Lutte antiblanchiment : la FINMA constate une "culture de la compliance lacunaire" chez Julius Baer

25.02.2020

La FINMA, l'autorité helvète de surveillance des marchés financiers, a constaté de graves manquements de la banque Julius Baer en matière de lutte antiblanchiment dans le contexte de soupçons de corruption en lien avec le groupe pétrolier PDVSA et la Fifa.

Dans le contexte de corruption présumée au sein de la FIFA et du groupe pétrolier PDVSA, la FINMA (l’autorité fédérale de surveillance des marchés financiers) a mené des investigations à l’encontre de la banque et a pu constater plusieurs manquements à la législation antiblanchiment.

Des manquements systématiques dans le respect des obligations de diligence

La FINMA reproche à la banque des manquements systématiques dans le respect des obligations de diligence prévues par la législation antiblanchiment, ainsi que des violations de l’obligation de déclarer les soupçons au Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS). Ces manquements se sont produits entre 2009 à 2018.

Ainsi, sur 70 relations d’affaires examinées en fonction de leurs risques et plus de 150 transactions sélectionnées sur les mêmes critères, la FINMA a relevé que la quasi-totalité des premières et une grande partie des secondes étaient critiquables.

Enfin, la banque aurait violé l’obligation de renseigner l’autorité de surveillance en ne répondant pas de manière complète à ses questions lors des investigations sur ses relations d’affaires avec PDVSA.

Des lacunes dans l’identification des clients

La banque n’a pas non plus suffisamment clarifié l’identité de ses clients, ni la finalité ou le contexte économique de leurs relations d’affaires. Les informations relatives au KYC (Know Your Customer) étaient incomplètes ou peu claires.

Enfin, les transactions n’étaient pas suffisamment surveillées, ce en dépit de plusieurs avertissements dont la banque avait pourtant fait l’objet en 2014 sur ce sujet.

Une culture de la compliance et de gestion des risques "lacunaires"

La FINMA reproche également une "incitation inopportune" des conseillers à violer les obligations prévues en matière de lutte antiblanchiment : le modèle de rémunération de Julius Baer est en cause, car il ne se fonde que très ponctuellement sur la gestion des risques et le respect des règles.

Remarque : un conseiller en charge de clients qui avaient fait l’objet d’enquêtes ou qui étaient soupçonnés de blanchiment d’argent dans le cadre des affaires PDVSA  a par exemple pourtant pu obtenir un bonus spécial.

La banque est donc sommée d’adapter ses processus de recrutement et de management des conseillers à la clientèle, ainsi que sa politique de rémunération et de sanction.

De manière plus générale, la FINMA a relevé une culture de la compliance « lacunaire », dans laquelle les obligations relatives à la lutte antiblanchiment n’avaient "pas assez de poids".

Des mesures correctives ordonnées

La banque a déjà adopté des mesures afin d’améliorer son dispositif de lutte antiblanchiment : la FINMA recommande que de telles mesures soient davantage mises en avant, et d’en adopter d’autres, comme :

  • établir un processus lui permettant d’identifier les conseillers dont le portefeuille de clients comporte des éléments présentant des risques accrus de blanchiment d’argent, évaluer les risques identifiés et les limiter ;
  • adapter sa politique de rémunération et de sanction afin de supprimer les incitations à générer les plus hauts revenus possibles au prix d’une prise de risque inconsidérée ;
  • dédier un comité spécialisé aux questions de comportement et de compliance au sein du conseil d’administration.
Remarque : il est interdit à la banque de réaliser des acquisitions d’entreprise importantes ou complexes susceptibles de provoquer une nette augmentation de ses risques opérationnels - notamment en matière de blanchiment d’argent - tant que l’ordre légal n’est pas rétabli.

La bonne mise en œuvre des mesures sera vérifiée par un mandataire indépendant.

Elise Le Berre

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