Publication d'un guide pratique sur les secrets et lanceurs d'alerte
03.09.2020

Déterminer si l'information est protégée ou non, savoir comment agir tout en étant protégé juridiquement... pour orienter les professions soumises au secret professionnel. La Maison des Lanceurs d'alerte publie un guide pratique, en partenariat avec la Clinique du droit de l'Université Paris-Nanterre.
L’article 6 de la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016 définit le champ d’application de la protection des lanceurs d’alerte et en exclut les secrets protégés. Ce guide spécifique à la question des secrets a vocation à aider les professions soumises au secret professionnel (avocats, soignants, Défense nationale…) à déterminer si l’information qu’il souhaitent révéler leur permet, ou non, de bénéficier de la protection qu’offre la reconnaissance du statut de lanceur d’alerte.
Les informations couvertes par le secret médical étant exclues du champ de l’alerte permettant la reconnaissance du statut de lanceur d’alerte, leur divulgation est passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, auxquels peuvent s’ajouter des sanctions disciplinaires de l’Ordre des médecins.
Cependant, la révélation d’informations relatives à un risque grave pour la santé publique ou l’environnement permettent au professionnel qui les révèle de bénéficier du statut de lanceur d’alerte et dérogent donc à l’obligation de respect du secret médical.
Le code de la santé publique prévoit la possibilité, pour les professionnels de santé ou de l’action sociale, de lancer l’alerte auprès des autorités judiciaires, médicales ou administratives concernant des informations relatives à des sévices, privations, atteintes ou mutilations sexuelles, lorsque le consentement de la victime a été préalablement obtenu, sauf dans le cas d’une victime mineure ou qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, auquel cas son accord n’est alors pas nécessaire pour révéler ces faits.
Enfin, les professionnels de santé ou de l’action sociale peuvent également :
- informer le préfet du caractère dangereux de personnes dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou ont manifesté leur intention d’en acquérir une ;
- signaler les pratiques de dopage d’un sportif au médecin responsable de l’antenne médicale de prévention du dopage.
En matière pénale, le secret professionnel des avocats est exclu du régime de l’alerte, et la révélation d’une information protégée par ce secret est punie d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
En matière disciplinaire, la violation du secret professionnel des avocats peut être sanctionnée par un avertissement, un blâme, l’interdiction temporaire d’exercer ou encore la radiation du tableau des avocats.
Toutefois, si l’information porte sur des sévices, privations, atteintes ou mutilations sexuelles, l’avocat doit révéler l’information auprès des autorités judiciaires, médicales ou administratives : cela ne doit concerner que les informations relatives à des privations ou sévices commis sur un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger.
Dans le cas où il existe une relation d’affaires entre le client et son avocat, les activités soumises à une obligation de déclaration de soupçon sont détaillées à l’article L. 561-3 du code monétaire et financier. Les activités exclues sont :
- la consultation juridique ;
- ou une activité se rattachant à une procédure juridictionnelle pour la défense du client, ou la défense de l’avocat lui-même.
Les informations couvertes par le secret de la défense nationale sont exclues du champ de l’alerte permettant la reconnaissance du statut de lanceur d’alerte. La sanction pénale applicable en cas de divulgation d’une information protégée par le secret de la défense nationale varie selon le statut de la personne l’ayant révélée, selon qu’elle soit :
- personne dépositaire de l’autorité publique, par état, profession ou en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire ou permanente : la peine encourue est alors de 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende ;
- personne non dépositaire de l’autorité publique : la peine encourue est de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Le code de la sécurité intérieure prévoit une procédure spécifique pour les lanceurs d’alerte travaillant dans les services de renseignement. Aussi, lorsqu’un personnel de renseignement a, de bonne foi, connaissance de faits susceptibles de constituer une violation manifeste des règles relatives au renseignement et souhaite lancer une alerte, il doit seulement et impérativement saisir la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, qui peut alors saisir le Conseil d’État et en informer le Premier ministre. C’est si la Commission estime que l’illégalité des faits rapportés est susceptible de constituer une infraction qu’elle saisit le Procureur de la République et transmet dans le même temps les éléments à la Commission du secret de la défense nationale. Le respect de cette procédure protège l’agent de toute sanction ou mesure discriminatoire, quelle qu’elle soit.
Enfin, seuls une juridiction française ou le président d’une des commissions permanentes de l’Assemblée nationale ou du Sénat chargée des affaires de sécurité intérieure, de la défense ou des finances, peuvent être à l’initiative d’une demande de déclassification d’une information classée confidentielle. La Commission du secret de la défense nationale donne alors un avis sur la déclassification de l’information. À savoir que le délai de prescription des informations protégées par le secret de la défense nationale est fixé à 50 ans.
Pour être protégée par le secret des affaires, l’information doit remplir les trois conditions cumulatives suivantes :
- elle doit être secrète, non généralement connue ou aisément accessible ;
- elle doit revêtir une valeur commerciale, effective ou potentielle du fait de son caractère secret ;
- elle doit faire l’objet de mesures de protection raisonnables par son détenteur légitime.
En cas de divulgation illicite, la responsabilité civile comme pénale sont mises en jeu.
Pour bénéficier d’une irresponsabilité pénale, trois conditions doivent être remplies :
- la divulgation de l’information est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause ;
- les procédures de signalement ont été respectées ;
- la personne répond aux critères de définition du lanceur d’alerte prévus à l’article 6 de la loi dite Sapin 2.
L’irresponsabilité civile, quant à elle, peut être obtenue dans les cas où l’obtention, l’utilisation ou la divulgation du secret a été faite :
- dans le cadre de l’exercice des pouvoirs d’enquête, de contrôle, d’autorisation ou de sanction des autorités juridictionnelles ou administratives ;
- dans le cadre de l’exercice du droit à la liberté d’expression et de communication et notamment du droit de la presse (inopposabilité à l’occasion d’une instance relative à une atteinte au secret des affaires) ;
- pour révéler, dans le but de protéger l’intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible, y compris lors de l’exercice du droit d’alerte (inopposabilité à l’occasion d’une instance relative à une atteinte au secret des affaires) ;
- pour la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union européenne ou le droit national (inopposabilité à l’occasion d’une instance relative à une atteinte au secret des affaires).
Enfin, l’article L. 151-9 du code de commerce vise deux cas particuliers :
- si un représentant du personnel a divulgué un secret aux salariés de l’entreprise, le secret des affaires est inopposable à l’occasion d’une instance en cours dans le cas où l’information a été obtenue dans le cadre de l’exercice du droit à l’information et à la consultation des salariés et des représentants du personnel ;
- si un salarié a divulgué le secret à un représentant du personnel, le secret des affaires est inopposable à l’occasion d’une instance en cours si la divulgation du secret est intervenue dans le cadre de l’exercice légitime des fonctions des représentants du personnel et qu’elle était nécessaire à cet exercice.