Projet de loi ASAP : des associations s'inquiètent du manque de transparence
30.09.2020

Certaines dispositions du projet de loi "Accélération et Simplification de l'Action Publique", inquiètent les associations anticorruption Anticor et Transparency International qui craignent une certaine opacité en matière de marchés publics et un affaiblissement de la protection du lanceur d'alerte.
Alors que les députés débattent depuis lundi du projet de loi ASAP, Transparency International et Anticor s’inquiètent des amendements introduits par le gouvernement, notamment concernant les dérogations aux règles des marchés publics.
Selon les deux associations de lutte anticorruption, la crise sanitaire actuelle ne doit pas permettre de remettre en cause la transparence et le droit à l’information en matière d’encadrement des marchés publics : elles craignent tout particulièrement l’introduction d’un motif d’intérêt général qui permettrait la conclusion d’un marché public sans appel d’offre préalable, et ce quel que soit le montant – car aucun seuil n’est mentionné au sein du projet de loi.
L’absence de mise en concurrence préalable (laquelle permet normalement d’éviter le risque de favoritisme), est pointée du doigt par les associations, qui redoutent que cela facilite « la signature de contrats opaques avec une dimension clientéliste », voire un « enrichissement personnel ». Elles estiment également que cela serait susceptible « d’exposer des acheteurs publics de bonne foi à une condamnation pour favoritisme, en cas de lecture restrictive de la notion d’intérêt général » par un juge.
De même, les associations sont vent debout contre une disposition prévoyant d’introduire un régime dérogatoire complet au régime de la commande publique ordinaire, en cas de guerre, pandémie, catastrophe naturelle, ou de crise économique majeure.
Transparency International et Anticor, qui estiment que le délai restreint d’examen du projet de loi rend impossible l’évaluation des conséquences juridiques d’un tel régime dérogatoire, recommandent de ne pas adopter aussi légèrement une telle modification.
Pour la présidente d’Anticor, les marchés publics constituent un terrain déjà favorable à « la corruption et aux collusions entre entreprises, et sont particulièrement exposés à la fraude du fait de leur complexité, de l’ampleur des flux financiers qu’ils génèrent et de l’interaction étroite entre le secteur public et le secteur privé ».
Aussi les associations interpellent-elles sur le risque d’opacité qui se fera aux dépens des PME, pour lesquelles il serait alors plus difficile de remporter des marchés.
L’amendement 627, dont l’objectif est « la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation », ce qui « justifie que des procédures adaptées soient mises en œuvre dans la conduite de telles opérations afin de préserver la confidentialité des informations sensibles qui s’y rapportent », prévoit ainsi une restriction du droit à l’information et précise que « ne peuvent être ni communiqués, ni mis à disposition du public des éléments dont la divulgation serait de nature à porter atteinte à des secrets de fabrication ou au secret des affaires ».
Enfin, le droit à l’information est restreint concernant « les risques majeurs auxquels elle est soumise dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui la concernent ».
Plus spécifiquement, l’article vise les aménagements réalisés par le Ministère de la Défense, ce qui fait craindre à Anticor et Transparency International une certaine insécurité juridique pour les lanceurs d’alerte, notamment pour les éléments dont la divulgation serait de nature « à faciliter des actes susceptibles de porter atteinte à la santé, la sécurité et la salubrité publiques ». Cette mention pourrait alors justifier des refus d’accès à certains documents par l’administration, et mettrait donc en danger la protection des lanceurs d’alerte qui divulguent des informations sur des menaces à l’intérêt général.