L'accord Syntec sur l'activité partielle de longue durée impose aux entreprises de ne pas faire de PSE et de ne pas augmenter les dirigeants

L'accord Syntec sur l'activité partielle de longue durée impose aux entreprises de ne pas faire de PSE et de ne pas augmenter les dirigeants

10.09.2020

Au terme d'une négociation entamée en juin, les partenaires sociaux de la branche Syntec (bureaux d'étude, numérique, etc.) ont trouvé un accord sur l'activité partielle de longue durée (APLD). Le texte prévoit une indemnisation plus favorable que le taux légal pour les salariés en activité partielle ainsi qu'un abondement de leur compte personnel de formation.

Après un premier accord cet été dans la métallurgie, c'est au tour des partenaires sociaux des bureaux d'étude et du numérique (convention n°1486) de signer un texte sur l'activité partielle de longue durée (APLD), un accord dont la durée est prévue jusque fin 2022 (1).

Ce dispositif permet aux entreprises de bénéficier d'un soutien public lorsque la réduction du temps de travail atteint jusqu'à 40% de la durée légale de travail, l'employeur recevant une allocation égale à 60% de la rémunération brute horaire, dans la limite de 4,5 fois le taux horaire du Smic (2).

Noël Lechat, qui a mené les discussions pour la CGT après avoir monté "une plateforme commune" de revendications avec la CFDT, se dit satisfait d'un accord qui a nécessité de nombreux échanges depuis le mois de juin : "Nous avons énormément travaillé sur le sujet", dit-il. Le syndicaliste estime le compromis trouvé bien plus favorable que celui passé dans la métallurgie, que ce soit sur l'indemnité complémentaire versée aux salariés, sur la prise en charge de leurs éventuelles formations ou encore sur l'absence de plans sociaux durant l'activité partielle.

De 70 000 à 100 000 emplois en jeu

Même écho dans la bouche de Michel de la Force, du FIECI / CFE-CGC : "Ce texte est adapté à la situation car la crise sanitaire risque de fragiliser les entreprises de notre secteur". La branche, dont les entreprises emploient 1 million de salariés, estime entre 6% et 7% la part des effectifs qui pourraient être menacés par la crise économique, soit 70 000 salariés, voire plus de 100 000 dans un scénario pessimiste.

La CFTC, la CFE-CGC, et la CGT signeront le texte qui sera donc majoritaire, la CFDT, qui devrait être favorable, et FO se prononçant aujourd'hui. "Cet accord comporte des avancées comme sur la formation mais nous aurions pu aller plus loin sur certains points comme l'indemnisation des salariés et l'emploi. Il aurait aussi fallu inciter les entreprises à négocier", regrette Nicolas Faintrenie, responsable des politiques de branche à la fédération FECFO.

Rappelons qu'un accord de branche sur l'activité partielle de longue durée permet à un employeur d'appliquer directement le dispositif à la condition qu'il établisse un document d'application de l'accord (lire notre article sur le décret de cet été et les ajustements à venir).

L'indemnité versée aux salariés

Concernant l'indemnité versée aux salariés se trouvant en activité partielle (plafonnée à 4,5 Smic, soit 6 927€ par mois), le texte prévoit trois niveaux, plus favorable que le minimum légal fixé à 70%. L'indemnisation sera garantie à hauteur de :

  • 98% pour les salariés ayant une rémunération mensuelle brute inférieure à 2 100€;
  • 80% entre 2 100€ et le plafond de la sécurité sociale;
  • 75% à partir du plafond de la sécurité sociale.

Noël Lechat souligne que les salariés se trouvant en intercontrat ne peuvent pas être inclus dans le dispositif d'activité partielle. Nicolas Faintrenie (FO) regrette que n'ait pas été acceptée la proposition de son syndicat d'un mécanisme lissant les effets de seuils.  "Pour 1 € de salaire de différence, la perte de salaire sera 10 fois plus importante pour certains. C'est dommage car cela va créer des tensions entre salariés", assure le syndicaliste.

Les formations abondées par la branche ou l'entreprise

La branche s'engage à former les salariés placés en activité partielle. Le salarié souhaitant suivre une formation doit mobiliser son compte personnel de formation (CPF) mais si ses droits sont trop faibles, "une dotation supplémentaire directement sur le CPF du salarié ou un abondement du projet visé par le salarié pourra être possible soit par la branche via les fonds mutualisés dits conventionnels, soit par l’entreprise via les fonds qui lui sont disponibles dont les versements volontaires".

Pas de bonus pour les dirigeants

L'article 6 prévoit des "efforts proportionnés" pour les "instances dirigeantes", un point que n'impose par le décret paru cet été mais que la CGT jugeait incontournable. Ainsi, "aucune augmentation ne peut être appliquée aux rémunérations fixes des dirigeants salariés de droit français ayant le statut de mandataires sociaux pendant les périodes de mise en oeuvre du dispositif spécifique d'activité partielle au sein de l'entreprise". Les salariés visés sont les gérants et cogérants des SARL, présidents et associés des SAS et ceux figurant sur la liste des dirigeants des entreprises cotées. Les partenaires sociaux jugent en outre "souhaitable" de "surseoir au versement de dividendes" pendant l'activité partielle.

Un document d'application type

C'est une première dans la branche : l'accord comporte en annexe un document type (voir pages 13 à 19 de l'accord en pièce jointe). "Il s'agit de faciliter la tâche aux entreprises qui souhaitent appliquer l'accord de branche en établissant un document d'application", commente Michel de la Force (FIECI, CFE-CGC). Ce document devra comprendre des informations sur le diagnostic économique, les activités et catégories de salariés concernés, la réduction maximale de l'horaire de travail, les conditions de mise en oeuvre de l'accord de branche, les modalités d'information des IRP, etc.

Pas de PSE

Dans l'article 8 concernant l'adaptation de l'accord de branche à l'entreprise, le texte indique clairement que les entreprises devront prendre "des engagements en matière d'emploi et de formation professionnelle en faveur des salariés concernés". A propos des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE), l'accord dit ceci : "Dans les établissements au sein desquels l'activité partielle de longue durée est mise en oeuvre, tout PSE est interdit pendant toute la période de mise en oeuvre" du dispositif. 

L'interdiction ne s'applique pas au plan de départs volontaires ni au ruptures conventionnelles collectives. Pourquoi ? "Parce qu'il s'agit de dispositions qui ne peuvent être mises en oeuvre sans accord collectif", nous répond Michel de la Force (FIECI CFE-CGC).

FO reste dubitative sur la formulation écrite de l'engagement à préserver l'emploi, Nicolas Faintrenie soulignant que cette disposition de l'accord semble ne viser que les salariés en activité partielle...

Le suivi par les IRP

L'employeur devra fournir au minimum tous les deux mois au CSE des informations sur le dispositif :

- le nombre de salariés concernés;

- l’âge, le sexe et la nature des contrats de travail (CDI, CDD...) des salariés concernés;

- le nombre mensuel d’heures chômées;

- les activités concernées;

- le nombre de salariés ayant bénéficié d'un accompagnement en formation professionnelle ;

- les perspectives de reprise de l’activité́.

Ajoutons pour finir que cet accord ne prévoit pas de dispositions spécifiques aux entreprises de moins de 50 salariés, le texte ayant vocation à s'appliquer à toutes les sociétés de la branche.

 

(1) L'accord utilise l'acronyme DSAP, comme "dispositif spécifique d'activité partielle".

(2) Selon le décret paru fin juillet, le taux devait ensuite baisser à 56%, ce qui explique pourquoi la branche du Syntec a négocié rapidement. Au vu des projets d'ajustement de ce texte, il semble que le taux sera maintenu à 60% au-delà du 1er octobre. Le dispositif est prévu pour durer jusqu'au 30 juin 2022.

 

Bernard Domergue

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