Une prime de 1 500€ pour tous, c'est une prime de 1 500€ pour tous !

Une prime de 1 500€ pour tous, c'est une prime de 1 500€ pour tous !

08.11.2020

Dans un jugement du 6 novembre, le tribunal judiciaire de Créteil ordonne à Total de payer aux salariés de la société SNC SASCA le complément de la prime de 1 500€ de pouvoir d'achat, prime promise par le groupe mais qui n'avait été versée qu'à hauteur de 400€ dans cette filiale. Vous avez dit engagement unilatéral ?

A l'issue de ses négociations salariales fin 2018, la société d'avitaillement et de stockage de carburants aviation (SNC SASCA), filiale détenue à 60% par Total Marketing, verse une prime exceptionnelle de pouvoir d'achat de 400€ à ses salariés. Un geste appréciable, mais néanmoins très en dessous de la promesse formulée par le PDG de la SA Total. Le 11 décembre 2018, soit le lendemain de l'annonce par le président de la République du mécanisme de cette prime, le dirigeant s'engage en effet publiquement, dans un tweet, à verser "une prime exceptionnelle de 1 500 (...) pour tous les salariés en France". 

 

Ce tweet disait ceci : 

« Après une journée d’écoute & de débats et compte tenu des bons résultats de @Total en 2018, nous proposons à nos organisations syndicales une enveloppe globale d’#augmentation de +3,1 % et une #prime exceptionnelle de 1500 euros pour tous nos salariés en France »

 

Pour la CGT, les 400 versés aux salariés de la filiale ne suffisent pas dans la mesure où la société Total a publiquement pris un engagement à verser 1 500. Du reste, un accord collectif, signé entre "les sociétés du Socle Social Commun du groupe Total (Ndlr : 17 sociétés) et les organisations syndicales représentatives", a bien prévu le versement d'une prime de 1 500 bruts aux salariés. Sauf que Total réfute l'appartenance de la SNC SASCA au "socle social commun" du groupe.

Un engagement unilatéral

Le syndicat porte donc l'affaire devant le tribunal judiciaire. Renvoyée à plusieurs reprises, l'audience s'est tenue le 21 septembre 2020, et le jugement vient d'être rendu. Il considère que Total a pris un "engagement unilatéral" et que l'entreprise doit en assumer les conséquences. Le juge condamne donc Total à payer aux salariés de la SNC SASCA "une somme correspondant à un complément de prime exceptionnelle égal à la différence entre le montant de 1 500 bruts et la somme perçue par les salariés au titre de la prime exceptionnelle".

Mais attention, le jugement indique qu'il ne suffit pas d'un tweet pour caractériser un engagement unilatéral de l'employeur.

La motivation du jugement

Pour statuer, le tribunal estime tout d'abord que le syndicat avait un intérêt à agir dans la mesure où "son action n'a pas pour objet la défense d'un droit exclusivement attaché à la personne du salarié, mais bien la contestation d'une politique de l'employeur ayant possiblement causé un préjudice à tous les salariés de l'entreprise".

Par ailleurs, l'entreprise SNC SASCA estimait que l'annonce du PDG de Total n'avait "aucune valeur contraignante en tant que telle et, a fortiori, aucune valeur contraignante à son égard, notamment en raison du caractère information lapidaire et flou du tweet et du communiqué, de telle sorte que la preuve d'une volonté univoque et certaine de la société Total n'est pas rapportée" et que, même si c'était le cas, cela ne pourrait concerner que les filiales à 100%. Total soutenait de son côté n'être pas l'employeur direct des salariés de la SNC SASCA. 

A cette défense, le juge oppose qu'il n'est pas contestable que la SNC SASCA est une filiale de Total puisque le code de commerce dit que lorsqu'une société possède plus de la moitié du capital d'une autre société, celle-ci est une filiale, et ici Total possède 60% de la SNC SASCA.

Un document décisif

En revanche, le juge admet qu'à défaut de précisions complémentaires, le tweet du PDG "constitue un élément insuffisant à caractériser un engagement unilatéral de la SA Total au profit des salariés de la SASCA". Pourquoi dès lors estimer caractérisé un engagement unilatéral ? Parce qu'un document de Total sur l'accord salarial évoque bel et bien le versement de cette prime exceptionnelle de 1 500 pour tous les salariés de France, y compris hors du Socle Social, socle dont la SNC SASCA ne fait effectivement pas partie.

Conclusion du tribunal judiciaire : "Il résulte une volonté claire et univoque de la société Total de faire bénéficier l’ensemble de ses salariés, y compris ceux de ses filiales, de la prime exceptionnelle de 1.500, de telle sorte que l’engagement unilatéral de la SA Total à cette fin est caractérisé – étant par ailleurs indifférent à la constitution de l'engagement que soient précisées de manière exhaustive les modalités futures de son exécution". 

 

Bernard Domergue

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