Le nouveau Ceseda est applicable

03.05.2021

Depuis le 1er mai 2021, la nouvelle version du Ceseda, issue d'une ordonnance et d'un décret du 16 décembre 2020, s'applique pour tous les actes et à toutes les procédures en droit des étrangers. Premier tour d'horizon de cette petite révolution pour les professionnels de la matière, avant la publication d'un bulletin spécial dans le courant du mois de juin.

A l’occasion de la loi du 10 septembre 2018 (L. n° 2018-778, 10 sept. 2018, art. 52 : JO, 11 sept.), le législateur a autorisé le gouvernement à procéder, par ordonnance, à une nouvelle rédaction de la partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), créé en 2004 et entré en vigueur en 2005, « afin d’en aménager le plan, d’en clarifier la rédaction et d’y inclure les dispositions d’autres codes ou non codifiées relevant du domaine de la loi et intéressant directement l’entrée et le séjour des étrangers en France ».

Cette ordonnance (Ord. n° 2020-1733, 16 déc. 2020) et son pendant réglementaire (D. n° 2020-1734, 16 déc. 2020), publiés au Journal officiel du 30 décembre 2020, portent respectivement parties législative et réglementaire du nouveau code. Ils sont entrés en vigueur le 1er mai 2020.

Remarque : ces textes ont d’ores et déjà fait l’objet de plusieurs rectificatifs (publiés au Journal officiel des 27 février et 24 avril 2021) et d’une « correction d’oubli » (D. n° 2021-520, 29 avr. 2021). Plusieurs textes sont par ailleurs venus modifier l’état du droit avant (D. n° 2021-481, 21 avr. 2021 ; D. n° 2021-274 11 mars 2021 ; D. n° 2021-313, 24 mars 2021 ; Arr. 29 avr. 2021, NOR : INTV2112778A) ou après (Arr. 30 avr. 2021, NOR : INTV2112777A) leur entrée en vigueur, avec pour conséquence d’y ajouter de nouveaux articles. Il convient donc de se reporter au code consolidé, et non aux versions initiales des textes publiés au Journal officiel du 30 décembre 2020.

Par conséquent, depuis cette date, les demandes adressées à l’administration, les actes administratifs et les décisions juridictionnelles doivent viser les nouvelles dispositions du Ceseda, les précédentes étant réputées abrogées.

Remarque : les recours et décisions relatifs à des décisions administratives adoptées avant l’entrée en vigueur du nouveau code restent évidemment régis par les dispositions de l’ancien Ceseda.

Une « recodification » à droit constant ?

Cette « recodification », rendue nécessaire par l’accumulation des réformes depuis plus de quinze ans, est prévue « à droit constant ».


Si cette promesse de ne pas modifier l’état du droit semble, dans l’ensemble, avoir été respectée, il faut toutefois rappeler que l’habilitation offrait la possibilité au gouvernement de faire évoluer la partie législative du code pour :

  • « assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes » (en déclassant, par exemple certains articles de la partie législative à la partie réglementaire ou, à l’inverse en « remontant » certains articles réglementaires dans la partie législative, v. plus loin) ;

  • « harmoniser l’état du droit » (en prenant en compte la jurisprudence ayant remis en cause certaines règles, par exemple s’agissant des conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile, v. plus loin) ;

  • « remédier aux erreurs et insuffisances de codification » ;

  • « abroger les dispositions, codifiées ou non, obsolètes ou devenues sans objet » (comme cela est le cas pour l’ancien livre IX de l’ancien code, consacré au codéveloppement, v. plus loin).


Par ailleurs, aucune règle ne faisait obstacle à une évolution des règles relevant du pouvoir réglementaire. Mais, là encore, il semble (le diable se cachant parfois dans les détails) ne pas y avoir eu de changements majeurs au-delà des autorisations accordées pour la modification de la partie législative.

Remarque : beaucoup de voix, associatives notamment, critiquent le résultat de cette refonte, considérant que des conditions de fond ont été parfois été modifiées. La Direction générale des étrangers en France assure pour sa part que les conditions de l’habilitation ont été strictement respectées et que le choix de la cohérence a été fait s’agissant de la partie réglementaire. Alors que pas moins de 1054 références (articles ou alinéas) dans la partie législative et 1242 dans la partie réglementaire ont été recodifiées, certains transferts ou changements rédactionnels peuvent donner l’impression de changements substantiels. Par ailleurs des erreurs, a priori anodines, peuvent s’être glissées et avoir changé le droit applicable (à titre d’exemple, l’exigence de notification par voie administrative des décisions refusant un délai de départ volontaire a disparu, et n’est maintenu que pour les décisions de retrait des délais antérieurement accordés). C’est en définitive l’usage du nouveau « code des étrangers » qui révèlera, au cas par cas, les scories inhérentes à ce travail de recodification. Étant précisé que, dès lors que la loi d’habilitation a imposé une recodification à droit constant, il y aura toujours lieu d’interpréter les dispositions litigieuses à la lumière des dispositions de l’ancien code.

Une présentation et une rédaction clarifiées

Nouvelle structure

Le nouveau code des étrangers est désormais présenté en huit livres aux intitulés identiques dans chaque partie.

Ainsi, après un livre Ier dédié à des dispositions générales et un second consacré aux citoyens de l’Union européenne (v. ci-dessous), le code présente les règles applicables dans un ordre procédural chronologique (entrée, séjour, éloignement, sanction), ce qui correspond à la structure de l’ancien code à ceci près que les développements relatifs à l’asile (ancien livre VII) sont désormais et logiquement intercalés entre le séjour (nouveau livre IV) et l’éloignement (nouveau livre VI) et que les différents chapitres de l’ancien livre VII (protection temporaire, apatridie, outre-mer) sont intégrés dans chacun des livres dédiés.

La structure du nouveau code est donc désormais la suivante, tant pour la partie législative que pour la partie réglementaire :

Livre Ier « Dispositions générales »

articles L. 110-1 à L. 158-2 et articles D. 110-1 à D. 157-3

Livre II « Dispositions applicables aux citoyens de l’Union européenne et aux membres de leur famille »

articles L. 200-1 à L. 286-2 et article R. 210-1 à R. 286-2

Livre III « Entrée en France »

articles L. 310-1 à L. 367-6 et articles R. 311-1 à D. 366-6

Livre IV « Séjour en France »

articles L. 410-1 à L. 446-5 et articles R. 410-1 à D. 446-6

Livre V « Droit d’asile et autre protections internationales »

articles L. 510-1 à L. 597-1 et articles R. 510-1 à R. 597-3

Livre VI « Décisions d’éloignement »

articles L. 610-1 à L. 656-2 et articles R. 610-1 à R. 656-3

Livre VII « Exécution des décisions d’éloignement »

articles L. 700-1 à L. 767-1 et articles R. 710-1 à R. 766-3

Livre VIII « Contrôles et sanctions »

articles L. 810-1 à L. 837-4 et articles R. 810-1 à R. 836-3


Les dispositions générales introductives (livre Ier) comprennent les dispositions statutaires des établissements publics impliqués dans la politique d’immigration et d’asile (Office français pour l’immigration et l’intégration, Office français pour la protection des réfugiés et des apatrides, Cour nationale du droit d’asile), les dispositions relatives aux interprètes-traducteurs et aux différents traitements de données à caractère personnel (qui font aussi l’objet des nouvelles annexes) ainsi que les dispositions relatives au transport des étrangers placés ou maintenus en zone d’attente ou en rétention administrative.


Consacré à l’entrée sur le territoire, le livre III reste proche, dans sa présentation, de l’ancien livre II (conditions d’admission, interdiction administrative du territoire, contrôle aux frontières et refus d’entrée, zones d’attente, asile à la frontière).


A contrario, l’organisation des règles relatives au séjour (livre IV) évolue avec, d’un côté, après quelques dispositions générales, une présentation regroupant les titres de séjour par motifs (professionnel, études, familial, protection internationale, humanitaires, et divers), et d’un autre, la procédure administrative (demandes, refus, retrait, renouvellement, dispositions fiscales). Le regroupement familial ne fait plus l’objet d’un traitement différencié, mais intègre le livre consacré au séjour ; seul son régime procédural faisant l’objet d’un chapitre dédié (chapitre IV) dans la partie « procédure administrative ».


Les dispositions relatives à l’éloignement sont, pour leur part, regroupées et restructurées en deux livres. Le premier (livre VI) est consacré aux décisions (obligation de quitter le territoire et décisions associées, remises, expulsion, interdiction judiciaire du territoire) et aux procédures administratives et juridictionnelles ; le second (livre VII) à l’exécution des décisions (exécution d’office, assignation à résidence, rétention administrative et mesures applicables en cas de demande d’asile).

Clarification de la rédaction

Au-delà de cette restructuration, le premier objectif de la recodification était de clarifier la rédaction du texte. Et c’est un contrat en grande partie rempli, notamment grâce à :

  • un découpage fréquent des anciens articles les plus longs en plusieurs articles courts, à l’exemple de l’ancien article L. 511-1 divisé en 19 articles nouveaux (L. 611-1, L. 612-1 à L. 612-3, L. 612-5 à L. 612-12, L. 613-1, L. 613-2, L. 613-5, L. 613-7, L. 613-8, L. 711-2) ;

  • une redistribution des articles dans des subdivisions plus nombreuses et clairement identifiées (multiplication des titres, chapitres, sections et sous-sections) ;

  • une rédaction revue pour éviter les renvois (par exemple, l’article L. 413-5 énumère désormais de façon expresse les titres concernés par la dispense de signature du contrat d’accueil et d’intégration, quand l’ancien article L. 311-9 ne faisait que renvoyer vers l’article prévoyant le titre en cause).


Au rang des regrets, on relèvera notamment que, s’il rassemble les règles relatives à l’entrée, au séjour, à l’éloignement et aux interdictions de séjour (administratives et de circulation), le livre II consacré aux citoyens de l’Union et aux membres de leur famille procède encore largement par renvois (dans l’introduction puis à chaque titre du livre II). Un système qui oblige le lecteur à naviguer entre les différents livres du code puis à vérifier, à chaque fois, dans les livres consacrés aux ressortissants des pays tiers, quelles dispositions, visées par un article introductif, leur sont applicables.

Remarque : l’introduction dans le nouveau code des dispositions relatives à l’outre-mer, n’a par ailleurs pas suffi à donner à ce droit dérogatoire beaucoup plus de lisibilité, alors même qu’il conduit à alourdir significativement le nouveau code. Abrogeant les ordonnances jusqu’alors en vigueur, l’ordonnance et le décret du 16 décembre 2020 ont, quoi qu’il en soit, regroupé les dispositions pertinentes dans des titres dédiés distinguant les statuts applicables à chaque collectivité, avec un fonctionnement par renvois et substitutions.

Rétablissement de la hiérarchie des normes

La recodification avait encore pour objectif d’assurer le respect de la hiérarchie des normes.

A ce titre, un nombre important de dispositions relatives à la compétence (du ministre de l’intérieur ou des préfets de département et préfet de police de Paris), qui étaient visées par des dispositions législatives, ont été déclassées pour rejoindre la partie réglementaire.

En sens inverse, des dispositions réglementaires ont été transférées vers la partie législative. Ainsi, par exemple :

  • treize articles de la partie réglementaire qui reconnaissaient le droit à l’exercice d’une activité professionnelles en fonction du motif de délivrance de la carte de séjour pluriannuelle, sont déplacés vers la partie législative (à titre d’illustration, les dispositions des anciens article R. 313-48 et R. 313-58 sont ainsi respectivement intégrés aux nouveaux articles L. 421-11 et L. 421-16) ;

  • une condition de fond (la rupture des liens des victimes de traite des êtres humains avec les auteurs des faits infractionnels), posée à l’ancien article R. 316-3, est intégrée dans le nouvel article L. 425-1 ;

  • la procédure de remise en liberté des étrangers retenus, prévue aux articles R. 552-17 à R. 552-19 de l’ancien code, est désormais codifiée aux articles L. 742-8 en ce qui concerne les « demandes de remise en liberté » et L. 743-2 lorsque le juge des libertés agit de sa propre initiative.

Abrogations des dispositions obsolètes, devenues sans objet ou résultant d’une prise en compte de la jurisprudence

La recodification a enfin été l’occasion de purger le code de certaines dispositions jugées obsolètes ou devenues sans objet, tel que, par exemple :

  • les tests génétiques en cas d’absence ou de contestation de l’état civil (article L. 111-6 de l’ancien code) ;

  • l’ancien livre IX consacré au co-développement ;

  • le sixième alinéa de l’ancien article L. 211-2-1, qui confiait au préfet la compétence pour la délivrance de visas de long séjour que devaient solliciter certains conjoints de français présent sur le territoire.

Remarque : créé en 2006, il s’agissait là d’un système à l’origine d’un alourdissement des tâches administratives pour les services ainsi que d’un important contentieux.

D’autres abrogations ou modification ont résulté d’une prise en compte de la jurisprudence, comme, par exemple :

Christophe Pouly, avocat

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