Le 3 avril, les députés européens ont approuvé en séance plénière la proposition de décaler de deux ans l'obligation de publication des informations de durabilité pour certaines grandes entreprises et les PME cotées. Le même jour, le Parlement français a définitivement adopté le projet de loi DDADUE 5 dans lequel figure une mesure similaire.
531 voix pour, 69 voix contre et 17 abstentions. C'est à une large majorité que les députés européens ont adopté, hier, le report de deux ans de l'application de la CSRD (corporate sustainability reporting directive) pour les entreprises des vagues 2 et 3 (voir la résolution législative). Le Parlement européen procédait ce 3 avril à un vote en urgence du mécanisme "stop the clock" proposé par la Commission européenne dans le projet "Omnibus 1". C'est donc une nouvelle étape franchie pour la
proposition de directive présentée le 26 février dernier.
Le texte doit désormais être formellement approuvé par le Conseil de l'Union européenne qui a déjà donné son accord le 26 mars. Ensuite, il sera publié au Journal officiel de l'Union européenne et les Etats membres auront jusqu'au 31 décembre 2025 pour transposer cette directive.
Qui est concerné par ce changement de calendrier ?
► Les grandes entreprises non cotées ou jusqu'à 500 salariés (y compris les émetteurs de pays tiers) : c'est-à-dire les entreprises "qui ne sont pas des entités d'intérêt public dépassant le nombre moyen de 500 salariés sur l'exercice" et qui répondent à au moins deux des trois critères suivants : plus de 250 salariés et/ou bilan supérieur à 25 millions d'euros et/ou chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros.
Egalement, les entreprises mères de grands groupes non cotés ou jusqu'à 500 salariés (y compris les émetteurs de pays tiers) : c'est-à-dire des groupes qui "ne sont pas des entités d'intérêt public [dépassant] le nombre moyen de 500 salariés sur l'exercice" et qui répondent à au moins deux des trois critères suivants : plus de 250 salariés et/ou bilan supérieur à 25 millions d'euros et/ou chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (seuils majorés de 20% dans certaines situations) (*).
Ces entreprises de la 2e vague devraient publier un rapport de durabilité (état de durabilité individuel ou consolidé selon les cas) afférent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2027 (au lieu de 2025). Donc une publication du rapport en 2028 au lieu de 2026.
► Les PME cotées, les "établissements de petite taille et non complexes", et les "entreprises captives d’assurance et de réassurance" (y compris les émetteurs de pays tiers).
Ces entreprises de la 3e vague devraient publier un rapport de durabilité afférent aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2028 (au lieu de 2026). Donc une publication du rapport en 2029 au lieu de 2027.
En revanche, rien ne changerait pour les entreprises de la 1e vague (grandes entreprises qui sont des EIP dépassant le nombre moyen de 500 salariés sur l'exercice) qui publient leurs premiers rapports cette année, ni pour les entreprises de pays tiers de la vague 4 qui devront publier leurs informations de durabilité à compter de 2029 (sur l'exercice 2028).
Du côté français, les choses ont aussi évolué hier. Hasard ou non du calendrier, le Sénat a bouclé le 3 avril l'examen du projet de loi "portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes" (dit DDADUE 5), lequel contient une mesure calée sur la proposition européenne. Le projet de loi DDADUE 5 reporte aussi de deux ans les obligations de publication des informations de durabilité pour les entreprises des vagues 2 et 3, contenues dans l'ordonnance de transposition de la CSRD du 6 décembre 2023 .
Après la validation de l'Assemble nationale le 2 avril et du Sénat le 3 avril, le projet de loi est donc définitivement adopté par le Parlement et sera publié au Journal officiel avec cette mesure de report (sous réserve de l'aval du Conseil constitutionnel). La France serait donc largement dans les clous du délai de transposition.
A noter cependant que certaines de ces entreprises pourraient ne plus être assujetties à la CSRD et, même, ne jamais avoir à publier de rapports de durabilité (à partir de la vague 2). En effet, une autre proposition de directive de la Commission européenne, du même paquet Omnibus I, réduit le périmètre de la CSRD et fait sortir de l'obligation de reporting toutes les PME notamment. Le projet prévoit que seraient assujetties à la CSRD uniquement les entreprises qui ont plus de 1 000 salariés et qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros et/ou qui ont un total de bilan supérieur à 25 millions d'euros.
Ces modifications substantielles de la CSRD seront discutées prochainement au niveau de l'Union européenne, la prochaine étape étant l'examen de cette proposition de directive par la commission des affaires juridiques du Parlement européen. Des incertitudes demeurent donc pour les entreprises concernées.
(*) Voir la directive 2022/2464 (article 5.2), une communication de novembre 2024 de la Commission européenne et notre article.