notifiées au Conseil d'État dans un délai de 3 mois à compter de l'arrêt ;

- soit l'avis de la MRAE diffèrera substantiellement de celui précédemment porté à la connaissance du public : dans ce cas, « des consultations complémentaires devront être organisées à titre de régularisation, dans le cadre desquelles seront soumis au public, outre l'avis recueilli à titre de régularisation, tout autre élément de nature à régulariser d'éventuels vices révélés par ce nouvel avis ». Le délai imparti pour notifier les mesures de régularisation au Conseil d'Etat est dans cette hypothèse porté à 9 mois.

Laurence GUITTARD, Dictionnaire Permanent Construction urbanisme

Nos engagements