Les syndicats de Renault seront associés à la préparation de la reprise d'activité via des commissions sanitaires paritaires

Les syndicats de Renault seront associés à la préparation de la reprise d'activité via des commissions sanitaires paritaires

06.04.2020

Dans un accord signé par la CFDT, la CFE-CGC et FO, Renault s'engage à maintenir 100% de la rémunération de son personnel en chômage partiel, les salariés acceptant de perdre des jours de congé en contrepartie. Le texte, qui prévoit jusqu'à 6 jours travaillés par semaine ainsi qu'une modification des congés d'été, met en place des commissions locales pour suivre l'évolution de la situation sanitaire et préparer la reprise d'activité.

Depuis le 18 mars, toutes les usines françaises de Renault, qui emploie 36 000 personnes en France, sont au point mort. Idem pour les sites de logistique, pour les succursales et les franchises, avec comme conséquence l'arrêt des activités commerciales. Les personnels de production sont au chômage partiel et, si une petite partie des effectifs continuent d'embrayer à temps plein, la plupart des salariés et cadres de l'ingénierie se partagent entre activité et repos forcé : ils télétravaillent le matin et sont au chômage l'après-midi.

Tous verront cependant leur rémunération maintenue à 100% : c'est la conséquence d'un accord négocié par les OS et signé la semaine dernière par trois des quatre syndicats représentatifs au niveau de l'entreprise, la CFDT, la CFE-CGC et FO , après trois séances de négociation organisé en audioconférence (lire notre encadré et le texte en pièce jointe).

 Donner un jour de congé, c'est permettre le maintien des rémunérations pour tous

 

 

En contrepartie du maintien des rémunérations, les salariés doivent donner un jour de congé à l'entreprise, qui est versé dans un fonds de solidarité permettant une forme de mutualisation. "Cela permet d'avoir un dispositif profitant à tous. Il y avait des dispositions conventionnelles favorables pour les Etam et les cadres, mais qui ne couvraient pas tous les secteurs et entreprises visés par l'accord", explique Guillaume Ribeyre, délégué central CFE-CGC.  Cette mesure permet de garantir le maintien des rémunération à chacun, souligne-t-on chez Renault.

En outre, afin de limiter le recours à l'activité partielle mais aussi justifier son recours auprès de l'administration, les salariés doivent également prendre un jour de repos (RTT, compte épargne temps, repos compensateur, etc.), ou une fraction de jour selon le temps d'activité, pour chaque semaine chômée (1).

Jusqu'à 6 samedis travaillés en plus, et des congés d'été modifiés
L'accord assouplit également le temps de travail au bénéfice de l'entreprise qui envisage donc déjà les conditions de la reprise. Il permet aux établissements et filiales de Renault d'organiser 6 jours de travail par semaine, et ce 6 fois en 2020 (soit 6 samedis travaillés supplémentaires), avec un "maximum" de 3 séances dans un même mois. L'établissement qui souhaite user de cette possibilité devra en informer le CSE puis les salariés dans un délai de prévenance de 7 jours.

Par ailleurs, les modalités des congés d'été sont revues. La garantie pour le salarié de se reposer cet été est limitée par l'accord à 12 jours ouvrables entre le 1er juillet et le 30 septembre, sachant que pour la fixation des dates de congés pris par roulement, l'accord donne la priorité : 

  • aux salariés ayant continué à travailler à 100% alors que les autres bénéficiaient de l'activité partielle;
  • aux familles monoparentales;
  • aux salariés dont le congé ne peut pas modifier ses dates de départ.

Tout cela est trop déséquilibré aux yeux de la CGT, qui refuse de signer le texte. Cet accord définit les salariés "comme les seuls contributeurs au maintien de leur rémunération à 100% en mobilisant une partie de leurs congés" et leur impose des conditions sociales défavorables "lors de la reprise d'activité jusqu'à la fin décembre 2020, avec le travail obligatoire le samedi et l'allongement du temps de travail journalier" , explique le syndicat dans un communiqué.

Tout dépendra du niveau de l'activité site par site, que personne ne peut prédire aujourd'hui

 

 

 

Mariette Rih, déléguée syndicale centrale FO, reconnaît que ces possibilités bousculent les habitudes : "Les congés d'été chez Renault, c'est sacré. Mais nous négocions après l'adoption des ordonnances d'une part et, d'autre part, il s'agit tout de même de 12 jours ouvrables consécutifs. En outre, tout dépendra de l'activité site par site et personne ne peut prédire aujourd'hui quel sera ce taux d'activité. La crise que nous traversons est bien plus forte que la crise économique et financière de 2008 dans la mesure où c'est la possibilité même de travailler qui est en jeu, la santé et la sécurité des salariés étant primordiales. C'est une crise mondiale, tout le marché s'est effondré".

Des négociations site par site

Ces nouvelles possibilités de flexibilité pourront donc être décidées par l'entreprise du fait de cet accord global. Mais elles pourront aussi faire l'objet d'une négociation site par site pour tenir compte de l'activité et du marché. Une quinzaine de négociations locales pourraient s'ouvrir chez Renault. L'accord sur le "contrat de solidarité et d'avenir" prévoit en effet des négociations locales en vue d'établir "un contrat local de reprise" qui devra comporter des modalités de suivi.

 

 Une quinzaine de négociations locales vont se dérouler

 

 

Le champ de l'accord éventuel est assez large : il s'agit "de définir un cadre qui correspond le mieux à la réalité des activités" propres au site, en sus des modifications déjà prévues par l'accord national. "Cela englobe donc l'organisation du travail, le fonctionnement en équipes, les conditions du dépassement d'heures, les congés mais aussi le financement des CSE", indique Franck Daoût, délégué syndical central CFDT, inquiet devant les conséquences pour la trésorerie des comités de l'annulation de très nombreuses activités et voyages déjà payées (2).

Des commissions sanitaires paritaires et des négociations locales

Le texte s'efforce également de poser les bases d'une reprise, concertée avec les organisations syndicales, de l'activité de Renault. Même si la situation paraît aujourd'hui encore bien imprévisible aux yeux de Franck Daoût (CFDT) : "Difficile de dire si au sortir de cette crise les gens auront à nouveau envie d'acheter des voitures, et si oui, si nous serons en mesure de le faire comme auparavant. Mais il est certain que tout ne va pas repartir d'un coup, il faut préparer cela dès maintenant, puisque nous avons le temps pour le faire". 

 Ces commissions devront s'assurer que les salariés pourront retravailler dans des conditions satisfaisantes

 

 

Sur chaque site, établissement ou filiale, Renault crée "une commission de préparation sanitaire à la reprise" afin de sécuriser toute reprise de travail. Cette commission comprend la direction, le service de santé au travail et trois représentants par organisation syndicale représentative au plan local. Son rôle : "Mener des travaux préparatoires pour déterminer les modalités locales de reprise progressive de l'activité". Traduction donnée par Guillaume Ribeyre (CFE-CGC) : "En amont du redémarrage, nous devons nous assurer que les salariés puissent retravailler dans des conditions satisfaisantes sur le plan de la sécurité". Les conclusions de ces commissions seront transmises pour information aux IRP.

La direction de Renault accorde une petite place aux OS dans sa communication aux salariés

Enfin, parce que "la conservation d'un dialogue avec les représentants du personnel et syndicaux est particulièrement importante" et comme "dans cette période de crise les canaux habituels de communication des organisations syndicales ne sont pas tous utilisables", l'accord sur le "contrat de solidarité et d'avenir" donne la possibilité aux organisations syndicales "de faire connaître leurs positions aux salariés en incluant dans les communications de la direction ("Déclic" et "Inside'R") des liens hypertextes renvoyant aux sites ou applications de chacune".

Les syndicats pourront donc, le temps de la crise sanitaire, mettre leurs "liens" vers leur site ou application à la fois sur l'intranet de l'entreprise ("Déclic") lorsque l'employeur communiquera sur l'accord, mais aussi le faire sur l'application "Inside'R" qui permet aux opérateurs de production d'accéder aux mêmes informations via leur téléphone. "J'ai demandé cela car il nous faut garder le contact avec les salariés, et notamment avec les opérateurs de fabrication, pour pouvoir les informer de ce qui se négocie, des mesures qui sont prévues, et des positions que nous défendons", commente Mariette Rih (FO).

Cet accord est conclu pour une durée déterminée, le temps de la crise sanitaire pour le maintien de la rémunération, et jusqu'au 31 décembre 2020 pour les congés d'été, les samedis travaillés, les commissions paritaires de préparation à la reprise d'activité et les négociations locales. Reste une inconnue : quand pourront se tenir les négociations, encadrées par un accord de méthode signé début mars, visant à renouveler l'accord de performance économique de Renault (dit "contrat d'activité pour une performance durable" ou "CAP2020") de 2017 et qui vient à échéance ? "Il faut prendre le temps avant de s'y attaquer", commente sobrement la CFE-CGC...

 

(1) L'accord indique qu'une offre de formation digitale est renforcée durant la période de chômage partiel, avec des formations prioritaires par métier listées sur une page dédiée de l'intranet (voir le titre 3 de l'accord, pages 5-6).

(2) Nous préparons un article sur ce sujet, à lire dans une prochaine édition.

 

Une négociation à distance menée via Teams, mais sans l'image !
Confinement et télétravail oblige, la négociation de cet accord s'est faite à distance, chaque partie étant à son domicile. "Nous étions 3 personnes par organisation syndicale. Avec les représentants de la direction, cela faisait une quinzaine de personnes", raconte Guillaume Ribeyre (CFE-CGC). Les échanges ont eu lieu via Teams, la plateforme collaborative de Microsoft, sauf que l'image a finalement été coupée vu le trop faible débit disponible. "Il a fallu se caler sur le fonctionnement au début. Mais cela s'est bien passé. Chacun s'est écouté et a pu s'exprimer et la direction nous a présenté également des supports via l'application", se félicite le délégué syndical. Quant à la signature, elle s'est faite de façon électronique, grâce à Acrobat. "Nous avons tous signé le même document", souligne Guillaume Ribeyre qui préfère largement cette solution à l'assemblage de documents différents préconisé, si la signature électronique n'est pas possible, par le ministère du Travail.

 

 

Bernard Domergue

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