Affaire du Distilbène : des juges censurés pour dénaturation du rapport d'expertise

01.07.2019

Droit public

La Cour de cassation censure une cour d'appel pour avoir dénaturé le rapport d'expertise, en ayant relevé qu'il n'est pas exclu que l'hypoplasie utérine dont souffre la demanderesse soit liée à un utérus cloisonné, alors que le rapport ne faisait aucunement état d'un lien entre ces deux éléments physiopathologiques.

La Cour de cassation était saisie d’un pourvoi formé par une femme ayant été déboutée de sa demande d’indemnisation de préjudices liés à une exposition in utero au DES.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Par un arrêt du 19 juin 2019, la Haute juridiction civile censure l’arrêt de la cour d’appel de Versailles ayant rejeté sa demande indemnitaire pour un double motif de violation de la loi et de dénaturation du rapport d’expertise.

La demanderesse – sa mère étant intervenue volontairement à la procédure – soutenait avoir été exposée in utero au diéthylstilbestrol (DES) et avait assigné le laboratoire UCB pharma (société ayant repris les droits et les obligations de la société ayant exploité le Distilbène), afin d’être indemnisée du préjudice résultant d’anomalies physiologiques de l’utérus.

Les juges du fond ont rejeté sa demande considérant qu’elle n’apportait pas la preuve d’une exposition au DES et d’une imputabilité de ses anomalies à cette exposition. En l’espèce, les éléments rapportés n’ont pas été regardés comme pouvant constituer des présomptions suffisamment graves, précises et concordantes, les anomalies présentées par la plaignante ne devant avoir, selon la cour, une autre étiologie que celle d’une exposition au DES, ce que la plaignante n’avait pu démontrer.

C’est cette interprétation restrictive des éléments probatoires permettant de présumer le lien de causalité qui est censurée pour violation de la loi. Pour la première chambre civile, la cour d’appel ne pouvait pas exiger de la plaignante, dès lors que la preuve du lien de causalité peut être rapportée par tous moyens et notamment par des présomptions, qu’elle prouve que les anomalies utérines dont elle souffre proviennent exclusivement d’une exposition au DES, en éliminant toutes les autres causes possibles.

La juridiction versaillaise a de surcroît été censurée pour avoir dénaturé le rapport d’expertise, un grief rarement admis dans le contentieux de la responsabilité du fait des produits défectueux, même si souvent invoqué en cassation par les parties qui se trouvent limitées par le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

Lorsque le document en cause n’est ni un contrat, ni un jeu de conclusions des parties (cas d’un rapport d’expertise), les traditionnels visas de l’arrêt (article 4 du code de procédure civile ou article 1134 du code civil) sont alors remplacés par une référence à un principe général du droit procédural, à savoir « l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis », principe tiré de l’adage interpretatio cessat in claris, en vertu duquel lorsque les termes d’un écrit versé à la procédure sont clairs et précis, toute interprétation contraire caractérise une dénaturation.

En l’occurrence, les juges du fond ont été censurés pour avoir dénaturé le rapport d’expertise, en ayant relevé qu’il n’est pas exclu que l’hypoplasie utérine dont souffre la demanderesse soit liée à un utérus cloisonné, alors que le rapport ne faisait aucunement état d’un lien entre ces deux éléments physiopathologiques.

Jérôme Peigné, Professeur à l'université Paris Descartes
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