« Brexit » : le Conseil d'État valide certaines dispositions du décret du 19 novembre 2020

06.04.2022

Droit public

Le Conseil d'État rejette le recours dirigé contre le refus du Premier ministre d'abroger les dispositions du décret du 19 novembre 2020 relatives aux conditions de délivrance du titre de séjour « séjour permanent Article 50 TUE/Article 18 accord de retrait du Royaume-Uni de l'UE ».

Par une décision du 22 mars 2022, le Conseil d’État rejette le recours d’une ressortissante britannique et d’une association défendant les intérêts de ses compatriotes, dirigé contre le refus implicite du Premier ministre d’abroger le décret n° 2020-1417 du 19 novembre 2020 concernant l'entrée, le séjour, l'activité professionnelle et les droits sociaux des ressortissants étrangers bénéficiaires de l'accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de l'Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Le retrait de la qualité de citoyen de l’Union résulte non de l’accord de retrait mais de son entrée en vigueur

Dans sa décision, le Conseil d’État juge d’abord que, dès lors qu'il se borne à fixer les modalités du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, ce n’est pas le contenu de l'accord de retrait qui a eu pour effet de priver la requérante, de nationalité britannique, de sa citoyenneté européenne, mais l’entrée en vigueur de celui-ci.

Par conséquent les requérantes ne pouvaient soutenir que l'accord de retrait, sur le fondement duquel le décret n° 2020-1417 a été édicté, aurait privé les ressortissants britanniques de la citoyenneté européenne et serait ainsi contraire aux « principes et obligations communautaires et internationaux » invoqués.

Absence de violation des règles de compétences de l’article 34 de la Constitution

La Haute juridiction juge dans un second temps que, contrairement à ce que soutenaient encore les requérantes, le pouvoir réglementaire n’a pas empiété sur la compétence du législateur, telle que fixée par l’article 34 de la Constitution, en énumérant les conditions devant être réunies pour l’obtention du titre de séjour « séjour permanent Article 50 TUE/Article 18 Accord de retrait du Royaume-Uni de l'UE », dès lors qu’il s'agissait seulement de préciser les modalités d'octroi et de délivrance du titre prévu par l'accord.

Les juges précisent par ailleurs que la circonstance que la durée de validité du titre de séjour a été fixée à dix ans par le pouvoir règlementaire n’affecte pas le caractère permanent du droit au séjour dès lors qu’il est renouvelable de plein droit, sauf menace pour l’ordre public. Ainsi, le moyen tiré de ce que les dispositions du décret auraient méconnu les stipulations des articles 15 et 18 de l'accord de retrait est écarté.

Remarque : le paragraphe 1er de l'article 15 de l’accord du 17 octobre 2019 prévoit que « les citoyens de l'Union et les ressortissants du Royaume-Uni, ainsi que les membres de leur famille respective, qui ont séjourné légalement dans l'État d'accueil conformément au droit de l'Union pendant une période ininterrompue de cinq ans ou pendant la période indiquée à l'article 17 de la directive 2004/38/CE, acquièrent le droit de séjourner de manière permanente dans l'État d'accueil dans les conditions énoncées aux articles 16, 17 et 18 de la directive 2004/38/CE. Les périodes de séjour légal ou d'activité conformément au droit de l'Union avant et après la fin de la période de transition sont prises en compte dans le calcul de la période nécessaire à l'acquisition du droit de séjour permanent ». Le paragraphe 1er de l'article 18 du même accord stipule quant à lui que « l'État d'accueil peut exiger des citoyens de l'Union ou des ressortissants du Royaume-Uni, des membres de leur famille respective et des autres personnes qui résident sur son territoire dans les conditions énoncées au présent titre, qu'ils demandent un nouveau statut de résident qui leur confère les droits prévus au présent titre et un document attestant ce statut, qui peut être sous forme numérique ».

Des ressortissants britanniques dans une situation différente de celles des autres ressortissants de pays tiers

Enfin, le Conseil d’État considère qu’il n’y a pas de discrimination entre les ressortissants britanniques et les ressortissants des pays tiers qui, sous certaines conditions, peuvent obtenir une carte de résident permanent à durée indéterminée. En effet :

  • le principe de non-discrimination en raison de la nationalité énoncée à l'article 12 de l'accord de retrait ne concerne que les situations relevant du champ d'application de l'accord ;

  • le principe, identique, énoncé à l'article 18 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ainsi qu'à l'article 21 de la Charte des droits fondamentaux ne concerne que les situations relevant du champ d'application du traité.

Ainsi, précise le Conseil d’État, « si ces principes trouvent à s'appliquer respectivement en cas de discriminations subies par un ressortissant britannique par rapport à un ressortissant d'un État membre et par un ressortissant d'un État membre par rapport au ressortissant d'un autre État membre, ils n'ont pas vocation à s'appliquer aux éventuelles différences de traitement entre les ressortissants britanniques et ceux des pays tiers, qui se trouvent dans des situations juridiques différentes ».

Remarque : dans un même mouvement, le juge écarte le moyen tiré de la violation de l'article 14 de la Convention européenne de des droits de l'homme.

Christophe Pouly, Avocat
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