Lutte antiblanchiment : l'ACPR met la Caisse d'Épargne à l'amende
27.06.2019

Suite à un contrôle sur place qui a révélé des manquements dans le dispositif antiblanchiment, l'ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) a prononcé un blâme assorti d'une amende de deux millions d'euros à l'encontre de la Caisse d'Épargne Provence Alpes Corse (CEPAC).
Les risques liés aux opérations d'investissement et aux clients ayant une activité de jeux de hasard
- les fraudes potentielles utilisant les dispositifs d'incitation à l'investissement outre-mer ;
- les risques liés aux opérations réalisées par les clients ayant le profil de "joueurs réguliers".
Une mise à jour tardive
Cependant, si le reproche a bien été établi, le manquement a toutefois été apprécié compte tenu du très faible nombre de ces opérations considérées à risque par Tracfin et dont le dossier de procédure faisait état (une, seulement, en 2017). En outre, l'incertitude relative à la catégorie de risque à laquelle ces opérations avaient été intégrées a permis d'écarter le reproche lié à une cotation trop faible.
Quant au risque représenté par l'identification de quelques clients ayant une activité de jeux de hasard, cette partie du grief a également été écartée : sur l'échantillon de 312 clients dont les opérations ont été examinées entre le 1er janvier 2015 et le 31 mars 2017,10 cas seulement sont mentionnés par la poursuite, laquelle ne reproche un défaut de déclaration de soupçon que pour 2 de ces 10 dossiers. Il a aussi été relevé qu'il n'existait que 14 casinos dans le ressort de la CEPAC : cette dernière n’était donc pas particulièrement exposée à des risques liés aux jeux, et n'avait pas à mentionner spécifiquement cette catégorie dans sa classification.
Toutefois, si l'établissement n'avait pas intégré les caractéristiques de cette clientèle de joueurs à sa classification des risques, il n'en demeurait pas moins qu'il aurait dû détecter et déclarer à Tracfin les opérations suspectes de clients, dont les mouvements d'espèces significatifs (C.mon. fin., art. L.561-15).
Enfin, il a été souligné que l'utilisation de crédits à la consommation à des fins de financement du terrorisme est un risque réel, rappelé régulièrement par des autorités publiques : la CEPAC n'ayant intégré de telles opérations à son dispositif d'approche des risques qu'après la fin de la mission de contrôle, le reproche a été établi.
Il a néanmoins été tenu compte, dans l'appréciation de la gravité de ce manquement, du caractère récent de l'actualisation des informations publiques sur le risque résultant des crédits à la consommation.
Le deuxième grief mettait en cause le dispositif de suivi et d'analyse des relations d'affaires.
Le dispositif de suivi et d'analyse des relations d'affaires de l'établissement était insuffisant pour plusieurs raisons :
- les délais de traitement des alertes étaient trop longs ;
- certaines opérations détectées par l'outil ne faisaient pas l'objet d'une analyse suffisante ;
- certaines alertes avaient même été clôturées sans suite au motif que le client était injoignable, ce qui ne peut justifier la clôture du signalement.
Ce reproche ne portant que sur 0.19% des alertes générées sur la période contrôlée, le grief a été relativisé. De même pour le défaut d'analyse de certaines alertes par un audit interne, dont les dossiers évoqués ne représentaient que 0.28% des alertes clôturées sans suite.
Les deux premiers griefs portant sur les insuffisances de la classification des risques et le dispositif de suivi et d'analyse de la relation d'affaires ont donc vu leur périmètre réduit ou relativisé.
Le troisième grief portait sur l'insuffisance du dispositif de contrôle permanent, estimé en outre incomplet. Les actions correctrices de l'établissement, bien qu'elles aient permis de porter le taux de contrôle des alertes à 90%, étaient postérieures au rapport de contrôle.
Le quatrième grief était fondé sur l'obligation de recueillir les informations relatives à l'objet et à la nature d'une future relation d'affaires, ainsi qu'aux informations pertinentes sur le client (C. mon. fin., art. L. 561-5-1).
Or, la CEPAC recueillait des informations sur sa clientèle incomplètes et insuffisamment actualisées : lors du contrôle, il manquait ainsi les informations concernant :
- l'information sur les revenus ;
- ou la catégorie socio-professionnelle, laquelle, lorsqu'elle était renseignée, pouvait être erronée en raison de l'absence de mise à jour.
En somme, la démarche d'actualisation de la CEPAC a été jugée insuffisamment structurée et régulière.
Les personnes assujetties aux obligations LAB-FT doivent déclarer les sommes ou opérations dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent de fraude fiscale : l'article D561-32-1 du code monétaire et financier mentionne ainsi une liste de critères dont la présence d'un seul suffit à effectuer une déclaration.
Ce sont donc les opérations de 25 clients qui auraient dû faire l'objet d’un envoi de déclaration de soupçon à Tracfin.
Il a été tenu compte des actions correctrices présentées par l'établissement ayant pour objet de compléter et d'actualiser les dossiers de ses clients. La Commission a prononcé une sanction pécuniaire de deux millions d'euros au regard de l'assise financière de la CEPAC, ainsi qu'un blâme.