Evaluation de la mise en oeuvre de la loi sur le devoir de vigilance : un bilan d'application mitigé (1re partie)

16.03.2020

Le Conseil Général de l'Economie a établi un rapport dressant le premier bilan de l'application de la loi sur le devoir de vigilance. Mauvaise compréhension, mécanisme d'alerte défaillant... Les faiblesses, listées dans le rapport, sont encore nombreuses, mais des voies de progrès sont envisagées.

Des faiblesses persistantes
Une compréhension encore floue du devoir de vigilance

D’après le rapport du CGE, trop d’entreprises comprennent encore la vigilance comme un outil de protection de leur propre intérêt et ont donc des démarches tournées vers elles-mêmes et non vers les droits humains, l’environnement, la santé et la sécurité dans toute leur sphère d’influence.

Une visibilité et une lisibilité insuffisantes dans le rapport de gestion déjà touffu

Le plan de vigilance et le compte-rendu de sa mise en œuvre effective sont publics et inclus dans le rapport de gestion, ce qui lui confère une visibilité particulière mais mal connue du grand public. Si, pour les sociétés cotées, le document est souvent en ligne, la visibilité des rapports de gestion des sociétés non cotées est moindre et ils sont souvent difficiles à trouver. Dans la plupart des cas, des renvois vers d’autres obligations viennent encore complexifier la lecture.

Quel niveau de détail pertinent ?

L’élargissement et l’approfondissement du niveau de détail de plans de vigilance exposant la société aussi bien sur un plan juridique que médiatique, les entreprises ont tendance à retenir l’information, et les publications sont donc succinctes. Mais la loi ne précise pas le niveau de détail attendu et n’oblige donc pas à publier tout le détail opérationnel et local.

Un mécanisme d’alerte loin d’être au point

Le mécanisme d’alerte est souvent développé à partir de mécanismes existants, et reçoit donc des messages d’ordre très différents (réclamations de clients, problème de salariés avec leurs manager, etc. ;). D’autres entreprises proposent ainsi des mécanismes distincts, mais des difficultés persistent.

Exemple : c’est le cas lorsque l’entreprise est présente dans de nombreux pays où sont utilisées différentes langues : ou encore, lorsqu’une partie de la population ne maitrise pas l’écrit ou les outils numériques.

Enfin, trop souvent, les mécanismes d’alerte ne sont pas ouverts à l’externe, alors qu’ils devraient pourtant être accessibles à toutes les parties prenantes.

Renforcer le dialogue avec les organisations syndicales et les ONG

Le dialogue avec les parties prenantes est, selon le rapport, "le principal écueil d’application de la loi". Trop d’entreprises n’ont pas encore une culture suffisante du dialogue avec les parties prenantes externes, et la "posture conflictuelle des ONG" risquerait de bloquer le dialogue.

Quelles voies de progrès ?
Une montée en puissance de la vigilance des entreprises

Malgré ces lacunes, le rapport constate toutefois que depuis 2017, le devoir de vigilance semble s’imposer progressivement au sein des entreprises soumises à la loi. Il apparaît donc assez logique de penser que la maturité des entreprises va progresser à mesure que les bonnes pratiques s’installeront et se renforceront.

Remarque : des experts ont estimé qu’il fallait environ 3 ans pour aboutir à une bonne cartographie des risques ; aussi la démarche n’est-elle pas encore parfaitement aboutie.
Un renforcement des approches sectorielles et l’harmonisation des pratiques

Selon le rapport, les secteurs les plus exposés sont aussi ceux qui fournissent davantage d’efforts. Ainsi, le secteur de l’énergie ou des mines étant par nature propice aux abus dans les pays les moins démocratiques, de nombreuses entreprises s’étaient déjà engagées avant la loi sur le devoir de vigilance, en mettant par exemple en place des politiques spécifiques pour identifier les risques pesant sur les droits humains, ou en mettant en place des démarches communes par secteur.

Remarque : la mise en commun des audits fournisseurs d’un même secteur a ainsi tendance à se banaliser.

Une telle culture, rappelle le rapport, doit être encouragée car elle permet la mutualisation des efforts des entreprises et renforce la diffusion de la vigilance dans le monde.

Elise Le Berre

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