Le Conseil constitutionnel valide le passe vaccinal

Le Conseil constitutionnel valide le passe vaccinal

23.01.2022

Le Conseil constitutionnel a validé vendredi 21 janvier l’essentiel du projet de loi sur le passe vaccinal. Il considère que le texte est conforme à l’exigence de protection de la santé. Une seule disposition est censurée : celle qui permettait aux organisateurs de réunions politiques de demander un passe sanitaire aux participants.

Le passe vaccinal entre donc bien en vigueur aujourd’hui, lundi 24 janvier, comme l’avait annoncé Jean Castex lors de sa conférence de presse (lire notre brève). Le Conseil constitutionnel a en effet validé l’immense majorité des articles du projet de loi. La loi finale a été publiée hier au Journal officiel, ainsi qu'un décret (textes en pièces jointes). Aux yeux des Sages, les objectifs poursuivis par le législateur sont conformes au principe de valeur constitutionnelle de protection de la santé.

Le passe vaccinal est conforme au principe de protection de la santé

Les juges estiment qu’en adoptant le passe vaccinal, le législateur a entendu permettre aux pouvoirs publics de lutter contre l’épidémie. Le Conseil relève par ailleurs que « les mesures permises par les dispositions contestées ne peuvent être prononcées que jusqu'au 31 juillet 2022, période durant laquelle le législateur a estimé (…) que persisterait un risque important de propagation de l'épidémie ». De ce fait, les juges considèrent que le fait de mettre fin aux mesures quand elles ne seront plus nécessaires est adéquat au regard de l’objectif poursuivi, à savoir la protection de la santé publique.

En prévoyant l’application du passe dans les foires, salons, séminaires, transports, grands magasins, centres commerciaux et restaurants, le gouvernement a réservé son application à des lieux où se trouvent en même temps un grand nombre de personnes, et donc qui présentent un risque accru de contagion. En posant les exceptions de la restauration collective, de la vente à emporter et de la restauration routière et ferroviaire, le gouvernement a correctement limité l’application du passe aux lieux qui présentent un risque de diffusion du virus, poursuit le Conseil.

Les juges ont également noté les garanties et exceptions apportées par le projet de loi, selon eux suffisantes, à savoir :

  • l’accès libre aux biens et services de première nécessité,
  • les cas d’urgence,
  • les motifs impérieux et d’ordre familial et de santé,
  • les cas de contre-indication au vaccin.

De plus, selon les juges, les activités politiques, syndicales et cultuelles demeurent exclues du passe qui est circonscrit aux activités de loisirs.

Le passe vaccinal ne constitue donc pas pour le Conseil constitutionnel une obligation de vaccination déguisée, « eu égard à la nature des lieux et des activités qui y sont exercées ».

Également validé, le « super passe » permettant au Premier ministre d’exiger dans certains cas (notamment les lieux à très hauts risques comme les stades, les boîtes de nuit ou les salles de concert) un passe vaccinal assorti d’un test négatif. Cette mesure poursuit elle aussi un objectif constitutionnel de protection de la santé. En revanche, précisent les juges, elle ne saurait, s'appliquer aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux sans méconnaître la liberté d'aller et de venir.

Enfin, le Conseil valide l’application du passe à partir de 16 ans, dans la mesure où « le législateur a pu estimer, en l'état des connaissances scientifiques dont il disposait, que les mineurs de plus de seize ans sont, comme les majeurs, vecteurs de la diffusion du virus ».

L’application du passe aux salariés et agents publics est justifiée

A propos de l’application du passe aux salariés et agents publics, celle-ci est limitée « à certains lieux où sont exercées des activités qui mettent en présence simultanément un nombre important de personnes en un même lieu et présentent ainsi un risque accru de propagation du virus », observe le Conseil. Le passe ne devant s’appliquer « uniquement lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l'exercice de leur activité professionnelle le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue », il appartient au gouvernement de le restreindre aux seules personnes qui occupent les postes concernés et qui se trouvent exposées au virus. Enfin, le projet de loi prévoit que le passe ne s’applique pas aux salariés et agents qui présentent des contre-indications au vaccin. Pour l’ensemble de ces raisons, les juges estiment que l’application du passe vaccinal aux salariés et agents publics visés par le projet de loi est conforme à la Constitution.

Le passe sanitaire ne peut être exigé aux réunions politiques

Le Conseil rappelle que « la liberté d'expression et de communication, dont découle le droit d'expression collective des idées et des opinions, est d'autant plus précieuse que son exercice est une condition de la démocratie ». Les atteintes à cette liberté doivent donc être nécessaires, adaptées et proportionnées. Si le législateur poursuit toujours bien l’objectif constitutionnel de protection de la santé, le Conseil signale que le texte ne prévoit pas « la condition que le passe sanitaire soit exigé dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre l'épidémie de covid-19, ni à celle que la situation sanitaire les justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, ni même à celle que ces mesures soient strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ».

En un mot, l’encadrement du passe sanitaire dans les réunions politiques n’est pas suffisamment encadré. C’est pourquoi le Conseil déclare ces dispositions contraires à la Constitution.

Le contrôle d’identité ne viole pas la vie privée et ne confère pas de missions de police administrative

Dans la mesure où le contrôle d’identité prévu par le projet de loi ne vise qu’à vérifier la concordance entre les éléments du passe et du document d’identité, le Conseil juge que cela ne confère pas aux exploitants d’établissements recevant du public des compétences de police administrative générale inhérentes à l’exercice de la « force publique ». Une fois de plus, l’objectif de protection de la santé publique lui semble justifier l’adoption d’un tel contrôle. Il rappelle également que le contrôle ne peut avoir pour autre conséquence que l’impossibilité pour elle d’accéder à ce lieu. Par ailleurs, les exploitants ne pourront pas conserver ni réutiliser les informations figurant sur le passe ni sur la pièce d’identité, sous peine de sanctions pénales. Le principe de respect de la vie privé est donc selon lui respecté. Attention cependant, la vérification ne pourra se fonder que « sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes ».

Les sanctions du contrôle d’identité sont elles aussi validées : « Au regard de la nature du comportement réprimé, les peines instituées par les dispositions contestées ne sont pas manifestement disproportionnées ». Le principe de la proportionnalité des délits et des peines est donc respecté selon le Conseil constitutionnel.

Le système de repentir ne crée pas de discrimination

Le projet de loi prévoit que les poursuites s’éteignent si dans un délai de 30 jours, le contrevenant au passe vaccinal justifie avoir reçu une dose de vaccin. Pour les membres du Conseil, ces dispositions s'appliquent à toute personne ayant commis l'une des infractions visées, quelle que soit la procédure mise en œuvre à son encontre. Elles n'instaurent donc en elles-mêmes aucune distinction entre les justiciables. De plus, elles ne s’appliquent pas aux personnes justifiant d’une contre-indication au vaccin.

 

► Nous reviendrons dans une prochaine édition sur le contenu de la loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire. 

Marie-Aude Grimont

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