La Cour de cassation, dans un arrêt du 14 septembre 2017, confirme la décision d'un juge qui confiait un enfant à sa mère résidant dans un autre pays et attribuait au père un droit de visite en lieu neutre à l'étranger où il ne pouvait se rendre en raison d'un mandat d'arrêt européen.
Le mandat d'arrêt européen prononcé à l'encontre du père d'un enfant n'empêche par le juge des enfants de fixer la résidence du mineur - en situation de danger - chez sa mère en Hongrie, son pays d'origine, et d'accorder au père des droits de visite en lieu neutre. C'est ce que vient de juger la Cour de cassation dans une décision du 14 septembre dernier.
Le droit public se définit comme la branche du droit s'intéressant au fonctionnement et à l’organisation de l’Etat (droit constitutionnel notamment), de l’administration (droit administratif), des personnes morales de droit public mais aussi, aux rapports entretenus entre ces derniers et les personnes privées.
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Enfant en danger
Dans cette affaire, les faits étaient les suivants. Un enfant, Léon, né en 2013 d'un père français et d'une mère hongroise est emmené par celle-ci en Hongrie après la séparation du couple en 2014. Chacun des parents engage en France et en Hongrie une procédure pour obtenir la résidence de l'enfant.
La France a attribué l'autorité parentale aux deux parents, fixé la résidence de l'enfant chez son père et accordé à la mère un droit de visite médiatisé. Cette décision, non définitive, a été cassée par la Cour de cassation et renvoyée devant une nouvelle cour d'appel.
Le tribunal de première instance hongrois a, pour sa part, fixé la résidence de l'enfant chez la mère, en Hongrie, lui a attribué l'exercice exclusif de l'autorité parentale et a fixé un droit de visite du père en lieu neutre.
Pendant ce temps, le père est allé chercher l'enfant en Hongrie pour le ramener de force en France ; la Hongrie a alors délivré à son encontre un mandat d'arrêt européen pour enlèvement, mis à exécution par la France le 15 décembre 2015. Et Léon a été confié en urgence par le parquet à l'aide sociale à l'enfance (ASE).
Le juge des enfants a mis un terme à cette mesure de placement, la cour d'appel saisie a en effet confié, par arrêt du 13 décembre 2016, Léon à sa mère jusqu'au 1er janvier 2017, le père étant autorisé à voir son fils chaque semaine impaire en lieu neutre.
La Cour de cassation rejette le pourvoi du père fondé sur plusieurs moyens et notamment sur celui de la non caractérisation du danger couru par son fils en résidant chez lui.
Droit de visite à l'étranger
A la lecture de cet arrêt, on peut retenir plusieurs éléments concrets. Ainsi :
- un enfant peut être confié à son autre parent conformément aux dispositions de l'article 375-3 du code civil et le fait que ce parent réside à l'étranger ne constitue pas un obstacle à la mise en œuvre de cette mesure. La protection d'un enfant peut donc s'exercer à l'étranger ;
- la cour d'appel est légitime à prendre sa décision en prenant en compte les éléments de la situation de l'enfant au moment où elle a statué ;
- le comportement du père qui, à deux reprises, a directement exposé l'enfant à des scènes de violence en présence de ses figures d'attachement, en l'espèce son grand-père et sa mère, et l'a brutalement privé par son enlèvement au cadre de vie dans lequel il évoluait depuis plusieurs mois, constitue bien un danger au sens de l'article 375 du code civil ;
- un droit de visite peut être accordé au parent qui n'a pas la résidence de l'enfant, même si ce droit ne peut pas être effectivement exercé. En l'espèce, le père de Léon en se rendant en Hongrie pour exercer son droit de visite s'expose à une arrestation dès qu'il franchira la frontière compte tenu du mandat d'arrêt dont il fait l'objet ;
- la cour d'appel n'est pas tenue de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter pour fonder sa décision.
Bernard Azéma, magistrat honoraire