Signé par la CFDT, qui représente 70% des voix aux élections professionnelles, et par la CFE-CGC, un accord national prévoit la création d'un "véritable" CSE dans toutes les chambres d'agriculture, qui emploient environ 8 000 salariés en France. Les élus vont aussi bénéficier d'une délégation supplémentaire de 5 heures par mois. Un accord "historique", selon Emmanuel Delétoile, secrétaire national de la FGA-CFDT. Interview.

Les chambres d'agriculture emploient plus de 8 000 personnes en France, ce sont des salariés de droit public et des salariés de droit privé (1). Pour ces personnels, il n'existe pas de convention collective mais un "statut" national qui régit tout, non sans quelques incongruités (Ndlr, voir pièce jointe). Par exemple, quand on signe dans ce secteur un accord avec les organisations patronales (2), pour que cet accord fasse évoluer le statut, il faut qu'il soit accepté par une commission paritaire nationale, et que cela soit traduit derrière par un décret. Ce n'est pas toujours simple !
La CFDT représente 70% des voix aux élections professionnelles, nous pouvons donc signer seuls des accords. Nous avons pratiquement un millier d'adhérents.
En effet, car la situation actuelle n'est pas satisfaisante. Deux systèmes cohabitent : des négociations sous forme de commissions paritaires au niveau de l'établissement, du département et de la région, et des comités sociaux et économiques comme dans le privé déjà créés dans certaines chambres.

Vous pouvez avoir une chambre d'agriculture qui emploie 70 salariés mais dont seulement 45 salariés relèvent du droit privé. Donc elle se retrouve avec un CSE considéré comme un CSE de moins de 50 salariés, donc sans les principales attributions du comité social et économique. Parce qu'on ne prend pas en compte l'effectif social réel, les salariés sont représentés par un comité sans budget, sans droit à expertise, etc. Dans ce cadre, l'employeur organise plusieurs réunions, souvent pour dire la même chose, selon qu'il s'adresse aux salariés de statut public ou aux salariés du statut privé. La situation économique de la chambre sera par exemple exposée devant une commission paritaire, puis devant le CSE ! Et c'est aussi un problème pour nous, organisation syndicale : il faut élire des représentants dans les commissions paritaires, dans les CSE...C'est une usine à gaz et il fallait donc changer ça, mais les négociations ont achoppé pendant longtemps.
Les employeurs redoutaient que la reconnaissance de véritables CSE entraîne un peu partout des expertises. Le patronat voulait bien fusionner les deux systèmes mais sans que cela crée un CSE avec toutes les attributions légales. Mais à la CFDT nous ne voulions pas accepter cela et nous revendiquions des représentants de proximité dans tous les CSE. Au final, tout le monde a mis un peu d'eau dans son vin, chacun a fait un pas vers l'autre et on a trouvé un accord (Ndlr : lire le document en pièce jointe).
Accrochez-vous ! (rires, Ndlr). Cet accord doit déjà être approuvé en commission paritaire nationale. Présidée par un représentant du ministère de l'agriculture, cette commission comprend pour moitié des représentants syndicaux et pour moitié des représentants d'employeurs. Derrière, il va falloir que le gouvernement procède à la modification de certains articles du code rural, qui traitent des commissions paritaires. Autrement dit, nous devrons, les deux organisations syndicales signataires (CFDT, CFE-CGC, Ndlr) et les organisations d'employeur signataires, prendre notre bâton de pèlerin pour convaincre le ministère de l'agriculture d'engager ces modifications législatives. Sur le principe, on ne voit pas pourquoi cela ne serait pas engagé, puisqu'il s'agit d'un accord des partenaires sociaux des chambres. Ensuite, une fois que la loi sera modifiée et le décret paru, nous nous sommes donnés 6 mois pour finaliser l'accord.
Oui ! Il est important de dire que cet accord fait accéder 25 chambres d'agriculture (sur une centaine) aux prérogatives des CSE de plus de 50 salariés.

Donc, un quart des chambres bascule dans davantage de droits : nous nous alignons sur la loi (Ndlr : sur les droits et moyens prévus par l'ordonnances de 2017 et son décret), ce qui signifie des budgets pour le fonctionnement des instances et des budgets d’activités sociales et culturelles pour tous les salariés (3). Pour l'ensemble des élus CSE de toutes les chambres, l'accord apporte aussi un plus avec 5 heures de délégation supplémentaires par mois, pour compenser le fait qu'il n'y aura plus de commission paritaire. On aura donc un peu moins d'élus mais ils auront un peu plus de temps. Cela me semble un bon compromis, même si nous n'avons pas pu obtenir d'engagement national sur la création de représentants de proximité. Cela sera du ressort de chaque établissement, qui pourra négocier un accord.
C'est très variable. Certaines chambres départementales emploient 30 salariés, d'autres 80, et il y a trois grosses chambres d'agriculture régionale (Bretagne, Normandie, Pays-de-la-Loire) qui ont de 300 à 600-700 salariés.
Quel est le climat social et le dialogue social dans ces établissements ?

(3) L'accord prévoit une meilleure représentation que celle minimale prévue par la loi pour les CSE des chambres d'agriculture qui resteront sous la barre des 50 salariés : le nombre de représentants du personnel est porté de 1 à 2 pour les CSE représentants de 11 à 25 salariés, et de 2 à 3 pour les CSE représentants de 26 à 49 salariés.