Restitution des avoirs issus de la corruption : que proposent les 34 mesures du rapport parlementaire ?

02.12.2019

Quel bilan qualitatif et quantitatif dresser de l'actuel système de saisie et confiscation des avoirs criminels ? Quels dispositifs pour assurer aux populations concernées la restitution des avoirs confisqués issus de la dépossession frauduleuse ? C'est à ces questions que deux députés ont tenté de répondre, après avoir mené l'enquête auprès de plusieurs juridictions en France, en Suisse et en Belgique.

Des outils satisfaisants, mais un dispositif inefficace
Missionnés pour évaluer le système actuel de détection, d'identification, de saisie et de confiscation des avoirs criminels, les députés Laurent Saint-Martin et Jean-Luc Warsmann - la loi visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale porte le nom de ce dernier - ont remis leur rapport parlementaire à la Garde des Sceaux le 26 novembre. Trente-quatre propositions y sont formulées afin d'améliorer le mécanisme et de mettre en place un dispositif de restitution des avoirs au profit des populations frauduleusement dépossédées.
 
Principale constatation : le dispositif d’identification, de saisie et de confiscation des avoirs criminels est insuffisamment efficace. Le cadre législatif, que les auteurs du rapport estiment « abouti », n'est pas assez utilisé. Sont pointés du doigt :
- la difficulté à appréhender la dimension internationale de la problématique ;
- le manque de réflexe quant à la saisie des avoirs criminels, qui reste limitée aux affaires économiques et financières ainsi qu'aux affaires de criminalité organisée ;
- la rentabilité du dispositif.
« Généraliser les bonnes pratiques »
Les propositions formulées pour mettre à niveau le mécanisme français sont réparties sur sept axes majeurs.
Redéfinir les acteurs de l’identification et de la saisie pour mettre en œuvre une politique offensive à l’échelle nationale
Cela passe par une stratégie interministérielle afin de mieux identifier, saisir et confisquer les avoirs criminels.
Confier à l’AGRASC un rôle renforcé et central
Les auteurs envisagent de donner davantage de responsabilité à l'agence, et de la déployer en région avec la création de seize antennes.
Systématiser les enquêtes patrimoniales
Il est proposé de mieux identifier les avoirs criminels, afin que l'enquête patrimoniale devienne systématique : les députés proposent ainsi de faire figurer l’identification des avoirs dans la liste des missions de l’officier de police judiciaire, par exemple, ou encore de mettre à disposition de l’ensemble des enquêteurs l’accès au FICOBA (fichier des comptes bancaires).
Saisir plus efficacement, mieux confisquer
Les auteurs du rapport souhaitent permettre aux juridictions de saisir plus efficacement et de maximiser les confiscations. Ils proposent notamment de rendre obligatoire, sauf motivation contraire, la confiscation des biens meubles et immeubles en relation directe avec l’infraction, ou d'étendre le champ d’application de la peine complémentaire de confiscation en valeur de l’article 131-21 alinéa 5 du code pénal.
Ils citent également la piste d'une meilleure formation des magistrats, et de la mise en œuvre d'un outil informatique d’enregistrement et de traçabilité des biens saisis partagé au sein des ministères de l’Intérieur et de la Justice.
Réduire les frais de gestion des biens saisis et confisqués
La mission propose des mesures de nature à réduire les frais de gestion en limitant le délai entre l'appréhension du bien ou des valeurs et la prise de décision concernant leur devenir.
Améliorer l'exécution de décisions de confiscation, et mieux redistribuer
Le rapport envisage :
- d'améliorer l’effectivité de l’indemnisation des parties civiles ;
- d'allonger le délai d’exercice de ce droit ;
- de mettre en œuvre un mécanisme de réaffectation sociale des biens confisqués ;
- et d'instaurer des possibilités de partage élargies lorsque les confiscations réalisées résultent d’actions coordonnées impliquant des États tiers non requérants.
Certains États européens ont en effet mis en place de tels mécanismes, dont la France souhaite s’inspirer en réaffectant les biens saisis au profit d’associations.
Remarque : l’exemple de l’Italie est ainsi cité, où depuis 1996, des biens confisqués à la mafia (immeubles, terrains, entreprises) sont attribués à des associations. Une proposition de loi a été déposée en ce sens. L’AGRASC serait chargée d’identifier l’immeuble, et de choisir la structure bénéficiaire sur la base d’un appel à projet.
Créer un dispositif innovant de restitution des biens mal acquis
La mise en place d’un dispositif ad hoc permettant la restitution des avoirs confisqués dans les dossiers dits des biens mal acquis est envisagée. Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères serait en charge des négociations des conditions de restitution des fonds avec le pays d’origine, tandis que l'agence française de développement serait responsable de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’audit des programmes de restitution sur le terrain.
Élise Le Berre, Solution Compliance et éthique des affaires

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