Le Medef et la CFDT demandent au gouvernement de fournir davantage de vaccin aux services de santé au travail

Le Medef et la CFDT demandent au gouvernement de fournir davantage de vaccin aux services de santé au travail

03.05.2021

Dans une conférence de presse commune à Paris, les dirigeants du Medef et de la CFDT ont réclamé lundi 3 mai que davantage de doses soient accordées aux services de santé au travail (SST) afin que ceux-ci vaccinent beaucoup plus de salariés. Geoffroy Roux de Bézieux et Laurent Berger ont également critiqué la liste des travailleurs prioritaires pour la vaccination dressée par le gouvernement, beaucoup trop limitative à leurs yeux.

Depuis le début de la pandémie, la médecine du travail a procédé à environ 409 000 injections de vaccins contre la Covid-19, dont seulement 43 000 injections ont été opérées par les 1 500 médecins des 225 services de santé au travail (SST) en France. En Ile-de-France, par exemple, le Centre médical interentreprises Europe (CMIE) a vacciné seulement 3 060 salariés, dont 1 867 salariés vaccinés en Ehpad, hôpitaux et cliniques, 403 salariés vaccinés dans les entreprises et 790 salariés vaccinés dans les centres du SST. Il s’agit pourtant d’un des plus gros centres français de santé au travail : ses 311 collaborateurs (dont 80 médecins et 46 infirmiers) suivent, dans 19 centres dont celui de la rue de Clichy, à Paris, pas moins de 380 000 salariés.

Pourquoi le CMIE n’a-t-il pas immunisé davantage de salariés ? Claudine Sulitzer, sa présidente, avance plusieurs raisons. La réticence de certains salariés à accepter l’AstraZeneca (proposé à partir de 55 ans) a certes joué, de même que la difficulté à toucher des salariés isolés ou mobiles (comme les travailleurs du nettoyage). Mais c’est la liste limitative des publics que les SST sont autorisés par le gouvernement à traiter et, surtout, la distribution parcimonieuse des vaccins, qui ont véritablement freiné la campagne, les SST ne bénéficiant d’aucune dose de vaccin messager ARN.

Seulement 60 000 salariés éligibles sur 380 000 

Concernant la liste des travailleurs que le SST francilien peut traiter, elle s’avère de facto toujours très limitée : environ 60 000 des 380 000 salariés suivis sont éligibles, car ils sont âgés d'au moins 55 ans (Ndlr : jusqu’au 14 avril, seuls étaient éligibles les 55 ans et plus avec comorbidités, type diabète, asthme, problèmes cardio-vasculaires, et depuis le 14 avril, tous les 55 ans et plus sont éligibles, même sans comorbidité, mais cela reste beaucoup plus restrictif que les dernières consignes nationales, voir notre encadré). "C’est une population bénéficiaire très restreinte", regrette Claudine Sulitzer.  

Nous n'avons que trop peu de doses dans les services de santé au travail 

 

Quant à l’accès au vaccin, il reste difficile pour les SST. "Nous sommes considérés, nous les SST,  comme si nous étions des praticiens individuels. Nous recevons donc très peu de doses, de l’ordre d’une fiole de 10 doses par praticien par semaine. Désormais, nous recevons du Janssen. Mais nous n’en avons eu que 125 doses cette semaine, ce qui est très insuffisant et ne représente que 300 vaccinations par semaine", détaille la présidente du CMIE. Cette dernière estime que ses équipes seraient pourtant en mesure de vacciner 163 000 personnes en 3 mois, en tenant compte des autres missions que les services de santé au travail continuent de remplir. Si l’on multiplie cette estimation par le nombre de SST en France (225), cela représenterait donc un effort non négligeable au plan national.

L'impatience grandit

D’autant que l’impatience grandit chez les salariés et dans les entreprises. "Les salariés ont tous envie de vivre et travailler un peu plus normalement", observe Laurent Berger. Le secrétaire général de la CFDT rapporte que 84% des salariés sondés par son syndicat (1) se disent prêts à être vaccinés sur leur temps de travail et par un service de santé au travail. "Les services de santé devraient être bien davantage sollicités. Le gouvernement devrait leur faire confiance", insiste le syndicaliste.

Il faut élargir le public éligible 

 

"Il faut élargir le public éligible", revendique également Geoffroy Roux de Bézieux. Pour le président du Medef, la liste des 20 métiers représentant 400 000 travailleurs considérés comme prioritaires à la vaccination (lire notre article) n’est ni fait ni à faire. "Nous sommes opposés à cette liste car le nombre de salariés exposés à des interactions sociales est beaucoup plus important", soutient Geoffroy Roux de Bézieux. "Certaines de nos fédérations se plaignent d’avoir été oubliées dans cette liste. C’est le cas par exemple des marins au long cours", renchérit Laurent Berger.

Les deux hommes, qui ont pris l’initiative de cette conférence de presse en duo afin de faire bouger le gouvernement sur le sujet, et qui appellent tous deux les employeurs à laisser les salariés pouvoir se faire vacciner sur le temps de travail, saluent au passage l’initiative du service de santé au travail d’Ajaccio qui a, en accord avec l’agence régionale de santé, organisé un centre de vaccination mobile pour toucher les travailleurs isolés. Un exemple à suivre pour les travailleurs du nettoyage par exemple ?

(1) Voir notre article sur l'’enquête de la CFDT

 

Une stratégie vaccinale évolutive...

La stratégie vaccinale de la France n'a cessé d'évoluer ces derniers jours. Désormais, tout adulte de plus de 18 ans souffrant de comorbidités (obésité, hypertension, diabète, insuffisance rénale, asthme, cancer, voir la liste ici) peut, depuis le 1er mai, se faire vacciner. Et ce sans avoir à présenter une prescription médicale, a précisé le ministère de la Santé. 

A partir du 15 juin, a promis le président de la République, toute personne de plus de 18 ans et plus pourra également se faire vacciner.

Ces annonces résultent sans doute de l'exaspération croissante de personnes non éligibles qui souhaitent se faire vacciner, d'un meilleur approvisionnement des vaccins, mais aussi de la volonté de l'exécutif de tenir les promesses de retour à la vie normale en 4 étapes formulées jeudi par le président de la République, sans pour autant déclencher une nouvelle vague épidémique, ce que redoutent les médecins. 

► Le site "vitemadose officiel" permet de rechercher, sous réserve d'être éligible à la vaccination, les centres de vaccination proches de son domicile et les disponibilités pour la vaccination.

 

Bernard Domergue

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