Coronavirus : vers des remises en liberté en zones d'attente ?
26.03.2020

En raison de la suspension de la plupart des liaisons aériennes, certaines demandes de prolongation du maintien en zone d'attente sont rejetées.
A l’instar des positions prises par les juridictions sur la question des maintiens en rétention (v. p. XX), quelques cours d’appel ont eu à statuer sur les demandes de maintien en zone d’attente d’étrangers refoulés à la frontière.
Sans grande surprise, les juges s’appuient sur des motifs identiques pour ordonner la mainlevée des mesures prononcées, considérant qu’il semble désormais impossible pour l’autorité administrative de démontrer que le réacheminement d’un étranger faisant l’objet d’un refus d’entrée est possible dans le délai maximal de maintien en zone d’attente (qui peut aller jusqu’à vingt-six jours), compte tenu de la suspension de la plupart des vols internationaux (CA Colmar, 23 mars 2020, n° 20/01206).
Les juges s’appuient également sur le fait que le réacheminement de la personne risquerait de participer à l’extension de la pandémie dans le pays d’origine, ce d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un pays où les infrastructures sanitaires de son pays sont fragiles, ce qui mettrait en danger ses ressortissants (CA Paris, 17 mars 2020, n° 20/01210).
Pourtant, au sein de la même cour, les juges ont des positions divergentes. Ainsi, une conseillère a considéré l’appel d’un étranger maintenu dénué de motivation et donc irrecevable parce qu’il portait sur un unique moyen tiré de la pandémie au Covid-19 et d’un risque de propagation du virus en cas de réacheminement. Le juge a alors estimé que ce motif constituait en réalité un moyen de contestation de la décision de refus d’entrée et que, dans ces conditions, il ne pouvait pas en connaître (CA Paris, 19 mars 2020, n° 20/01236).
Remarque : on relèvera toutefois que, à supposer que ce moyen ne puisse être utilement invoqué, l’acte d’appel n’en restait pas moins motivé. Au pire, le moyen aurait dû être jugé inopérant. La question reste ensuite posée de savoir dans quelle mesure un juge qui constate que les mesures d’éloignement ne peuvent plus être exécutées en raison de la suspension du trafic aérien pendant une durée indéterminée peut confirmer un maintien en zone d’attente, alors qu’au titre de sa mission de gardien de la liberté individuelle, il doit assurer que la mesure est proportionnée au but poursuivi. En effet, une privation de liberté dont le but est d’assurer la bonne exécution d’une mesure d’éloignement alors qu’il est établi que celle-ci ne peut être exécutée, ne répond plus aux conditions posées par la loi, en dépit des apparences formelles.