Affaire du Levothyrox : les plaignants déboutés

14.03.2019

Droit public

Le tribunal déboute les victimes du Levothyrox demandant une indemnisation de leur préjudice moral résultant d'une faute du laboratoire.

Par le biais d’une action collective conjointe, quelques milliers de malades de la thyroïde traités par le Levothyrox et se plaignant d’effets secondaires indésirables liés à la nouvelle formule de ce médicament ont demandé au tribunal d’instance de Lyon de condamner l’exploitant du médicament (la société Merck Serono) et le titulaire de l’AMM (la société Merck Santé) à les indemniser individuellement à hauteur de 5000 euros au titre du préjudice d’impréparation et de 5000 euros au titre du préjudice d’anxiété.

Droit public

Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.

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Par un jugement du 5 mars 2019, le tribunal vient de rejeter leur requête, estimant que les sociétés Merck n’avaient commis aucune faute délictuelle ou quasi-délictuelle justifiant la réparation du préjudice moral découlant d’un défaut d’information.

La compétence du tribunal d’instance n’allait pas d’emblée de soi et avait même de quoi surprendre pour un contentieux impliquant un médicament, le tribunal de grande instance étant en effet compétent pour connaître des actions en réparation des dommages corporels (COJ, art. L. 211-4-1) et des actions personnelles dont la valeur excède 10000 euros (COJ, art. L. 221-4).

Le tribunal d’instance s’est toutefois reconnu compétent dans la mesure où les demandes indemnitaires principales ont été requalifiées, les demandes initiales portant sur la réparation d’un préjudice d’impréparation et d’un préjudice d’angoisse. Les demandes modifiées visaient ainsi à obtenir la réparation d’un préjudice moral découlant d’un manquement à l’obligation d’information incombant aux laboratoires pharmaceutiques, sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil. Elles visaient également la réparation du préjudice moral autonome, résultant de l’atteinte au droit subjectif des patients à être informé, en application de l’article 16-3 du même code.

Considérant que l’action principale des victimes tendait à obtenir la réparation de préjudices moraux détachables de toute atteinte à la personne, et dans la limite de son seuil de compétence, le tribunal d’instance s’est reconnu compétent pour connaître du litige. Il a en revanche accueilli l’exception d’incompétence soulevée par les laboratoires à l’encontre de l’action subsidiaire fondée sur le régime de responsabilité du fait des produits défectueux (C. civ., art. 1245 et s.).

Sur le fond, le tribunal a été conduit à apprécier si le comportement de la société Merck était constitutif d’une faute civile délictuelle ou quasi-délictuelle lorsque, en avril 2017, il a procédé à un changement de la formule du Levothyrox, en conservant le même principe actif (la levothyroxine), mais en incorporant des excipients différents.

Il était principalement reproché au laboratoire une notice défaillante ne recensant pas les mêmes effets secondaires que dans d’autres pays, un manque d’information préalable au changement de formule, un défaut d’information des patients a posteriori, une absence de prise de contact avec les associations de malades, un retard dans l’actualisation des informations figurant sur le site internet du laboratoire.

Le juge lyonnais a d’abord rappelé que plusieurs pays avaient dû faire face à des problèmes analogues lors du changement de formule du Levothyrox. Il a ensuite constaté que la modification de la composition est intervenue à la suite d’une demande, datant de 2012, de l’ex-AFSSAPS (devenue l’ANSM), dans la perspective d’éviter des différences trop importantes de bioéquivalence, compte tenu de l’arrivée de médicaments génériques de la levothyroxine. Il a enfin admis que la notice du Levothyrox, nouvelle formule, était conforme aux exigences réglementaires (C. santé publ., art. R. 5121-149) et contenait une information pertinente, accessible et intelligible pour les patients quant aux effets indésirables du produit, le plan de communication mis en place, dès février 2017, en concertation avec l’ANSM à destination des seuls professionnels de santé étant justifié par le fait que le médicament était soumis à prescription médicale obligatoire.

L’action des demandeurs introduite sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil a donc été rejetée, de même que celle fondée sur l’article 16-3 du code civil, aucun comportement caractérisant une atteinte à la dignité des malades n’ayant été établi selon le tribunal.

 

Jérôme Peigné, Professeur à l'université Paris Descartes
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