Visas Schengen : la Commission européenne propose de faciliter la suspension des dispenses de visa

23.10.2023

Afin de prévenir l'utilisation abusive par certains États tiers de l'exemption de visa de court séjour Schengen, la Commission européenne propose d'ajouter de nouveaux motifs de mise en œuvre du dispositif de suspension, de créer une procédure d'urgence et de mettre en place une nouvelle approche du suivi des accords d'exemption.

Par un document du 18 octobre 2022 accompagné d’un communiqué de presse, du sixième rapport relatif aux dispenses de visa et d’une série de « questions/réponses », la Commission européenne propose un projet de règlement modifiant les dispositions relatives au mécanisme de suspension des exemptions de visa de court séjour Schengen contenues dans le règlement (UE) 2018/1806 (Régl. (UE) 2018/1806, 14 nov. 2018 : JOUE n° L 303, 28 nov.).

Un mécanisme trop lourd pour répondre aux défis de l’augmentation de l’immigration irrégulière et du risque sécuritaire

Dans la présentation de son projet, la Commission européenne relève d’abord que, si les accords de dispense de visa renforcent les liens entre l’Union européenne et les pays tiers, ils peuvent aussi faciliter l’immigration irrégulière et poser des problèmes en matière de sécurité, tels que :

  • le maintien dans l’espace Schengen au-delà du séjour autorisé et demandes non-fondées d’asile de la part de leurs ressortissants ;

  • l’utilisation de leur territoire comme pays de transit vers l’Union européenne, quand ces pays n’alignent pas leur régime de visa sur celui des États Schengen ;

  • le contournement de l’obligation de visa applicable à leur nationalité d’origine par l’obtention de la citoyenneté d’un pays dont les ressortissants ne sont pas soumis au visa en y effectuant des investissements.

Le mécanisme inclus dans le règlement (UE) 2018/1806 permet déjà de répondre à certains abus en autorisant la suspension temporaire de l’exemption de visa. Il a déjà été initié deux fois :

  • en mai 2019, à la suite d’une notification d’un État membre qui a saisi la Commission d’une forte augmentation de demandes d’asile infondées et de la criminalité en provenance d’un État tiers ;

  • en 2022, en raison de l’octroi de la nationalité du pays dispensé de visa à des investisseurs ressortissants d’autres pays.

Mais ce n’est qu’en 2022 que ce mécanisme a été mené à son terme pour la première fois, aboutissant à la suspension de la dispense dont bénéficiaient les ressortissants du Vanuatu.

Une expérience qui a montré la lourdeur de la procédure, qui ne permet pas de remplir ses objectifs.

Un projet de mécanisme de suspension de l’exemption de visa plus large et plus réactif

Le mécanisme de suspension actuel fait l’objet de l’article 8 du règlement (UE) 2018/1806. Au regard du constat dressé, la Commission propose donc de développer le texte de cet article et de le scinder en sept articles (8 à 8f).

Actuellement, ce mécanisme peut être déclenché dans des cas très limités, tel l’accroissement soudain et substantiel de la migration irrégulière, des risques pour la sécurité ou le défaut de coopération en matière de réadmission.

Le futur mécanisme présenterait pour sa part des seuils chiffrés à partir desquels la procédure serait initiée seraient fixés et des motifs de suspension étendus, tels que :

  • la mise en œuvre de programmes d’attribution de citoyenneté, sans lien réel avec le pays qui l’accorde ;

  • le défaut d’alignement de la politique des visas sur celle des États Schengen.

Une procédure d’urgence serait également introduite afin de pouvoir réagir plus rapidement en cas de besoin.
 

Les périodes de suspension pourraient quant à elles être étendues, passant de neuf à douze mois pour la première phase (acte d’exécution) et de 18 à 24 mois pour la deuxième (prorogation par acte délégué) avant qu’une décision mette fin à l’exemption en transférant le pays tiers de l’annexe II à l’annexe I du règlement (UE) 2018/1806, ce qui donnerait plus de temps pour un dialogue en vue de remédier à la situation à l’origine de la suspension.

Enfin, les exemptions de visa devraient faire l’objet d’un suivi de la part de la Commission mieux adapté aux problèmes constatés avec les pays dont les ressortissants bénéficient d’un tel régime.

Un sixième rapport sur les régimes d’exemption qui fait figure d’exemple

Dans un rapport adopté par la Commission en même temps que sa proposition de modification du règlement, cette dernière rend compte des résultats de son suivi du régime d'exemption de visa avec les pays des Balkans occidentaux et du partenariat oriental ainsi que, pour la première fois, de ceux d’autres pays exemptés de visa.


La Commission y estime que les pays du voisinage de l’Union européenne continuent à satisfaire aux exigences liées à la suppression de l’obligation de visa. Ils sont toutefois invités à prendre de nouvelles mesures contre la criminalité organisée, la corruption et la migration irrégulière, notamment :

  • en poursuivant l’alignement de leur politique en matière de visa sur celle de l’Union européenne ;

  • et en supprimant progressivement et de manière effective les programmes de citoyenneté par investissement.

En définitive, alors que les pays des Caraïbes et du Pacifique exemptés de l'obligation de visa appliquent eux-aussi des programmes de citoyenneté par investissement, l’objectif de la Commission consiste aujourd’hui à trouver des solutions à long terme pour prévenir tout contournement éventuel de la procédure de visa de court séjour de l'Union européenne et à évaluer les risques individuels en matière de migration et de sécurité que ces programmes comportent.

Michel Dejaegher, Consultant Visas, Ancien sous-directeur des Visas, Ancien consul général de France à Alger, Abidjan, Vancouver et Tokyo

Nos engagements