Pouvoir d'achat, inflation : les estimations et données disponibles

Pouvoir d'achat, inflation : les estimations et données disponibles

18.11.2021

Comment a évolué le pouvoir d'achat des Français ces dernières années ? Quel sera le niveau de l'inflation en 2021 et en 2022 ? Plusieurs publications et études récentes apportent des éclairages instructifs sur ces éléments déterminants pour les négociations salariales.

A l'approche de la présidentielle et des législatives de 2022, la question de l'évolution du pouvoir d'achat des Français sous le quinquennat Macron est bien sûr éminemment politique. En témoigne le choix fait par l'exécutif de distribuer, en décembre aux Français, une prime de 100€ pour tenter de compenser l'envolée des prix de l'énergie, le souvenir de la révolte des gilets jaunes étant dans tous les esprits. La reprise de l'inflation alimente d'ailleurs les revevendications salariales dans les entreprises.

Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, l'a reconnu il y a quelques jours sur RTL : "Il y a beaucoup d'entreprises qui augmenteront les salaires (Ndrl : en 2022) parce que, d'abord, les salaires en 2020 et 2021 ont été peu augmentés, parce qu'il y a de l'inflation, et parce qu'on a du mal à recruter". Au vu de ce contexte et de l'enjeu de négociation collective sur les rémunérations, il est donc d'autant plus intéressant de regarder ce que disent différentes études récemment publiées sur le pouvoir d'achat.

►Pouvoir d'achat : les estimations de l'Institut des politiques publiques

Cet institut est le fruit d'un partenariat entre l'Ecole d'économie de Paris (ou PSE, Paris School of economics) et le groupe des écoles nationales d'économie et de statistique. Il se fixe comme objectif de promouvoir l'analyse et l'évaluation des politiques publiques. Le 16 novembre, cet institut a fait paraître une étude évaluant "les impacts budgétaires et redistributifs des mesures socio-fiscales du quinquennat 2017-2022" d'Emmanuel Macron. Cette étude tient compte des mesures récentes et de celles à venir dans le budget 2022 mais pas de l'évolution future des prix de l'énergie (1).

Selon cette note, qui classe les individus en 100 catégories selon le niveau de vie de leur ménage, les Français ont bénéficié durant le quinquennat d'une hausse du niveau de vie, à l'exception des 5% les plus modestes. Ces catégories englobent des ménages dont les revenus sont très faibles de façon pérenne mais aussi, indique l'institut en appelant à la prudence des commentaires, des personnes dans une situation transitoire (indépendants disposant durant une période définie d'un revenu très faible, individus ayant un fort patrimoine mais sans revenu régulier d'activité). Ces catégories modestes ont notamment pâti de la fiscalité indirecte.

L'effet levier de la prime d'activité sur le pouvoir d'achat 

 

Les progressions de pouvoir d'achat sont donc différentes selon les catégories de revenu. Les ménages ont bénéficié d'une hausse moyenne de 1,59%, les ménages actifs comportant au moins une personne active bénéficiant eux d'une hausse de +3,5%. Cela s'explique : les actifs tirent davantage profit des mesures du gouvernement que les ménages inactifs. Cela vaut pour la bascule vers la CSG des cotisations sociales et pour la prime d'activité. La revalorisation de cette prime d'activité (2,7 milliards d'euros) a eu un effet levier important sur le pouvoir d'achat.

Mais ce sont les individus les plus aisés qui ont vu leur niveau de vie le plus augmenter. Les 0,1% les plus riches et les 1% les plus riches ont vu leur pouvoir d'achat progresser respectivement de +4% et +2,8%. Les auteurs expliquent cette évolution par la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune et par le prélèvement forfaitaire unique (PFU, dite souvent "flat tax", instaurée en 2018) sur les revenus du capital. Si l'on comprend bien cette analyse, il semble que certains éléments clés de la politique sociale et fiscale de la majorité actuelle (transfert des cotisations sociales vers l'impôt et la CSG, baisse des impôts directs, suppression et baisse de la taxe d'habitation) aient davantage profité aux personnes des classes moyennes et supérieures qu'aux autres.

► Inflation : les derniers chiffres de l'Insee et les prévisions de l'OFCE

L'Insee est l'institut national de la statistique et des études économiques. Il publiera le 15 décembre sa nouvelle estimation de l'inflation pour 2021 en France. La dernière évaluation des prix à la consommation, parue le 16 novembre 2021, fait état d'un taux d'inflation de 2,6% sur un an, et d'une hausse de +0,4% en octobre, après +0,2% en septembre.

+20% pour les prix de l'énergie en un an 

 

Cette reprise de l'inflation est tirée par la progression des prix de l'énergie (+ 4,8%, soit +20% sur un an !), en lien avec les produits pétroliers (+5,8%, soit +27% sur un an) et le gaz (+12,5%, soit +50% sur un an !), la hausse touchant aussi les services (+1,8% en octobre), les  transports (+8,8%), mais aussi des postes importants comme les loyers, eau et ordures ménagères (+1,4%), les produits frais reculant en octobre (-0,5%) mais restant en hausse sur un an (+1,5%).  

Quelle sera en 2022 l'évolution de l'inflation ? Tout dépend des scénarios élaborés. Dans une note parue le 13 octobre, l'OFCE, l'observatoire français des conjonctures économiques, estime entre +1,5% à 2,4% le taux d'inflation possible en France en 2022, selon que les ménages utilisent plus ou moins l'épargne constituée lors de la crise sanitaire pour consommer davantage, ce qui doperait plus ou moins l'activité et donc les prix à la consommation. De son côté, le gouvernement table sur une inflation de +1,5% dans son projet de loi de finances pour 2022, une hypothèse jugée "réaliste" par le Haut conseil des finances publiques

 

(1) La conférence de présentation de ces résultats est visible ici en replay (voir à partir de 1:01:00 pour les effets du budget 2022 et à partir 1:10:06 pour le quinquennat).

 

 

 

Bernard Domergue

Nos engagements