Lutte anti-blanchiment : la Commission préconise une meilleure mise en oeuvre des règles par les États membres

26.07.2019

Pour la Commission européenne, des règles strictes en matière de lutte anti-blanchiment et de financement du terrorisme (LAB-FT) ne sauraient pallier une mise en oeuvre inégale des directives par les États membres et un manque de coopération transfrontalière.

Mercredi 24 juillet 2019, la Commission européenne a adopté une communication, ainsi que quatre rapports, afin d'aider les autorités européennes et nationales à mieux lutter contre les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. L'évaluation et l'analyse des risques de blanchiment de capitaux sur le territoire de l'Union Européenne (UE) doivent mener à l'élaboration de pistes susceptibles de remédier aux défaillances des États, des banques et des autorités de surveillance.
Une application des règles de lutte anti-blanchiment trop hétérogène
Ces rapports, publiés pour accompagner et soutenir les autorités européennes et nationales dans leurs efforts de lutte contre le blanchiment, insistent sur la nécessité d’une mise en œuvre intégrale, par les États membres, des directives anti-blanchiment : l'application de la législation européenne se fait de façon trop disparate au sein des pays membres.
Remarque : au-delà d'une application hétérogène, certains États font l’objet de procédures d’infraction engagées par la Commission pour n'avoir pas effectué une transposition complète de la quatrième directive.
Ainsi, malgré des règles strictes de l’UE en matière de lutte anti-blanchiment, leur application demeure inégale en fonction des banques et des différents États membres : enfin, l'insuffisance de la coopération et de la surveillance restreignent encore la capacité de l’UE à empêcher que le système financier ne soit utilisé à des fins illégitimes.
Remarque : le vice-président de la Commission européenne en charge de la stabilité financière recommande une législation uniforme s'appuyant sur des règlements, et non des directives, dont la transposition par les États rend l'application plus lente et difficile.
Une insuffisance des services de surveillance nationaux
Pour la Commission, les récents scandales qui ont révélé des manquements de la part de banques européennes en matière de lutte anti-blanchiment, démontrent aussi une défaillance des superviseurs et services de surveillance nationaux, tout particulièrement lorsqu'il s'agit d'opérations transfrontières.
Remarque : pour la Commission, l'Autorité bancaire européenne (ABE), qui fait partie du système européen de surveillance financière, devrait disposer de davantage de pouvoirs pour collecter des données et prendre des mesures rapides.
Le contenu des rapports
Quatre rapports ont été adoptés :
- le rapport d’évaluation supranationale des risques ;
- le rapport sur l’évaluation d’affaires récentes de blanchiment de capitaux dans le secteur financier ;
- le rapport sur les cellules de renseignement financier ;
- et le rapport sur l’interconnexion des registres centralisés des comptes bancaires.
Rapport sur l’évaluation des risques de blanchiment de capitaux dans l’ensemble du marché intérieur
Ce rapport, adopté tous les deux ans par la Commission, a vocation à aider les États membres à mieux appréhender les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme : il dresse un état des lieux des risques sectoriels et doit permettre aux pays membres de recenser, analyser et traiter ces risques.
Si la plupart des recommandations de la première évaluation supranationale ont été mises en œuvre, certaines failles persistent : la transposition de la cinquième directive devrait permettre de les corriger.
Précision : les produits anonymes, l’identification des bénéficiaires effectifs, les nouveaux produits non réglementés figurent parmi les « vulnérabilités horizontales » identifiées.
Ce rapport exhorte enfin les États à mettre pleinement en œuvre la quatrième directive anti-blanchiment, qui améliore la coopération entre les autorités de surveillance, sensibilise les entités assujetties et fournit des orientations supplémentaires pour l’identification des bénéficiaires effectifs.
Rapport sur l’évaluation et les enseignements tirés d’affaires récentes de blanchiment de capitaux
La Commission européenne a également analysé dix affaires récentes de blanchiment de capitaux qui ont touché des banques européennes. Il est ressorti de cette analyse que :
- les banques ne respectaient pas suffisamment les exigences en matière de LAB-FT. Sont ainsi pointées du doigt l'absence de mécanismes internes adéquats pour prévenir le blanchiment, ou des politiques de lutte anti-blanchiment inadaptées alors que certaines banques présentaient des modèles commerciaux risqués ;
- les autorités nationales apportent en outre des réponses différentes en termes de respect des délais et d’efficacité des mesures de surveillance. Cette grande diversité d'application entraîne des lacunes qui sont davantage visibles dans les situations internationales ;
- les autorités de surveillance ont tendance à « s'appuyer de manière excessive sur le cadre de lutte contre le blanchiment de capitaux des États membres d'accueil », ce qui a pour effet de rendre inefficaces les mesures de surveillance dans les affaires transfrontières au niveau de l'UE.
Une harmonisation des réglementations et des pratiques de surveillance nationales apparaît donc primordiale pour la Commission.
Rapport sur la nécessité d’une coopération renforcée entre les cellules de renseignement financier
En matière de coopération également, des lacunes demeurent.
Si la mise en place d'une plateforme de coopération renforcée entre les cellules de renseignement financier (CRF) a amélioré la coopération, la Commission s'est interrogée sur plusieurs points :
- certaines CRF ne sont pas en mesure d’accéder aux informations pertinentes et de les partager ;
- le partage d'informations est souvent lent et insuffisant ;
- certaines CRF ne disposent pas des outils informatiques nécessaires à l'importation et l'exportation d'informations ;
- le champ d'application de la plateforme est limité et rend impossible la production de lignes directrices et de normes juridiquement contraignantes.
Rapport sur l’interconnexion des registres centralisés des comptes bancaires

Enfin, la Commission s'est penchée sur une éventuelle mise en place d'un système décentralisé, doté d'une plateforme commune au niveau de l'UE, pour l'interconnexion des registres des comptes bancaires et des systèmes de recherche de données.

 

Élise Le Berre, Solution Compliance et éthique des affaires

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