Retour sur la première CJIP environnementale
02.02.2022

Le 16 décembre dernier, la première Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) en matière environnementale a été validée par le tribunal judicaire de Puy-en-Valey, en Haute-Loire. La première d’une longue série ?
Une enquête préliminaire a été ouverte le 3 mars 2021 à Monistrol à l’encontre du Syndicat Mixte de Production et d’Adduction de l’Eau (« SYMPAE ») pour des faits de déversement de substances nuisibles dans les eaux souterraines superficielles ou de la mer. Dans ce cadre, le 22 octobre 2021, le Ministère public a proposé au SYMPAE une CJIP imposant à ce dernier les obligations suivantes :
verser au Trésor Public, dans un délai de 6 mois, une amende d’intérêt public d’un montant de 5 000 € ;
se soumettre à un programme de mise en conformité d’une durée de 30 mois, sous le contrôle des services compétents du ministère de l’Environnement, comprenant notamment la pose, dans un délai de 6 mois d’un portillon d’accès à la vanne du bassin de décantation, permettant l’intervention à toute heure des services de secours ;
assurer la réparation du préjudice environnemental évalué à 2.159 € au bénéfice de la Fédération Départementale de Pêche de la Haute-Loire d. Verser la somme de 2 159 € au bénéfice de l’Association Agréée de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique (AAPMA), dans un délai de 6 mois.
Le SYMPAE a accepté les mesures qui lui étaient proposées en date du 22 novembre 2021 (ordonnance de validation).
Si le SYMPAE respecte les engagements pris, les poursuites à son encontre s’éteindront. À défaut, le procureur pourra mettre en mouvement l’action publique.
La CJIP en matière environnementale La possibilité pour une personne morale d’éviter toute action publique et toute condamnation pénale en signant une CJIP existe depuis plus de cinq ans. Il a cependant fallu attendre la Loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 pour que son champ d'application soit étendu aux infractions environnementales (C. proc. pén., art. 41-1-3). Ce nouvel outil permet de répondre aux problématiques liées au contentieux technique et complexe qu’est celui du domaine de l’environnement où la procédure est longue et où les preuves sont parfois difficiles à rapporter.
Ainsi, avant la mise en mouvement de l’action publique, le procureur de la République dispose désormais de la faculté de proposer à une personne morale mise en cause pour l’un des délits prévus par le code de l’environnement, ainsi que pour des infractions connexes, de conclure un accord prévoyant une ou plusieurs obligations spécifiques (versement d’une amende au Trésor public, d’un montant pouvant s’élever jusqu’à 30% du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les 3 derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date du constat de ces manquements ; respect d’un programme de mise en conformité ; réparation du préjudice écologique ; réparation du préjudice de la victime si cette dernière est identifiée). Il convient toutefois d’indiquer que les contours autour de la mise en place d’un programme de conformité restent flous et la première CJIP ne permet d’ailleurs pas d’éclairer sur le sujet puisque le texte de la CJIP n’apporte aucune précision en la matière.
Une fois la CJIP signée, il incombe au procureur de la République de saisir le Président du tribunal judiciaire compétent. Ce dernier a le devoir d’entendre les parties, y compris les éventuelles victimes, et de vérifier le bien-fondé du recours à cette procédure, la régularité de son déroulement, la conformité du montant de l'amende à la limite susmentionnée et la proportionnalité des mesures prévues aux avantages tirés des manquements.
La Convention présente à la fois des avantages et des désavantages pour les mis en cause. D’une part, l’action publique n’est pas engagée et ni l’accord avec le procureur ni sa validation n’impliquent une déclaration de culpabilité ou n’ont la valeur d’un jugement de condamnation. D’autre part, l’ordonnance de validation ne peut pas faire l’objet d’un recours et cette ordonnance, le montant de l'amende d'intérêt public prononcée ainsi que la convention sont publiés sur les sites internet du ministère de la Justice, du ministère chargé de l'Environnement et de la commune sur le territoire de laquelle l'infraction a été commise.
L’une des avancées de la CJIP en matière environnementale est la place consacrée à la réparation du préjudice et cette première CJIP en est une illustration parfaite. Il nous appartient désormais de rester attentif quant aux futures conventions.
Emmanuel Daoud, avocat au Barreau de Paris, associé du Cabinet Vigo, membre du réseau international d’avocats GESICA
Martina Biondo, élève avocate au Barreau de Milan, stagiaire au sein du Cabinet Vigo