Emploi des séniors : les pistes évoquées avec les syndicats

26.10.2022

Le ministère du travail dresse le bilan de deux semaines de concertations sur l'emploi des séniors, sujet primordial pour la prochaine réforme des retraites. Différentes pistes ont été évoquées avec les syndicats, notamment une évolution du compte personnel de prévention (C2P), l'index séniors ou encore un congé de reconversion professionnelle.

Le premier cycle thématique de concertation sur les retraites a commencé le 10 octobre dernier. Au menu des syndicats (hormis la CGT) et du ministère du travail : l'emploi des séniors et la prévention de l'usure professionnelle. Un sujet de taille car un recul de l'âge de départ en retraite risque d'augmenter la proportion de séniors sans emploi. Sur ce sujet, Olivier Dussopt et les partenaires sociaux partagent au moins un point de vue commun sur le constat.

Un constat : trop peu de séniors travaillent

La proportion de séniors en emploi est moins importante en France que dans le reste de l'Europe : seulement 33 % des personnes âgées de 60 à 64 ans travaillent. "Ce taux est en moyenne de 45 % dans l'Union européenne, et de 60 % en Allemagne ou en Suède", pointe le ministère du travail. Si les séniors ne sont que 33 % à travailler en France, c'est qu'ils sont soit déjà en retraite, soit inactifs et sortis du marché de l'emploi (10 % de la tranche 60-64 ans selon le ministère). Les conseillers d'Olivier Dussopt relèvent d'ailleurs "un pic de ruptures des contrats de travail à 59 ans, soit trois ans avant l'ouverture des droits à la retraite".

Par ailleurs, 40 % des départs en retraite sont réalisés avant l'âge légal (62 ans aujourd'hui). 22 % de ces départs se produisent sur le fondement du dispositif "carrières longues" qui permet de tirer sa révérence à 60 ans ou avant 60 ans si on a commencé à travailler avant 20 ans et sous conditions d'un minimum de trimestres cotisés. Une autre partie des départs est liée à l'invalidité ou l'inaptitude. Selon le ministère, "ces personnes rencontrent des difficultés pour poursuivre leur activité, elles on aussi une espérance de vie en retraite plus faible que le reste de la population".

Face à ce constat partagé entre ministère et syndicats, quelles solutions adopter ? Une évolution du compte personnel de prévention (C2P) a été abordée, ainsi qu'un congé de reconversion, l'index séniors ou encore la formation.

Vers une évolution du C2P ?

Selon le ministère du travail, le C2P (*) est aujourd'hui sous utilisé : si 1,8 million de Français ont des droits ouverts, ils ne sont que 12 000 à l'utiliser pour obtenir un départ anticipé en retraite. Les autres bénéficient de temps partiel ou de formations, mais à des niveaux confidentiels. D'où la question émergente de ces concertations : comment revoir le C2P pour maintenir les séniors dans l'emploi ?

Selon un conseiller d'Olivier Dussopt, il s'agirait de "le réorienter vers la formation au bénéfice d'un congé de reconversion, au travers de formations longues et qualifiantes, et de plus impliquer les branches dans l'identification des risques et la prévention de l'usure". Les syndicats ont également évoqué la possibilité d'en revoir les critères et d'identifier certains métiers plus à risques que d'autres. Le ministère aimerait en tout cas le détourner de sa principale utilisation : obtenir une retraite anticipée. Il fut également question avec les syndicats des droits octroyés via le C2P, et de la "prise en compte de critères économiques", sans entrer davantage dans les détails.

L'index séniors toujours à l'étude

Si les syndicats redoutent "une usine à gaz", la piste de l'index séniors déjà soulevée par Olivier Dussopt (lire notre brève) reste dans le champ des concertations. Le ministère veut en effet pousser les partenaires sociaux à se positionner sur les stéréotypes et la discrimination liés à l'âge. Il relève que "peu de propositions alternatives ont été proposées". Sans doute car les syndicats attendent que le ministère lève les ambiguïtés sur cet index, accusé d'être une simple réplique de l'index d'égalité hommes femmes, décrié comme peu efficace et trop complaisant à l'égard des employeurs. Quoi qu'il en soit, le sujet est toujours en cours d'instruction.

La formation à mi-carrière

La piste évoquée avec le ministère consiste à placer des formations en milieu de carrière, au même moment que la visite médiale de mi-carrière, organisée l'année des 45 ans du salarié. Un bilan de compétences pourrait aussi être proposé, au-delà de l'actuel rendez-vous gratuit de conseil en évolution professionnelle (CEP).

Enfin, parmi les pistes effleurées sans qu'on connaisse davantage de détails à cette heure, il fut question de fournir aux entreprises des exonérations de charges ou des aides à l'embauche de séniors. Au-delà de leur coût et de leur effet réel sur l'emploi, ces mesures risquent de ne pas faire l'unanimité : l'IRES à récemment évalué à 157 milliards d'euros le montant des aides publiques aux entreprises (lire notre article), aides dont on peut hélas douter de l'efficacité…

(*) Le C2P est le principal dispositif en France pour lutter contre l'usure professionnelle. Créé en janvier 2015 sous l'appellation "compte personnel de prévention de la pénibilité" (C3P), il permet aux salariés exposés à des conditions de travail pénibles d’acquérir des droits à des heures de formation, à du temps partiel ou à des trimestres de retraite. La suppression par Emmanuel Macron de quatre de ses dix critères avait créé la polémique en octobre 2017. Exit la manutention manuelle, le risque chimique, les postures pénibles et les vibrations mécaniques. Aujourd'hui, le C2P ne fonctionne plus qu'avec six critères : travail de nuit, travail en équipes alternantes, travail répétitif, activité en milieu hyperbare, bruit, températures extrêmes.

Marie-Aude Grimont

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