Retour sur la version définitive du guide pratique de l'AFA sur les vérifications anticorruption dans le cadre des fusions-acquisitions

07.02.2020

Le 17 janvier 2020, l'AFA a publié la version définitive du guide pratique sur les vérifications anticorruption dans le cadre des fusions-acquisitions, après avoir ouvert le projet initial à la consultation publique le 25 avril 2019. La version définitive revêt ainsi un angle plus concret et convient davantage aux contraintes opérationnelles inhérentes à ce type d'opérations.

Les enjeux liés aux vérifications anticorruption

Aux termes de son guide, l’Agence française anticorruption commence par rappeler le contexte de publication du guide en précisant les enjeux des vérifications anticorruption dans le cadre des opérations de fusions-acquisitions.

En matière financière, réputationnelle et économique

L’AFA rappelle ainsi que si la société cible fait l’objet d’une enquête pour corruption, elle pourra se voir infliger en France ou à l’étranger, des sanctions pénales postérieurement à son acquisition. Elle précise également que la médiatisation d’une affaire de corruption impliquant la société acquise pourrait porter atteinte à la réputation de l’acquéreur et même affecter sa valeur économique.

S’agissant des enjeux juridiques

L’AFA dresse un rappel des principes relatifs au transfert de responsabilité.

Le transfert de responsabilité administrative en application de l’article 17 de la loi Sapin 2

Deux situations doivent être distinguées et ont pour conséquence un régime de transfert de responsabilité administrative :

  • la situation dans laquelle la cible est acquise. Ici, si des manquements imputables à cette dernière sont constatés par l’AFA, cette société et le cédant (et notamment leurs dirigeants) pourront être conduits à en répondre après l’opération devant la Commission des sanctions. La responsabilité de la société acquéreur ne pourrait donc pas être recherchée, mais elle aura tout intérêt à se renseigner avant l’opération sur l’existence d’un contrôle de l’AFA sur la cible avant la conclusion de l’opération ;
  • la situation dans laquelle elle est absorbée ou fusionnée. En cas d'absorption ou de fusion de la cible avec la société acquéreur, seule la société absorbante ou celle résultant de la fusion (ainsi que les dirigeants) pourront être sanctionnées par la Commission des sanctions. Par ailleurs, si la société absorbante ou issue de la fusion peut, le cas échéant, répondre devant la commission des sanctions des manquements commis, avant l’opération, par la société dissoute, le principe de la personnalité des peines fait obstacles à ce qu’une sanction autre que pécuniaire puisse être prononcée contre elle (CE, sect., 22 nov. 2000, n° 207697 : AJDA 2000. 1069).
Le transfert de la responsabilité civile

S’agissant de la responsabilité civile, l’AFA distingue également les cas où la société est acquise avec ou sans fusion.

  • dans le premier cas, la société acquise sans être absorbée sera responsable des faits de corruption réalisés avant ou après l’opération ;
  • dans l’hypothèse d’une fusion-absorption en revanche, il sera possible sous certaines conditions d’envisager une transmission une transmission à la société acquéreuse de l’obligation pour la société cible de verser des dommages intérêts. L’AFA précise néanmoins qu’il s’agit d’une transmission de dette distincte du paiement d’une somme d’argent au titre d’une amende pénale.
Le transfert de la responsabilité pénale

En matière pénale, l’AFA rappelle le principe à valeur constitutionnelle selon lequel nul n’est pénalement responsable que de son propre fait.

En cas d’acquisition de la société cible, l’acquéreur ne pourra voir sa responsabilité engagée pour avoir participé à des faits de corruption commis antérieurement à l’opération. Il pourra néanmoins, au terme de l’opération d’acquisition, engager une enquête interne en vue de déterminer l’ampleur des faits. La responsabilité de l’acquéreur pourra être engagée s’il se rend coupable de faits de complicité de corruption ou pour recel ou blanchiment de corruption. L’AFA recommande ainsi à l’acquéreur de mettre un terme aux agissements délictueux mis en évidence par les procédures de vérification.

La société absorbante, elle, ne pourra voir sa responsabilité engagée que si elle se rend elle-même coupable de faits de corruption ou de complicité, supposant la démonstration d’une participation active, soit une aide, assistance ayant facilité la commission du délit.

S’agissant des enjeux opérationnels

L’AFA indique que les vérifications anticorruption peuvent conduire l’acquéreur à renoncer à l’opération, si des manquements ou risques majeurs ont été mis en évidence. Les vérifications lui permettent en outre d’anticiper la mise en place du dispositif anticorruption de la société cible, qui sera pilotée après l’opération.

Le responsable des vérifications anticorruption

L’AFA précise que les instances dirigeantes peuvent confier la réalisation des vérifications anticorruption à une personne de l’entreprise, notamment le responsable de la conformité ou un prestataire externe (supervisé par le responsable vérification de l’entreprise).

A ce titre, il est recommandé d’associer le responsable aux négociations relatives à l’opération de fusion-acquisition, même si celles-ci sont menées de manière confidentielle.

Le responsable des vérifications anticorruption devra ainsi assurer le pilotage des procédures, de la collecte des informations ainsi que de l’analyse. Il pourra s’aider du responsable de la conformité de la société cible, s’il existe.

Les procédures de vérification anticorruption selon les étapes de l’opération de fusion-acquisition

La version définitive du guide pratique publié par l’AFA détaille enfin une approche opérationnelle des mesures anticorruption à mener dans le cadre d’une fusion-acquisition. Ainsi, les différentes procédures sont présentées selon les trois stades clés de l’opération :

  • la période pré-acquisition (avant le signing) ;
  • pendant l’opération (entre le signing et le closing) ;
  • à l’issue de l’opération (closing).

Voir le schéma joint.

Daoud Emmanuel, Avocat au barreau de Paris, associé du cabinet Vigo, membre du réseau international d’avocats GESICA Dalia Boudjellal, Avocate au barreau de Paris, collaboratrice du cabinet Vigo, membre du réseau international d’avocats GESICA

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