Fusions-acquisitions : l'AFA met à jour son guide pratique sur les vérifications anticorruption

19.03.2021

Le guide mis à jour par l'AFA rappelle les avantages et l’intérêt de réaliser des vérifications anticorruption dans le cadre des fusions-acquisitions, notamment en raison des risques susceptibles de résulter de ces opérations complexes, "dont la réalisation peut avoir des impacts financier, juridique et opérationnel significatifs".

L’Agence française anticorruption (AFA) a publié, le 12 mars 2021, une version actualisée de son guide pratique sur les vérifications anticorruption dans le cadre des fusions-acquisitions. La structure du document reste inchangée et conserve une division en trois parties :

  • les enjeux s’attachant aux vérifications anticorruption ;

  • la réalisation des vérifications anticorruption ;

  • l’intégration de la cible dans le dispositif anticorruption de la société acquéreuse ou absorbante.

Par cette actualisation, l’AFA rappelle les avantages et l’intérêt de réaliser des vérifications anticorruption dans le cadre des fusions-acquisitions, notamment en raison des risques susceptibles de résulter de ces opérations complexes, « dont la réalisation peut avoir des impacts financier, juridique et opérationnel significatifs » (Guide AFA, p. 12).

Intégration de l’arrêt du 25 novembre 2020 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation relatif à la responsabilité pénale des sociétés absorbantes

Il convient de noter que la principale modification de ce guide porte sur le récent arrêt du 25 novembre 2020 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation relatif à la responsabilité pénale des sociétés absorbantes (Cass. crim., 25 nov. 2020, n° 18-86.955).

Rappelons en effet que jusqu’à cet arrêt, en application du principe de personnalité des délits et des peines prévu à l’article 121-1 du code pénal, une société absorbante ne pouvait répondre des infractions pénales commises par la société absorbée avant l’opération de fusion (Cass. crim., 20 juin 2000, n° 99-86.742). Désormais, la Cour de cassation intègre la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 5 mars 2015, aff. C-343/13, Modelo Continente Hipermercados SA) et celle de la Cour européenne des droits de l’Homme (v. pièce jointe, CEDH, 24 oct. 2019, Carrefour France c. France, n° 37858/14) en considérant que la responsabilité pénale de la société absorbante est susceptible d’être engagée pour des faits constitutifs d’une infraction, commis par la société absorbée avant l’opération de fusion ou d’absorption. Une société absorbante pourrait ainsi être condamnée pénalement à une peine d’amende ou de confiscation. Toutefois, seules les sociétés entrant dans le champ d’application de la directive 78/855/CEE du Conseil du 9 octobre 1978 relative à la fusion des sociétés anonymes, codifiée en dernier lieu par la directive (UE) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sont concernées. En outre, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a tenu à préciser que cette nouvelle interprétation ne s’applique qu’aux opérations de fusion conclues postérieurement au 25 novembre 2020, et ce, « afin de ne pas porter atteinte au principe de prévisibilité juridique découlant de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’Homme » (Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 18-86.955. V. aussi notre article par E. Daoud et M. Biondo, La nouvelle responsabilité des sociétés absorbantes, 1er déc. 2020).

L’AFA profite ainsi de ce revirement de jurisprudence pour encourager la mise en oeuvre de vérifications anticorruption suffisamment précises et détaillées, permettant à la société acquéreuse d’apprécier efficacement le risque d’engagement de sa responsabilité juridique pour des faits, commis par la société cible, de corruption ou de manquements à l’article 17 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin II ». Comme dans la première version du guide, l’AFA traite non seulement de la responsabilité pénale, mais également de la responsabilité civile, ainsi que de la responsabilité administrative et l’application des sanctions prévues à l’article 17 de la loi Sapin II.

L’AFA insiste également sur l’importance de prendre en compte l’ensemble des législations applicables à la société cible et à la société acquéreuse puisque plusieurs législations peuvent être cumulativement applicables aux personnes physiques et morales qui seraient impliquées dans des faits de corruption.

Enjeu financier

De la même façon que dans la première version du guide, l’AFA mentionne l’avantage des vérifications anticorruption d’un point de vue financier. En effet, à côté du risque pour la société cible de se voir infliger des sanctions pénales pour des faits de corruption, ainsi que de l’impact réputationnel pour la cible et pour la société acquéreuse en cas de médiatisation d’une affaire de corruption, l’AFA ajoute que l’inexistence d’un dispositif anticorruption de la cible ou un dispositif lacunaire de la cible génère inévitablement des coûts importants de mise à niveau.

Ces éléments doivent ainsi être pris en compte dans la stratégie de la société acquéreuse puisqu’ils peuvent avoir une influence déterminante sur le prix de l’opération.

Mise à jour du guide à l’aune des nouvelles recommandations AFA

Par ailleurs, l’actualisation du guide prend également en compte les nouvelles recommandations AFA publiées le 12 janvier 2021.

À titre d’exemple, bien que l’AFA précise dans l’introduction de son nouveau guide que la loi Sapin II n’impose pas l’évaluation d’une société dont l’acquisition est envisagée au titre du pilier relatif à l’évaluation de tiers (l’article 17 II. 4° vise en effet des procédures d’évaluation de la situation « des clients, fournisseurs de premier rang et intermédiaires au regard de la cartographie des risques »), les nouvelles recommandations AFA préconisent d’inclure dans les dispositifs d’évaluation de l’intégrité des tiers d’autres catégories. En effet, il est recommandé de prendre en compte les catégories de tiers « avec lesquels l’entreprise peut être en relation ou vouloir entrer en relation », telles que ses cibles d’acquisition (Recommandations AFA, § 203).

En outre, le rôle de l’instance dirigeante est davantage mis en avant. Cela s’explique par le fait que les nouvelles recommandations de l’AFA réaffirment l’importance de l’engagement de l’instance dirigeante dans la mise en place du dispositif anticorruption. L’AFA relève en effet que l’instance dirigeante est un élément fondateur de la démarche de prévention et de détection de la corruption (Recommandations AFA, § 19 et § 96). Ainsi, la nouvelle version du guide pratique affirme que l’engagement de l’instance dirigeante en faveur d’une opération de fusion-acquisition est « essentiel à la bonne réalisation de celle-ci ». Pour ce faire, il est primordial d’allouer les moyens humains et financiers nécessaires à l’efficacité et à la pertinence des vérifications anticorruption (Guide AFA, p. 12).

Par ailleurs, le rôle du responsable de la fonction conformité dans le cadre des opérations de fusion-acquisition est également précisé. En effet, comme préconisé par les recommandations AFA, le responsable de la conformité doit être associé « à la mise en oeuvre des projets stratégiques et aux prises de décisions structurantes de l’entreprise ». Parmi ces projets et prises de décisions, les opérations de fusions-acquisitions sont expressément mentionnées (Recommandations AFA, § 110). De plus, dans le cas où un responsable des vérifications anticorruption serait désigné et serait différent du responsable de la conformité, ces derniers devraient collaborer ensemble et se coordonner afin d’assurer la bonne conduite du projet. À ce titre, le responsable des vérifications anticorruption doit informer « régulièrement le responsable de la conformité de l’avancée des vérifications anticorruption effectuées et de leur résultat » (Guide AFA, p. 12 et 13).

L’AFA aborde en outre le sujet de façon plus pédagogique en enrichissant son guide de scénarios de risques illustratifs, susceptibles de se réaliser à tous les stades de l’opération, à savoir :

  • dans le cadre des négociations préalables à l’opération ;

  • dans le cadre des vérifications anticorruption menées entre le signing et le closing ;

  • après le closing. Ces différents exemples permettent de faciliter la compréhension des risques liés aux opérations de fusion-acquisition et de pleinement prendre la mesure des avantages des vérifications anticorruption.

Les procédures de vérification anticorruption selon les étapes de l’opération de fusion-acquisition

Enfin, le guide actualisé reprend son approche opérationnelle des mesures anticorruption à mettre en place dans le cadre d’une fusion-acquisition. Ces mesures sont déclinées selon les trois stades de l’opération mentionnés supra ; ce qui permet de les appréhender plus efficacement (Guide AFA, p. 13 à 17).

Voir schéma en pièce jointe (Guide AFA, p. 13 à 17).

Emmanuel Daoud, Avocat au barreau de Paris, associé du cabinet VIGO, membre du réseau international d’avocats GESICA

Laurie Barbezat, Avocate au barreau de Paris, collaboratrice du cabinet VIGO, membre du réseau international d’avocats GESICA

Emmanuel Daoud, Avocat au barreau de Paris, associé du cabinet VIGO, membre du réseau international d’avocats GESICA

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