Accident médical : la condition d'anormalité entendue strictement

18.10.2016

Droit public

La survenance d'une polyneuropathie n'est pas une conséquence anormale de l'acte médical dans le cas d'une intervention très lourde justifiée par une affection du péritoine.

L’anormalité des conséquences dommageables de l’acte médical constitue l’une des conditions  requises pour pouvoir bénéficier d’une indemnisation au titre de la solidarité nationale. Or cette condition, qui est strictement définie  par la jurisprudence, conduit assez souvent à un rejet de la demande d’indemnisation, comme en témoigne l'arrêt de la Cour de cassation du 22 septembre 2016.
 
En l’espèce, une patiente, atteinte d’une affection cancéreuse du péritoine, subit  une intervention chirurgicale particulièrement lourde (ablation du péritoine, de la vésicule, de la rate, du rectum, de l'épiploon, des trompes, des ovaires, du colon droit et d'une partie du grêle terminal). Dans les suites opératoires, sont survenues des complications infectieuses majeures, puis une polyneuropathie, à l’issue de laquelle la patiente a gardé une tétraparésie flasque des quatre membres. Après l’échec d’une tentative de procédure amiable, elle assigne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) afin d’obtenir une indemnisation de ses préjudices au titre de la solidarité nationale mais sa demande est rejetée par les juges au motif que la condition d’anormalité des conséquences dommageables n’est pas remplie.
 
Le pourvoi est rejeté. La Cour de cassation rappelle tout d’abord la définition de cette condition telle qu’elle est donnée par la jurisprudence : l’acte médical doit avoir entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Dans le cas contraire, les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présente une probabilité faible. Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état de santé du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.
 
Puis la Cour reprend les constatations énoncées par la cour d’appel sur la base du rapport d’expertise. En l’occurrence, la patiente présentait une affection létale qui justifiait de recourir à une thérapie innovante dans le cadre d'un protocole d’essai prospectif de phase II,  mais cette thérapie comportait une intervention très lourde avec des risques de mortalité et de multiples complications de type infectieuses et hémorragiques. Même si, selon les experts, la polyneuropathie de réanimation constitue une complication exceptionnelle comme n’ayant pas été décrite dans les suites de l’opération pratiquée, elle constitue une complication classique, après plusieurs semaines de réanimation chez des patients présentant une défaillance multiorganique. La patiente était donc particulièrement exposée au risque d’un séjour prolongé en service de réanimation en raison des complications prévisibles du traitement lourd mis en place. La Cour en déduit que c’est à bon droit que les juges du fond ont décidé que, dans les conditions où l'acte médical a été accompli, la survenance du dommage ne présentait pas une probabilité faible et que les préjudices subis ne constituaient pas une conséquence anormale de l’acte médical.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Catherine Caillé, Maître de conférences à la faculté de droit et des sciences économiques de Tours
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