La loi visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte est entrée en vigueur le 1er septembre 2022

08.09.2022

La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin II », a créé le régime général de protection des lanceurs d’alertes. Celle du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte, est entrée en vigueur au 1er septembre et vient renforcer le régime.

Définition et critères de la protection du lanceur d’alerte

Loi Sapin II

Le régime général des lanceurs d’alerte est prévu par les articles 6 à 15 de la loi Sapin II et il est précisé par un décret du 19 avril 2017 relatif aux procédures de recueil des signalements émis par les lanceurs d’alerte au sein des personnes morales de droit public ou de droit privé ou des administrations de l’État.

Est considérée comme lanceur d’alerte :

  • toute personne physique (citoyen, agent public ou salarié),

  • désintéressée et

  • de bonne foi,

  • signalant ou révélant :

    • un crime ou un délit,

    • une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou

    • une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance.

Les personnes morales (associations, syndicats ou entreprises) sont par conséquent exclues de cette définition et ne peuvent pas bénéficier de ce régime de protection spécifique.

Apports de la loi du 21 mars 2022

La loi du 21 mars 2022 prévoit une nouvelle définition du lanceur d’alerte :

  • une personne physique,

  • qui signale ou divulgue,

  • sans contrepartie financière directe et

  • de bonne foi,

  • des informations portant sur

    • un crime, un délit,

    • une menace ou un préjudice pour l’intérêt général,

    • une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement.

Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance.

Ainsi, les modifications suivantes vont désormais s’appliquer :

  • suppression de la condition de désintéressement ;

  • suppression de l’exigence d’un caractère « grave et manifeste » ;

  • suppression de la condition de « connaissance personnelle » des faits signalés dans le cas où le lanceur d’alerte signale des faits qui lui ont été rapportés dans un contexte professionnel.

  • création de la condition d’absence de contrepartie financière directe.

La nouvelle loi crée le statut de « facilitateur » qui permet d’octroyer un statut protecteur aux personnes concernées, à savoir toute personne physique ou toute personne morale de droit privé à but non lucratif qui aide un lanceur d’alerte à effectuer un signalement ou une divulgation.

Ainsi, les proches et collègues du lanceur d’alerte ou les organisations syndicales et associations soutenant les lanceurs d’alerte pourront bénéficier des mêmes protections que celles accordées à ces derniers.

Procédures de signalement

Signalement gradué de la loi Sapin II

La loi Sapin II impose, pour bénéficier du statut de lanceur d’alerte, qu’une procédure de signalement graduée en trois paliers soit respectée.

  • Premier palier : le signalement doit être porté à la connaissance du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par celui-ci.

  • Deuxième palier : à défaut de diligences, le signalement est adressé à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels.

  • Troisième palier : si dans un délai de 3 mois aucune diligence n’a eu lieu, le signalement peut être rendu public.

Exception : en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles, le lanceur d’alerte a la possibilité de se rapprocher directement des autorités ou de la société civile.

Abolition du signalement gradué par la loi du 21 mars 2022

La nouvelle procédure de signalement abolit la hiérarchie entre le canal de signalement interne et externe et prévoit que le lanceur d’alerte peut :

  • contacter directement un supérieur hiérarchique, l’employeur ou un référent désigné par celui-ci ;

  • utiliser un canal externe.

La divulgation au public est toutefois circonscrite à trois cas de figure :

  • en cas de défaut de traitement du signalement par l’autorité saisie ;

  • en cas de danger grave et imminent pour l’intérêt général ;

  • si le signalement aux autorités compétentes soulève des difficultés de deux ordres :

    • il fait courir des risques de représailles à son auteur ;

    • il ne permet pas de remédier efficacement à l’objet de la divulgation en raison des circonstances particulières de l’affaire : risques de destruction/dissimulation de preuve ou risques de conflits d’intérêts de l’autorité.

Obligations attachées au statut du lanceur d’alerte

Assurer la protection du lanceur d’alerte

La loi Sapin II oblige les organismes suivants à mettre en place un dispositif d’alerte interne :

  • toute organisation publique ou privée d’au moins 50 employés ;

  • toute entreprise d’au moins 500 salariés et dont le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 100 millions d’euros ;

  • les communes de plus de 10 000 habitants ;

  • les départements et régions.

Les dispositifs d’alerte mis en place doivent garantir la stricte confidentialité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement.

Sanctions en cas de non-respect de la protection du lanceur d’alerte

La divulgation des informations confidentielles est punie de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende (article 9 de la loi Sapin II).

Tout comportement équivalent à un obstacle à la transmission d’un signalement est puni d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende (article 13 de la loi Sapin II).

L’amende civile en cas de procédure abusive en diffamation contre un lanceur d’alerte s’élève à 60 000 euros, sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts. Une peine complémentaire d’affichage ou de diffusion de la décision est désormais prévue (article 13 de la loi Sapin II, modifié par l’article 9 de la loi du 26 mars 2022).

Interdiction des mesures de représailles

Il est fait interdiction aux employeurs de prendre des mesures de représailles contre les lanceurs d’alerte. La charge de la preuve pèse sur l’employeur.

L’assistance financière

La loi du 21 mars 2022 autorise le lanceur d’alerte à :

  • demander au juge de lui allouer, à la charge de l’autre partie, une provision pour frais de l’instance ou,

  • lorsque sa situation financière s’est gravement dégradée en raison du signalement ou de la divulgation publique, une provision visant à couvrir ses subsides.

Sur l’obtention illicite de documents

La loi modifie l’article 122-9 du code pénal. Ainsi, le lanceur d’alerte qui aurait obtenu légalement des informations n’est pas pénalement responsable s’il soustrait, détourne ou recèle les documents ou tout autre support contenant ces informations.

Cette protection est étendue aux complices et facilitateurs.

Les personnes ayant signalé ou divulgué publiquement des informations dans les conditions qui viennent d’être exposées ne sont pas civilement responsables des dommages causés du fait de leur signalement ou de leur divulgation publique dès lors qu'elles avaient des motifs raisonnables de croire, lorsqu'elles y ont procédé, que le signalement ou la divulgation publique de l'intégralité de ces informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause.

Emmanuel Daoud, Avocat au Barreau de Paris, associé du cabinet Vigo, membre du réseau international d’avocats GESICA, administrateur du Cercle de la compliance

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