Le «say on climate» n’implique pas de changement réglementaire

03.02.2023

Dans un rapport publié le 25 janvier, le HCJP estime que le dépôt de résolutions climatiques est parfaitement compatible avec l’environnement réglementaire. La définition de bonnes pratiques par la soft law est, selon lui, la voie à suivre.

Si les résolutions climatiques sont souvent médiatiques, elles demeurent pour l’heure très marginales : seules dix ont été déposées en 2022 par les conseils d’administration, contre trois en 2021. Leur développement est-il freiné par un environnement réglementaire pas adapté ? Absolument pas selon le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris (HCJP) qui vient de publier un rapport sur ce thème. Face aux divergences d’opinions, voire aux tensions, qui opposent parfois les émetteurs et leurs actionnaires sur la validité ou non de ces résolutions, la Direction Générale du Trésor a demandé au HCJP de trancher. Et la réponse est sans équivoque : « Les textes existants n’empêchent absolument pas le développement du say on climate, affirme l’ancien président de chambre honoraire à la Cour de cassation, Alain Lacabarats, qui a dirigé le groupe de travail.  Selon le code de commerce, la détermination de la politique climatique relève de la compétence du conseil d’administration. Ce dernier peut parfaitement solliciter l’avis des actionnaires, dès lors que ce vote est consultatif. » 

Le rapport souligne en effet que « le conseil d’administration ne se dessaisit (…) d’aucune de ses compétences au profit de l’assemblée générale quand bien même le conseil d’administration s’engagerait à réviser sa stratégie en fonction de cet avis. » De même, la validation de la politique environnementale lors du vote « ne modifie en rien le régime juridique de responsabilité du conseil d’administration, en l’allégeant, ou des actionnaires, en le renforçant.»

Des pratiques à encadrer par la soft law

Une modification des textes apparait donc inutile pour les experts qui relèvent que les pays étrangers n’ont pas fait évoluer leur législation. Les auteurs encouragent toutefois les entreprises à faire preuve de plus de précisions dans la rédaction de leur résolution, suggérant l’introduction de bonnes pratiques dans les codes de gouvernance de l’Afep-Medef et de l’AFG.

« La réglementation environnementale est en pleine évolution, en particulier sous l’impulsion du droit européen qui renforce les obligations des entreprises en la matière, relève Alain Lacabarats. Il nous semble donc prématuré d’établir un cadrage en droit français. Recourir à la soft law permet en outre d’affiner une pratique encore nouvelle.».

Outre l’affirmation du principe d’un vote sur la politique environnementale, les codes de gouvernance pourraient inviter les conseils d’administration à distinguer « des objectifs arrêtés par rapport à de simples ambitions/intentions moins engageantes », en détaillant l’horizon de temps et les indicateurs utilisés et expliciter les conséquences d’un vote négatif.

La procédure accélérée au fond pour les litiges

Le rapport s’est aussi penché sur la question du règlement des conflits. Au printemps dernier, le refus de TotalEnergies d’inscrire à l’ordre du jour de son assemblée générale une proposition de résolution déposée par un groupe d’actionnaires avait fait grand bruit. Le géant tricolore s’était justifié affirmant que cette résolution « contreven(ait) aux règles légales de répartition des compétences entre les organes de la société », suivant une position similaire de Vinci en 2020.

Sur ce point, le HCJP réaffirme le droit des actionnaires de déposer un projet de résolution (sous réserve que les conditions de détention de capital soient remplies), tout en précisant que le conseil d’administration peut rejeter la demande si la résolution « vise à soumettre à l’assemblée générale une décision qui ne relève pas de sa compétence ». Les auteurs estiment ainsi que

« le fait d’imposer au conseil l’inclusion de certains éléments, par exemple des objectifs déterminés (notamment pour qu’ils soient compatibles avec l’Accord de Paris), dans la stratégie qu’il lui appartient seul d’arrêter (…) pourrait vraisemblablement caractériser un tel empiétement sur ses pouvoirs propres permettant aux émetteurs de refuser l’inscription de telles résolutions. »

Autant de contentieux potentiels qui nécessiteraient une réponse appropriée. « Aujourd’hui en cas de litige, les actionnaires peuvent saisir le tribunal de commerce au fond en demandant l’annulation des délibérations de l’assemblée générale, rappelle Alain Lacabarats. Mais cette décision intervient a posteriori et ne répond donc pas à la demande d’inscription de la résolution à l’ordre du jour. Le juge des référés peut également être saisi mais il ne peut ordonner que des mesures provisoires. Il est par ailleurs empêché d’agir en cas de contestations sérieuses sur le droit des parties, ce qui s’avère assez fréquent. »

Pour pallier à ces manquements, le comité préconise d’appliquer la procédure accélérée au fond. « Cette procédure présente l’avantage de ne pas être un simple référé, explique le magistrat. Elle permet d’obtenir une décision sur le fond, et ce, dans un délai très rapide, compatible avec l’agenda des assemblées générales. » Une proposition qui fait écho à celle de l’Association française des investisseurs institutionnels (AF2i) qui milite auprès de Bercy afin de pouvoir, dans de tels cas, saisir le tribunal de commerce via une procédure accélérée.

Coralie Bach

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